Deux grands dossiers préoccupent la majorité écrasante des habitants de Casablanca, particulièrement, et peu de leurs édiles : la Lydec et les horodateurs. Deux gestions déléguées attribuées à des sociétés privées dont les prestations laissent à désirer. Côté horodateurs, les citoyens, le tribunal administratif, le ministre de l'Intérieur contestent leur légalité. Pourtant, l'envahissement des espaces publics et la saisie des biens d'autrui poursuivent leur cours. Histoire d'une imitation aveugle hors la loi. Ils en arrivent aux injures et aux coups de poings. Ils sont venus un jour et se sont installés à Casablanca, puis à Rabat, ensuite à Tanger et peut être demain à Asilah ou à Chefchaouen. Avec un papier sous le coude, ils envahissent l'espace public, sans gardiennage, sans surveillance des véhicules, sans entretien de la chaussée, presque sans cahier de charges contrairement à ce qui est de mise dans les pays qui ont créé les horodateurs. On trace, on installe des «machines à sous», on embauche des ratés scolaires qui se vengent sur les véhicules d'honnêtes citoyens, on ramasse de l'argent et tout le monde doit se taire. Heureusement que certains ne peuvent plus le faire, car des voix se sont élevées pour dénoncer cette mascarade. Qu'est-ce que ces sociétés, apportent à la ville en contrepartie de leur raison d'être ? Car il devrait y avoir un apport. Les horodateurs ne sont pas nés comme machine à sous… Ils ont une raison. D'abord, les parcmètres, bien avant les horodateurs, ont été inventés non pour ramasser aveuglément de l'argent, mais pour permettre une certaine fluidité du stationnement. Le centre-ville de Casablanca avait ses parcmètres à pièces jaunes. Ils n'étaient installés que sur les grandes artères commerçantes. D'ailleurs, c'est là leur raison d'être, parce qu'on achète pour le plaisir conditionné. L'horodateur est une façon intelligente de pousser à la consommation, mais avec contrepartie. L'automobiliste doit, à chaque heure céder la place à un autre. L'attrait devient ainsi facile et la consommation s'active, selon les spécialistes de l'urbanisme et de la publicité dont les performants sont capables de vendre des réfrigérateurs aux esquimaux. En effet, l'acte commercial, dans les grandes métropoles, se base sur ce conditionnement-là, avec un pouvoir d'achat convenable et avéré. Chez nous, à Rabat, capitale administrative, le stationnement est, certes, une nécessité pour les tracasseries de paperasses; à Casablanca, il l'est aussi, dans les grands centres commerciaux, mais pas à Tanger ou à Asilah. Si l'on s'amusait à autoriser des sociétés à gérer l'espace public du stationnement à Chefchaouen, on vendrait des chauffages aux Sahraouis de Dakhla. Et ça serait une escroquerie. La raison d'être de l'horodateur, insistons sur ce point, est la fluidité du stationnement dans une zone où l'activité commerciale bat son plein. Même le voleur n'a pas assez de temps pour casser une vitre et s'emparer d'un poste-radio ou d'une jaquette. Mais les surveillants et les contrôleurs de la régulation du stationnement dans les zones horodatrices ne sont pas des clochards. Ils doivent être assermentés pour dresser des procès-verbaux aux contrevenants. C'est une police municipale. Une véritable police qui, par ailleurs, n'a pas le droit de saisir un bien sans un jugement prononcé par un tribunal. A Casablanca, Rabat et Tanger on immobilise le véhicule avec un sabot. On saisi le bien d'un «contrevenant» sans aucune forme de procès. On va même jusqu'à l'insulte, surtout lorsqu'il s'agit d'une femme. Voici des exemples : Le 16 octobre 2007, à 12H 01 minute, un automobiliste gare sa voiture dans une ruelle perpendiculaire au boulevard Hassan Séghir à Casablanca, tout près du complexe commercial de Derb Omar. Il paie les deux dirhams, prend son ticket et le met sur le tableau de bord de son véhicule. Interpellé par ses étudiants de l'Institut supérieur de journalisme qui a pignon sur rue, il voit arriver l'un des contrôleurs de la société à laquelle son Conseil élu, sans son consentement, a délégué la «gestion» de l'espace public. Atteint d'une certaine myopie, le contrôleur retourne chercher le sabot et immobilise la voiture devant les regards ébahis de tous. Devant le rire éclatant des assistants à la connerie, il se rend compte de sa bêtise certaine et se met à déboulonner le sabot. L'automobiliste sort de sa bêtise de citoyen gentil et lui interdit de toucher à son bien. Car jusqu'à preuve du contraire, la voiture lui appartient et aucun, sans jugement, n'a le droit d'y toucher. Police secours a été avisée et la salle de trafic de la wilaya de Casablanca a expédié ses éléments sur le lieu. Plainte a été déposée au 4ème arrondissement de police où le contrôleur affirmait que l'automobiliste est allé quémander le ticket chez un autre automobiliste, ignorant, même dans son grand mensonge, que c'était du pareil au même, puisque le ticket existait à l'heure où il avait mis le sabot. La justice dira son mot. Une bonne femme gare sa voiture, toujours à Casablanca, et s'en va cherche un ticket de la «machine à sous». Lorsqu'elle revient, elle trouve le sabot sur la roue de son véhicule et interpelle le contrôleur. Il l'insulte et la traite de tous les noms. Au fur et à mesure qu'elle levait le ton, ticket à la main, elle passait par tous les mauvais superlatifs. Le mari, sportif, colosse arriva trop tard. Devant une boulangerie de la rue Houmman El Fetouaki, encore et toujours à Casablanca, un homme descend de sa voiture bien stationnée pour acheter une baguette de pain. Le temps de payer le 1 DH 20 ct, il se retrouve devant une contravention de 30 DH. Aux abois, criant de toutes ses forces que le moteur est encore chaud, l'automobiliste devait fléchir devant la bêtise du contrôleur qui disait que la chaleur du moteur était dûe à l'effet du soleil sur le capot… Tenez-vous bien, la Viennoise coûte désormais chez nous 31 DH et 20 centimes, et bon appétit ! Les exemples se suivent et ne se ressemblent pas, parce que les auteurs de ces scènes dramatiques sont typiquement différents. Une espèce de ramassis qui se targuent le soir, la plupart autour d'un joint ou d'une bouteille de Mahia, d'avoir emmerder une fausse blonde à bord d'une voiture grise métallisée ou un gentilhomme conduisant une Jaguar. Ils en rient aux éclats avec les copains du quartier. Les patrons de la société dorment sur les milliards que les machines à sous leur rapportent sans se soucier de la contrepartie. Le feu ou l'article 23 Dans d'autres pays, dans d'autres villes où les horodateurs sont installés, à Bordeaux par exemple, ville avec laquelle Casablanca est jumelée depuis les années 90, du temps de Chaban Delmas, qui aimait beaucoup notre pays, au point de constituer un lobby en faveur du Maroc, la gestion de l'espace public en matière de parking à travers les horodateurs est réglementée par un cahier des charges. La société bénéficiaire du marché doit contribuer à la lutte contre la pollution dans la circonscription qu'elle occupe en mettant en service des navettes électriques assurant un transport gratuit des passagers toutes les dix minutes. Elle est obligée de créer des espaces verts et des parkings à la sortie et à l'entrée de la ville, en plus du pourcentage qu'elle doit verser à la commune sur les recettes récoltées par les horodateurs. C'est ce qui justifie en sorte la colère des automobilistes et de certains élus du Conseil de la ville de Casablanca qui menacent de recourir à la force et au feu pour démolir ces fameuses «machines à sous». D'ailleurs, la déclaration a été faite publiquement au cours d'une session ordinaire de l'arrondissement Sidi Belyout, tenue vendredi dernier. Des élus ont menacé Mohamed Sajid, le Maire, de recourir à des moyens sans précédent, pour que l'article 23, relatif à l'annulation du contrat de la gestion du parking soit appliqué à l'encontre de la société espagnole. D'ailleurs, le Tribunal administratif de Rabat a statué sur l'illégalité du sabot et de l'immobilisation des véhicules par des employés non assermentés. A Casablanca, la société bénéficiaire du contrat fait face à un certain nombre de procès qui mettent en cause sa légalité. Même le ministre de l'Intérieur, en tant que tuteur, a déclaré que l'implantation de ce genre de société est illégale. Une véritable mascarade Pourtant, les responsables de la Mairie de Casablanca maintiennent le contrat. Après plusieurs renvois, le Tribunal administratif de Casablanca a lui aussi entamé l'examen, mardi 11 décembre 2007, du dossier qu'a intenté le Bureau syndical des employés des services publics et des trottoirs de l'Arrondissement de Sidi Belyout contre la société des horodateurs dite «Pag Parking». D'ailleurs, on comprend mal comment les deux sociétés bénéficiaires de la gestion des «parkings», espagnoles et exerçant dans une même ville, pratiquent des prix différents. Le non-paiement de l'horodateur dans la commune des Roches Noires est taxé à 20 DH alors qu'à Sidi Belyout, il est de 30 DH. Pour les riverains, le stationnement dans la commune des Roches Noires est de 50 DH par an, alors qu'à Sidi Belyout, il est de 50 DH par mois plus la T.V.A. Le trimestre revient à 186 DH, sans facture aucune. A part le macaron, aucun bon ni facture n'est délivré par «Pag Parking» de Sidi Belyout, contrairement à «Casa Park» des Roches Noires. Il a fallu qu'un élu crie haut et fort, au cours de la dernière session ordinaire, la véritable mascarade à laquelle se livre la société à laquelle la gestion des espaces publics en matière de parking a été confiée. «C'est avec des gourdins et du feu» que nous serons obligés de faire disparaître les horodateurs, disait-il devant plus de 40 gardiennes et gardiens victimes de cette opération douteuse, selon certains élus qui ont brandi une lettre datée du 4 juin 2005 adressée au Maire de la ville, selon laquelle ils proposent de délivrer l'autorisation du gardiennage aux personnes handicapées et sans ressource, conformément aux objectifs de l'INDH. Pire, disent les élus, la société en question n'a pas respecté le cahier des charges, ni les règles élémentaires du code de la route et de la circulation dans les zones urbaines. Occupation des coins de rues, implantation des horodateurs devant les mosquées, les écoles voire des administrations comme cela était le cas devant le Laboratoire officiel des analyses, dépendant du ministère de l'Agriculture. Il a fallu une réclamation officielle pour que la machine à sous disparaisse. Tous les dépassements en matière de stationnement et de circulation dont la société est l'auteur, ont été passés en revue devant les élus qui ont responsabilisé le Mairie quant à cette mascarade. Le rapport de la commission note également que la société espagnole a dépassé les 10.000 emplacements réservés au stationnement sur l'ensemble du territoire de Casablanca et non seulement à l'arrondissement de Sidi Belyout, comme elle ne s'est pas acquittée d'un montant d'un milliard 300 millions de centimes, à raison de 1.300 DH pour chaque emplacement. Un représentant de la société, présent à la session, s'est contenté d'affirmer, sans justification aucune, que la société s'est acquittée des sommes prévues dans le contrat et qu'elle n'occupait que 6.128 emplacements au lieu de 10.000. Les élus ont maintenu la demande d'annulation du contrat.