Légales, en sous-facturation ou en contrebande, les importations turques portent essentiellement sur les tissus et les articles de bonneterie. Le linge de maison est la seule activité textile à résister. Tout comme les importations de textile chinois qui ont fortement perturbé le marché local depuis 2007, les produits turcs commencent à inquiéter sérieusement les opérateurs locaux. Au point que l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement tire la sonnette d'alarme. «Il s'agit d'une concurrence déloyale puisque les deux parties ne disposent pas du tout des mêmes armes. Il faut souligner que la Turquie, avec qui nous avons un accord de libre-échange, accorde des subventions et des aides aux industriels souhaitant s'implanter à l'étranger. Ce qui explique la compétitivité de ses produits sur le marché marocain», expliquent les industriels. Parmi les mesures de soutien accordées à leurs homologues turcs, la prise en charge étatique des loyers et des frais de communication et de promotion. «Ce sont deux postes importants et lourds pour qui veut internationaliser son activité. Il faut noter que, localement, des programmes d'extension de plusieurs enseignes sont freinés par le coût de l'immobilier!», déplore un opérateur. Une lecture des statistiques de l'Office des changes laisse apparaître que les importations en provenance de Turquie sont dominées par les tissus dont le volume est passé de 4,3 millions de tonnes en 2010 à 6,8 millions de tonnes en 2012. Les industriels remarquent que les tissus de bonneterie à base de coton occupent une place importante au niveau de la rubrique. Leur volume a doublé, passant de 4 997 tonnes en 2010 à 9 741 tonnes sur les neuf mois de 2013. Le volume des vêtements confectionnés est pour sa part passé de 3 127 tonnes en 2010 à 5 147 tonnes en 2013, des volumes équivalents à 347 et 371 MDH. Les vêtements de dessous enregistrent aussi une croissance soutenue entre 2010 et 2012. De 576 tonnes pour une valeur de 164 MDH en 2010, leur volume est passé à 2 059 tonnes en 2012 pour une valeur de 632 millions. Les mêmes prix que les produits chinois, mais de meilleure qualité Pour les industriels, ces chiffres ne sont «que la partie visible de l'iceberg, car les importations turques se font dans une grande majorité en sous-facturation ou en contrebande à partir des villes du Sud du pays, via la Mauritanie. Elles portent sur des articles diversifiés, notamment le prêt-à-porter, les accessoires de textile et le denim». L'inquiétude est telle qu'une cellule de veille pour suivre l'impact de ce phénomène sur le marché local a été créée. Seule la filière du textile d'ameublement et le linge de maison échappe aujourd'hui, selon les opérateurs, au fléau turc car l'offre marocaine est très présente et compétitive. En revanche, la confection n'est pas du tout compétitive par rapport aux produits turcs. «Ce qui est compréhensible puisque l'industrie turque est totalement intégrée et fortement soutenue. On peut citer à cet égard, le programme TurK Quality, mis en place en 2012 pour une période de cinq ans. Sa durée vient d'être prolongée de dix ans et il concerne aujourd'hui une centaine d'enseignes qui souhaitent se positionner sur les marchés étrangers dont le Maroc», indique un industriel. On compte déjà deux enseignes turques de prêt-à-porter sur le marché, Belbo, implantée à Rabat, et LC Waikiki, qui a ouvert en 2012 sa première boutique à Marrakech. Les consommateurs trouveront également des articles textiles (dessous, pyjamas, collants, bas et chaussettes) chez Bim. Dans les kissariates traditionnelles, se vendent plutôt des tissus d'habillement pour djellabas ou autres caftans. Grâce aux subventions et à l'intégration industrielle, les produits turcs se positionnent aisément sur le marché local avec un prix 40% moins élevé que celui des produits importés légalement. En plus de leur compétitivité prix, ils sont sont de meilleure qualité que l'offre chinoise, et répondent au goût des Marocains tant au niveau des matières utilisées que des coloris. A ce sujet, l'Amith signale que dans le programme Vision 2023 de la Turquie, le Maroc est identifié comme un important débouché. D'ailleurs, il est prévu d'y tripler le chiffre d'affaires à l'horizon 2015. Ces objectifs sont perçus comme une menace par les opérateurs du marché local qui souhaitent ardemment des mesures spécifiques leur permettant de faire front.