L'abaissement du taux directeur fin mars n'a eu qu'un effet limité sur l'évolution des taux obligataires. Le creusement du déficit budgétaire a poussé le Trésor à doubler ses levées sur le marché domestique. Les professionnels prévoient un maintien de la tendance haussière des taux sur toute l'année. Les taux des bons de Trésor ont repris leur tendance haussière. L'ensemble des maturités d'emprunt de l'Etat sur le marché des adjudications affichent des hausses depuis le début de l'année comprises entre 3,5 et 10 points de base (pb), à l'exception de la ligne court terme 13 semaines (-15 pb) et de la ligne moyen terme 2 ans (-3,5 pb). Il faut dire que la décision de Bank Al-Maghrib d'abaisser son taux directeur de 25 pb fin mars dernier, en le ramenant à 3%, n'a eu qu'un effet limité dans le temps et n'a pas profité à toute la courbe des taux obligataires. En effet, la baisse s'est rapidement estompée depuis, et les taux ont repris le chemin de la hausse depuis quelques semaines. D'ailleurs, certains analystes avaient prévu un effet court-termiste de cette mesure de la banque centrale. Cette situation s'explique essentiellement par la situation des finances publiques qui devient de plus en plus délicate. A fin mai, le besoin de financement du Trésor a plus que doublé (+138%) par rapport à la même période de l'année dernière, pour atteindre 23,5 milliards de DH. Il inclut un déficit budgétaire de l'ordre de 16 milliards de DH et des arriérés de compensation dont le montant avoisine 7,4 milliards de DH. Par conséquent, le Trésor a été amené à lever davantage de fonds sur l'ensemble des maturités pour couvrir ainsi ses besoins. A ce titre, les levées qui ont concerné le marché interne se sont inscrites en hausse de 114% et ont totalisé 20,8 milliards de DH. La hausse est donc exponentielle, et cela n'est pas près de s'apaiser. Sur les deux premières semaines de juin, les levées du Trésor ont déjà atteint 6,57 milliards de DH alors que le besoin annoncé pour tout le mois est compris entre 8 et 8,5 milliards de DH. Cela dit, l'argentier du pays ne puise pas pour le moment dans sa ligne de dette extérieure qui affiche un remboursement net de 2,17 milliards de DH. Les besoins de financement du Trésor explosent en raison d'une évolution contrastée des recettes de l'Etat par rapport à ses dépenses. Du côté de ces derniers, la progression est de 21,7% sur une année glissante, à 85,8 milliards de DH à fin mai. Cette progression s'explique essentiellement par l'envolée des charges de compensation dont le montant s'est élevé à 21,3 milliards de DH, soit 61,4% de plus qu'à fin mai 2011. Signalons à ce titre que la décision récemment prise d'augmenter le prix des carburants n'aura qu'un faible effet sur l'évolution de la dépense de compensation prévue pour cette année. Un gestionnaire des fonds de la place souligne : «Cette mesure ne permettra d'économiser que près de 5 milliards de DH, ce qui demeure très insuffisant compte tenu du niveau considérable qu'a atteint l'enveloppe de compensation et qui dépasse les 50 milliards de DH par an». Pour ne rien arranger, les recettes budgétaires, elles, font du surplace. Elles ont même clôturé les cinq premiers mois de l'année sur une légère baisse de 0,1% pour s'établir à 79 milliards de DH. Notons toutefois que ce sont les recettes non fiscales qui ont tiré les rentrées étatiques vers le bas. Elles ont reculé de 49%, à 6 milliards de DH. Les recettes fiscales, elles, se sont élevées à 71,7 milliards de DH, en amélioration de 8,5%. Face à cette situation budgétaire, les investisseurs sont devenus plus inquiets qu'auparavant quant à l'évolution des besoins de financement du Trésor et surtout au comportement de la charge de compensation. Ils sont devenus plus exigeants en termes de rendements pour leurs placements en bons du Trésor, anticipant une aggravation du déficit budgétaire et, du coup, une poursuite de la hausse des taux. Dans ce contexte d'incertitude, les analystes de BMCE Capital Markets prévoient une volatilité importante des taux sur le marché lors des prochaines semaines, et ce, à cause des perturbations que subiraient les marchés monétaire et obligataire. Et pour cause, le manque de liquidités lié au paiement des dividendes des sociétés, d'un côté, et le versement du deuxième acompte de l'IS, d'un autre, comprimerait la demande sur le marché de la dette. Pour ce qui est de l'offre, un gestionnaire de la place se veut plus précis : «Tant que le problème de la Caisse de compensation n'est pas réglé, les besoins du Trésor ne seront pas maîtrisés et, du coup, les taux continueront à augmenter sur tous les segments de la courbe, et ce, jusqu'à la fin de l'année». En fait, le Trésor devrait accélérer le rythme de ses levées pour pallier la dégradation de ses comptes publics et financer son déficit budgétaire, ce qui exercerait une pression à la hausse sur les taux. Pour les professionnels, seule une sortie du Trésor à l'international pour lever des fonds en devises pourrait apaiser les tensions.