La réforme touchera le statut des enseignants et le management de l'université publique marocaine. Elle prévoit aussi la constitution de pôles universitaires. A l'intérieur de chacune de ces universités fusionnées, des pôles technologiques vont être créés. Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres travaille depuis plusieurs mois sur une réforme de l'enseignement supérieur, touchant en particulier la loi 01-00. En principe, le draft de cette réforme devrait être entre les mains des syndicats et des professeurs à l'heure actuelle. Le ministre, Lahcen Daoudi, prévoit même, si tout se passe bien, son entrée en vigueur dès la rentrée 2014-2015. Il répond ainsi à des demandes de révision de cette loi plusieurs fois formulées par les professionnels. Après dix ans de pratique, la loi aura besoin d'un toilettage pour l'adapter aux nouveaux besoins des universités, sans parler de l'activation d'un certain nombre d'articles qui n'ont jamais été mis en œuvre, faute de décrets d'application. Les grandes lignes de cette nouvelle réforme ? Elle touchera, selon le ministre (voir entretien), trois grands domaines : la nouvelle génération d'établissements supérieurs, le statut des enseignants et le paysage universitaire. La nouvelle génération d'établissements supérieurs n'appartient pas à 100% à l'Etat, mais en même temps, n'entre pas dans la sphère du privé. Ces établissements sont souvent créés sur la base de partenariats entre l'Etat marocain et des établissements relevant d'un Etat étranger, ou encore sur la base de partenariats entre l'Etat et des organismes publics nationaux. Il a fallu donc les doter d'un nouveau statut, celui d'établissements «avec partenariat public-public». Deux exemples : celui de l'Ecole Centrale de Casablanca (ECC), dont l'ouverture est prévue en principe pour la rentrée 2014-2015, et celui de l'Université Polytechnique Mohammed VI de Benguérir. La première école (d'ingénierie et des sciences) a été créée par deux partenaires, l'Etat marocain et la prestigieuse Ecole Centrale de Paris (ECP) appartenant à l'Etat français. Une convention a été signée dans ce sens en avril dernier par les responsables de l'enseignement supérieur français et leurs homologues marocains. En gros, l'établissement vise la formation d'ingénieurs pluridisciplinaires et à haut niveau de compétences. La construction de son campus dans la région de Bouskoura devrait coûter 151 millions de dirhams, pris en charge en totalité par l'Etat via quelques ministères, dont celui du commerce, de l'industrie et des nouvelles technologies. De même pour le budget de fonctionnement de l'école. Le deuxième établissement, l'Université Polytechnique Mohammed VI de Benguérir est porté par l'OCP et ses partenaires, l'Ecole des mines de Paris, HEC Paris et le MIT (Massachusetts Institut of Technology) aux Etats-Unis. Cela en plus du partenariat signé avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. La nouvelle réforme donnera donc plus de clarté juridique à ce genre d'établissements, ceux déjà créés ou ceux en voie de création. Un «conseil académique» fera le travail du conseil de l'université Deuxième chantier, celui touchant le statut des enseignants et le management de l'université publique marocaine. La loi 01-00 relative à l'enseignement supérieur prévoit pour le management de l'université deux conseils : le conseil de l'université et le conseil de gestion. Le premier, selon l'article 11 de la loi, est investi de tous les pouvoirs et attributions nécessaires à l'administration de l'université. Il est composé, outre des membres internes à l'université (président, enseignants chercheurs, administratifs…), de membres extérieurs dont «sept représentants des secteurs économiques et sociaux dont les présidents des Chambres professionnelles et un représentant de l'enseignement supérieur privé.» En gros, entre 70 et 80 membres, internes et externes à l'université, composent ce conseil. «C'est beaucoup», estime M. Daoudi. L'Ecole Hassania de Casablanca et l'ENIM de Rabat rejoignent l'université Comme c'est ce conseil qui délibère sur toutes les questions relatives à la bonne marche de l'université, nombre de ses décisions sont reportées faute de quorum. Des décisions importantes comme les accréditations de filières ou encore l'adoption du budget de l'université. La révision de la loi 01-00 consiste donc en la création d'un nouveau conseil dénommé «conseil académique». Sa composition sera réduite pour un meilleur fonctionnement. Quant au conseil de gestion qui émane du conseil de l'université, il reste, lui, chargé des questions administratives et financières. Toujours en matière de gouvernance et de bonne gestion, un changement est introduit au niveau du choix du doyen d'une faculté. La loi 01-00 prévoit que les doyens sont choisis après appel ouvert aux candidatures, parmi les professeurs de l'enseignement supérieur qui présentent notamment un projet de développement de l'établissement universitaire concerné. Le conseil de l'université étudie ces candidatures et présente à l'autorité de tutelle trois candidats. Mais l'expérience a montré qu'il n'est pas toujours aisé d'avoir trois candidatures. La réforme a supprimé cette condition, et c'est le ministre de tutelle qui nomme le doyen, qu'il y ait candidature ou pas. La troisième nouveauté qu'apporte la réforme est la constitution de pôles universitaires. Des universités vont fusionner ou se regrouper, et des sites technologiques vont être créés pour donner lieu à un seul pôle. Exemple: l'université Dhar el Mahraz et l'université Sidi Mohamed Benabdellah, l'université euro-méditerranéenne, l'université Moulay Ismaïl de Meknès et l'université Al Akhawayne d'Ifrane formeront un seul pôle de formation, celui de Fès. Même chose pour Rabat et Casablanca. Au sein de chacune de ces universités fusionnées, des pôles technologiques vont être créés. Cela, en récupérant les écoles d'ingénieurs qui dépendent des autres ministères, comme l'Ecole Hassania à Casablanca ou encore l'ENIM à Rabat. A l'avenir aussi, il n'y aura plus qu'une seule faculté pour chaque discipline. Par exemple, la faculté de médecine, celle de pharmacie, la faculté dentaire et la faculté des infirmiers seront regroupées en une seule entité, la «faculté de médecine et des sciences de la santé». «C'est une restructuration du paysage universitaire que nous sommes en train de faire, pour qu'on soit compétitif à l'échelle internationale et pour qu'on ait les moyens de faire de la recherche scientifique», résume M. Daoudi. En fait, ce dernier n'invente rien car la loi 01-00 elle-même prévoit ce réseautage. «Au niveau de l'enseignement supérieur», stipule cette dernière, «l'intégration interdisciplinaire et interinstitutionnelle pourra se fonder, progressivement, sur des réseaux régionaux, reliant les établissements universitaires, les grandes écoles, les autres instituts et écoles supérieures dispensant une formation post-baccalauréat…» Enfin, un autre changement important apporté par cette révision : le retour à l'assistanat. Le professeur, pour mieux se consacrer à ses cours magistraux et à la recherche scientifique, sera entouré d'assistants qui le secondent en TD et TP, au lieu de passer le clair de son temps à corriger les copies des examens. La réforme prévoit aussi la suppression du concours pour les avancements des enseignants et son remplacement par le dossier scientifique. Quid de l'autonomie financière des universités prévue par la loi 01-00 ? L'article 7 de la loi prévoit en effet une large autonomie financière, «mais jusqu'à présent il y a un blocage dans sa mise en œuvre», se plaignent les présidents des universités. Selon Ahmed Nejmeddine, président de l'université Hassan 1er de Settat, «ce blocage empêche l'université de jouer son rôle comme acteur dans le développement économique au niveau national et régional». Conclusion : la loi 01-00 gagnera à être révisée, mais elle gagnera davantage à être appliquée.