Casablanca compte plus de 8 000 gardiens dont seuls 2 400 ont une autorisation de la commune. Louées à 3DH/m par mois, les zones sont rétrocédées à des gardiens à un prix allant de 50 à plus de 1000 DH par jour. L'activité ne rapporte que 9 MDH par an à la ville de Casablanca. Ils font partie de notre quotidien. Jours et nuits, ils sont là dans les ruelles, les boulevards, les places… Ils, ce sont les gardiens de voitures. Ces hommes et femmes de tout âge ne sont que l'arbre qui cache une forêt d'irrégularités dans un secteur où les frontières entre le social et la rente ne sont pas étanches. Théoriquement, pour disposer d'un espace de gardiennage et l'exploiter, il faut d'abord repérer une zone libre. Ensuite, la procédure exige le dépôt d'un dossier de demande d'autorisation auprès de l'arrondissement concerné. «L'intéressé doit prouver qu'il fait partie de la catégorie des personnes à besoins spécifiques (personnes souffrant de handicap). Il ne doit pas non plus avoir une source de revenus et doit disposer d'un casier judiciaire vierge», confirme le responsable du service stationnement à Dar El Khadamat de Casablanca. Dès lors, une enquête doit être diligentée par les services de police, une autre par le moqaddem du quartier. Le dossier est politiquement très sensible pour les élus Ce n'est que si les déclarations sont confirmées et la bonne moralité du requérant établie que «le président de l'arrondissement délivre une autorisation renouvelable annuellement», explique le responsable. Pourtant, selon une source bien au fait de la gestion communale, «ce sont les présidents des Communes urbaines qui doivent délivrer cette autorisation, conformément à la loi relative aux collectivités locales». Ce à quoi Ahmed Brija, premier vice-président de la Commune urbaine de Casablanca, répond que «les présidents des villes marocaines, dont Mohamed Sajid, ont délégué cette tâche, entre autres, aux élus (présidents des arrondissements) dans le cadre de la politique de proximité». A elle seule, Casablanca compte plus de 8 000 gardiens de voitures de jour, dont seuls 2 400 (30%) disposent d'une autorisation. Le revenu moyen mensuel de ces gardiens est estimé entre 3 000 et 4 000 DH hors charge locative de la zone. Selon un élu, «il y a vraiment du potentiel dans ce secteur mais les revenus de la ville restent très faibles». La preuve, en 2013, le CUC a collecté uniquement 9,5 MDH de recettes (hors parkings). La contribution de l'arrondissement de Maârif, qui compte plus de 350 gardiens autorisés au titre de l'année 2013, n'a pas dépassé les 390 000 DH et les recettes collectées à fin novembre 2014 ne dépassent pas les 350 000 DH. Idem pour l'arrondissement d'Anfa où opèrent près de 500 gardiens autorisés. En 2013, il n'a encaissé que 577000 DH. Pendant ce temps, «les 6500 places exploités par la société d'horodateurs Pack parking ont permis de collecter 8,5 MDH». De fait, la ville de Casablanca accuse un manque à gagner estimé à près de 40 MDH par an sur cette activité. Pourtant les élus semblent peu pressés d'activer le dossier du gardiennage. Depuis sa création en 2008, Casa Développement qui devait prendre en charge le volet stationnement dans la ville n'a pas encore démarré l'exploitation. Pourtant, le business plan présenté par Khalid Bennani, ex-directeur général de la SDL, démis de ses fonctions quelques semaines avant le démarrage effectif de l'activité, avait prévu un chiffre d'affaires de 10 MDH au titre de l'année 2015, sachant que la SDL n'exploitera que quelque 4000 places. A ce sujet, un conseiller communal explique que «les élus sont entre deux feux. D'un côté, ils veulent augmenter les recettes de la commune et, de l'autre, ils redoutent les conséquences d'une interdiction d'exercer des gardiens à quelques mois des élections communales prévues pour juin 2015». Autrement dit, il s'agit d'un dossier politiquement très sensible, compte tenu de son volet social. Les élus n'ont pas d'alternatives à présenter aux gardiens car «ils ne peuvent être intégrés par les entreprises d'horodateurs pour la simple raison qu'ils ne sont pas les vrais détenteurs des autorisations», explique le conseiller. Une comptabilité peu transparente au niveau des arrondissements A Casablanca, «90% des titulaires des autorisations louent leur zone à des gardiens à des prix allant de 50 DH à plus de 1000 DH par jour», fait savoir notre source. C'est le cas de Thami, un quinquagénaire qui a hérité de la zone jouxtant la Tour des Habous de Casablanca. Selon lui, son périmètre accueille 60 voitures fixes par jour dont les propriétaires paient un forfait mensuel de 250 DH (début du mois). A cela s'ajoute une moyenne de 80 voitures qui stationnent pour une durée de 30 min à 1h facturée à 5 DH. Pour exploiter cette zone, «je dois verser quotidiennement 500 DH au propriétaire de l'autorisation», explique-t-il. Quelques mètres plus loin, on trouve Abdelfattah qui, lui, exploite une superficie plus petite pour un loyer journalier de 300 DH. Il confie que sa zone, celle de Thami ainsi que deux autres appartiennent à la même personne. Du côté du Maârif et plus exactement devant le marché des fleurs, Noureddine, la trentaine, travaille avec deux autres gardiens dans la même zone. Le loyer mensuel, dit-il, est de 12000 DH. En somme, il s'agit d'un réseau bien organisé où toutes les parties trouvent leur compte. D'abord, les détenteurs des autorisations versent 3 DH par mètre et par mois à la commune en guise de loyer. A leur tour, ils sous-louent leur zone à des gardiens qui imposent, en bout de chaîne, des tarifs abusifs aux automobilistes. Pour rappel, c'est l'additif à l'arrêté fiscal de janvier 2013 qui a fixé le prix de location à 3 DH par mètre au lieu d'un forfait mensuel de 75 DH le mois avant cette date. De même, la nouvelle procédure exige aux présidents des arrondissements de mentionner le métrage à exploiter au niveau de l'autorisation. Cependant, au moment du paiement du loyer, «la personne chargée du recouvrement au niveau de l'arrondissement se contente de cacheter le carnet jaune du titulaire de l'autorisation, sans pour autant mentionner le montant versé», souligne un élu. Il insinue par là que les montants versés sont supérieurs aux montants dus parce que les détenteurs d'autorisation, sachant que leur légitimité est sujette à caution, veulent garder leur sésame. Les gardiens sans autorisation, quant à eux, bénéficient de la «mansuétude» des pouvoirs publics, notamment le moqaddem et le caïd.