Selon une étude de l'AMIP, le nombre de personnes couvertes passera de 5,2 à 11,6 millions de personnes, mais l'absence de droit de substitution pour les pharmaciens bridera l'achat de médicaments. Atrois mois de l'entrée en vigueur de l'Assurance Maladie obligatoire (AMO), le dossier n'est toujours pas ficelé et les commissions en charge du dossier planchent toujours sur les aspects techniques de la couverture médicale généralisée. Le premier ministre, Driss Jettou, a d'ailleurs déclaré récemment, lors d'une réunion avec la presse, que le délai du 1er janvier 2005 sera très difficile, voire impossible à tenir. La mise en place de l'AMO, même de manière progressive, sera donc très probablement repoussée de quelques mois. Mais assure-t-on à la primature, le dossier sera bel et bien bouclé au cours de l'année à venir. Une déclaration d'intention qui fait douter les pharmaciens et industriels du médicament, partie prenante dans le processus de préparation. La date butoir du 1er janvier 2005 sera probablement repoussée de quelques mois Certes, ils sont bel et bien associés aux discussions, mais ils disent aussi ne pas avoir de visibilité sur le dossier. «Depuis six mois, c'est le flou total. La dernière réunion remonte à février 2004 et aujourd'hui nous n'avons aucune nouvelle», explique Mohamed Kamal Belhaj Soulami, président de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens (FNSP). La fédération sollicitée avait, rapporte son président, «proposé, en février de cette année, une liste des produits remboursables et nous l'avons même revue suite aux discussions avec le ministère de la Santé, la CNSS et la CNOPS. Mais depuis, c'est le silence total». Même son de cloche à l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP). Son président, Ali Sedrati, précise en effet que «le secteur n'a pas d'informations nouvelles sur ce dossier. L'association a aussi, de son côté, élaboré une liste de médicaments remboursables. Mais nous n'avons pas eu de feed-back». Pour les uns comme pour les autres, le projet de couverture médicale généralisée a pris beaucoup de retard. «Le pays en a besoin car, aujourd'hui, seulement 15 à 20 % de la population est couverte. Par ailleurs, le marché pharmaceutique est exigu et la consommation nationale de médicaments se limite à une dépense moyenne de 200 DH par habitant et par an», précise M.Belhaj. En raison de la modicité de leurs moyens, certains continueront à se passer de soins médicaux L'AMO permettrait ainsi un plus grand accès aux soins et aux médicaments. L'AMIP qui, selon son président, ne «rêve pas de l'AMO comme un moyen de faire exploser le chiffre d'affaires du secteur, s'est engagée vis-à-vis des pouvoirs publics à assurer toute demande additionnelle». L'association a même mené, en avril dernier, une étude évaluant l'incidence de l'AMO sur la consommation de médicaments. Considérant que les assujettis, non encore assurés au 31 décembre 2004, seront intégrés selon le cas à la CNSS ou à la CNOPS un an plus tard, l'étude prévoit que le nombre des bénéficiaires de l'AMO passera, dans le secteur public, de 3 764 000 à 4 468 000. Dans le secteur privé, le nombre des bénéficiaires s'élèvera à 7 135 000 contre 1 520 000 actuellement. Les auteurs de l'étude estiment que l'impact de l'AMO sur la consommation de médicaments sera toutefois modéré. Par rapport à 2004, la demande augmenterait de 17 % en 2006, de 18,7 % en 2008 et atteindra 19,4 % en 2010. Quant à l'impact du Ramed (couverture pour les populations défavorisées) sur la demande, il sera compris entre 2 % et 4,7 % en 2005 et de 4,3 % en 2010, toujours comparativement à 2004. L'incidence de l'AMO sur les ventes de médicaments portera, selon l'étude, sur toutes les classes thérapeutiques et variera en fonction de la place occupée par chaque classe dans le marché pharmaceutique. Mais, selon les pharmaciens, cet impact ne pourra être optimisé que si le droit de substitution (possibilité de proposer au patient un médicament en substitution à celui prescrit par le médecin) est accordé au pharmacien. Prévu dans la première mouture du projet de code de la pharmacie, le droit de substitution n'a pas été retenu dans la version finale, en cours d'examen. «L'AMO permettra certes un plus large accès aux soins, mais si l'on ne propose pas des produits à un coût raisonnable, les patients ne viendront pas se soigner faute de moyens», indique M.Belhaj, président de la FNSP. Abondant dans le même sens, les responsables de l'AMIP concluent que «l'AMO augmentera le nombre des citoyens couverts, mais il y a une réalité qu'il ne faut pas occulter : les contraintes financières». C'est cette réalité qui, selon des sources proches du dossier, donne du fil à retordre aux commissions techniques devant fixer les taux de couverture et de remboursement.