Sur toute l'année, le déficit du compte courant pourrait s'élever à 75 milliards de DH, soit 9% du PIB. Le creusement du déficit commercial et la baisse des recettes touristiques et des transferts des MRE sont à l'origine de l'aggravation. L'année 2012, nous l'annoncions déjà dans nos précédentes livraisons, devrait enregistrer un déficit du compte courant de la balance des paiements plus lourd que celui de 2011, qui était déjà très élevé (8% du PIB). Mais ce qui n'était, somme toute, qu'une estimation devient, avec l'arrêté des statistiques du troisième trimestre de ce principal compte extérieur, une quasi-certitude. Selon les dernières données de l'Office des changes, en effet, le compte des transactions courantes, pour le seul troisième trimestre de 2012, s'est soldé par un déficit de 13,5 milliards de DH, au lieu d'un déficit de 28,7 milliards au deuxième trimestre. Avec le déficit du premier trimestre, qui s'élevait à 20,6 milliards de DH, le compte courant accuse donc un déficit sur les neuf premiers mois de l'année de 62,84 milliards de DH. C'est, à peu de choses près, le même niveau de déficit que celui enregistré durant toute l'année 2011. Ainsi, ce déficit à fin septembre représente 10,14% du PIB réalisé sur la même période, sachant que le PIB sur les neuf premiers mois de l'année a progressé de 2,8% en termes réels (c'est-à-dire au prix constant) et de 4,03% en en valeur (au prix courant). Les raisons de cette détérioration tiennent à la conjonction de trois facteurs : la poursuite du trend haussier des importations de biens, dépassant celui des exportations, d'une part, le fléchissement des recettes des services, d'autre part, et le recul des envois des Marocains résidents à l'étranger (MRE), enfin. En effet, si les exportations de marchandises, à fin septembre, ont augmenté de 4,4%, à 134,7 milliards de DH, les importations, sur la même période, ont crû, elles, de 5,3%, à 289,6 milliards de DH. Il en résulte un solde commercial négatif de 145,92 milliards de DH, en aggravation de 6,11% par rapport au déficit enregistré à la même période de 2011. Mais cette situation n'est pas nouvelle, puisque le déficit de la balance commerciale est structurel. A ceci près que la crise qui frappe les principaux partenaires du Maroc, principalement les européens qui ont réduit leur demande adressée à l'économie marocaine, a aggravé ce déficit. Et pour corser le tout, le renchérissement des prix des matières premières sur le marché international, qui intervient parallèlement à la crise financière puis économique, est venu accentuer encore plus le niveau du déficit. Les dividendes des investisseurs étrangers en hausse Dépendant à hauteur de 96% de l'extérieur en ce qui concerne sa consommation énergétique, le Maroc n'a d'autre choix que de subir les fortes variations à la hausse du prix du pétrole et du gaz butane, afin de ne pas stopper la machine économique interne. Sur les neuf premiers mois de 2012, la facture énergétique, qui s'élevait à 74,4 milliards de DH, en hausse de 8,8% par rapport à la même période de 2011, représentait 26,6% du total des importations. Mais outre ces difficultés, structurelles on l'a dit, ce qui est nouveau cette fois, c'est que les «amortisseurs» qui, jusqu'à une date récente, permettaient d'atténuer le niveau du déficit commercial, se sont fortement relâchés sous les coups de boutoir d'une crise qui a affecté aussi bien les marchés émetteurs de touristes que les marchés du travail des pays d'accueil des MRE. Résultat : la balance des services, où le tourisme occupe une place prépondérante, s'est soldée par un excédent certes (+29,42 milliards de DH), mais celui-ci est en baisse de 12,8% par rapport à l'excédent réalisé un an auparavant (+33,74 milliards de DH). Pour l'essentiel, c'est le recul du solde de la balance de voyage (-6%, à 35 milliards de DH) qui a affecté négativement le solde de la recette des services. L'autre impact de la crise des marchés du travail en Europe, c'est évidemment le repli des transferts des MRE : -3,6%, à 42,5 milliards de DH à fin septembre. A cela il faut ajouter, et ce n'est pas négligeable, le déficit, également structurel, de la balance des revenus. A mesure que les investissements étrangers au Maroc augmentent, ils génèrent des revenus de plus en plus importants. Aujourd'hui, la position extérieure globale du pays (solde entre les engagements, c'est-à-dire les investissements étrangers au Maroc, et les avoirs, c'est-à-dire les investissements marocains à l'étranger) est déficitaire de 427 milliards de DH, selon la dernière statistique sur le sujet publiée par l'Office des changes. Cela veut dire qu'il faudra s'attendre à voir cette rubrique des revenus accuser des déficits de plus en plus élevés. A fin septembre, ce déficit s'est creusé de 20,5%, à -15 milliards de DH. L'Office des changes n'a pas encore désagrégé ce montant (du moins ne l'a pas encore rendu public) pour savoir quelle part de ces revenus est allée aux dividendes et quelle part a été réinvestie. Mais une chose est sûre : il y a toujours une part qui est transférée sous forme de dividendes (ce qui est normal, du reste) et c'est à chaque fois une ponction supplémentaire sur les avoirs extérieurs. La croissance économique ne dépasserait pas 2,8% en 2012 C'est donc l'ensemble de ces éléments qui a concouru à l'aggravation du compte courant de la balance des paiements. Et lorsque le compte de capital et des opérations financières ne dégage pas un excédent suffisamment important pour couvrir le déficit courant, c'est le solde final de la balance des paiements qui devient déficitaire. Et comme celle-ci est, par construction, une balance équilibrée, le recours aux avoirs extérieurs s'impose pour y puiser le complément ! L'emprunt de 1,5 milliard de dollars réalisé il y a quelques semaines sur le marché international viendra certainement atténuer quelque peu la difficulté à ce niveau, mais si, comme il est pressenti, le déficit courant à la fin de l'exercice devient trop important (hypothèse hautement probable) le gouvernement pourrait se voir contraint, de nouveau, d'emprunter des devises. Selon les estimations de La Vie éco, en tout cas, le déficit du compte courant, pour l'ensemble de l'année 2012, en étant large, devrait s'établir à 9% du PIB, soit plus de 75 milliards de DH. Ce résultat est obtenu sur la base d'une inflation de l'ordre de 2% et d'une croissance estimée à 2,8% en 2012 ; sachant qu'en terme réel, le PIB a progressé de 2,8% au premier trimestre, de 2,3% au deuxième, selon le Haut commissariat au plan (HCP) et de 3,2% au troisième, selon nos calculs réalisés à partir de la valeur du PIB au prix constant et au prix courant publié par le ministère des finances. Rappelons que le HCP, dans son budget économique exploratoire pour 2013, rendu public en juin dernier et dans lequel il fournit son estimation s'agissant des principales grandeurs pour l'exercice 2012, a estimé le déficit courant de la balance des paiements à 8,6% du PIB, sur la base, entre autres, d'une croissance de 2,4% et d'une inflation de 2,1% (ce taux représente la variation du prix implicite du PIB et non pas l'indice des prix à la consommation, retenu généralement comme indicateur d'inflation). Le ministère des finances, pour sa part, estime le solde du compte courant à -8% du PIB, sur la base d'une croissance de 3,4%. On le voit, même les estimations officielles situent déjà, au moment de leur élaboration, le déficit courant à un niveau élevé. C'est pourquoi cette situation est devenue aujourd'hui la première préoccupation du gouvernement, comme il l'a d'ailleurs déclaré lui-même à plusieurs reprises.