L'annonce de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) 2025 au Maroc a été accueillie avec enthousiasme, tant par les amateurs de football que par les acteurs économiques et politiques. Cette édition, qui se déroulera du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, revêt une importance particulière en raison de son calendrier hivernal inédit et de la concentration exceptionnelle des infrastructures sportives à Rabat. Avec quatre stades situés dans la capitale administrative du pays, cette CAN présente des similitudes notables avec la Coupe du Monde 2022 au Qatar, où la proximité des enceintes sportives avait permis une optimisation des déplacements et une logistique maîtrisée. Toutefois, la centralisation de l'événement à Rabat interroge : pourquoi cette ville, plutôt que Casablanca, historiquement considérée comme le centre névralgique du football marocain ? Ce choix reflète-t-il une volonté de diversification économique, d'aménagement territorial ou encore de consolidation du positionnement géopolitique du Maroc dans l'univers du sport international ? Un choix stratégique La CAN 2025, avec ses neuf stades répartis sur plusieurs villes marocaines, se distingue par la concentration de quatre enceintes à Rabat : le Complexe Sportif Prince Moulay Abdellah (69 000 places), le Complexe Prince Héritier Moulay El Hassan (22 000 places), le Stade Al Barid (18 000 places) et le Stade Annexe Olympique (21 000 places). Cette situation rappelle inévitablement le Mondial 2022 au Qatar, où la majorité des matchs s'étaient déroulés dans un périmètre restreint. L'un des principaux avantages de ce schéma est la réduction des contraintes logistiques, notamment pour les déplacements des équipes et des supporters. À Rabat, la proximité des stades et la présence d'infrastructures modernes comme la ligne à grande vitesse (LGV) et le tramway devraient permettre une circulation fluide et efficace. Toutefois, cette centralisation dans la capitale marocaine est surprenante. Casablanca, avec son histoire footballistique riche et ses clubs emblématiques (le Wydad et le Raja), aurait pu sembler plus légitime pour accueillir un tel événement. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la métropole économique du pays s'est imposée comme le véritable cœur battant du football marocain. La ville dispose également de stades de grande capacité et d'une infrastructure hôtelière déjà rodée aux grands événements sportifs. Pourtant, Rabat a été privilégiée. Une volonté de diversification économique et d'équilibrage territorial Derrière ce choix, il semble y avoir une volonté politique et économique claire : renforcer l'attractivité de Rabat en tant que pôle majeur du sport marocain. Longtemps considérée avant tout comme une ville administrative et politique, la capitale cherche à élargir son influence et à développer une économie du sport solide. En accueillant les matchs les plus prestigieux de la CAN, dont l'ouverture et la finale, Rabat se positionne comme un centre sportif incontournable. Cette dynamique s'inscrit dans une logique plus large de rééquilibrage territorial et d'aménagement stratégique du pays. Avec la concentration d'une grande partie de l'événement à Rabat, les autorités cherchent aussi à maximiser les retombées économiques locales. Le secteur hôtelier, les services de restauration et les infrastructures de transport bénéficieront directement de l'afflux massif de visiteurs. La CAN 2025 pourrait ainsi servir de tremplin à des investissements durables, notamment dans le tourisme sportif. Cette approche rappelle la stratégie adoptée pour le Mondial 2030, où le futur stade Hassan II de Benslimane est pressenti pour accueillir la finale. Ce projet symbolise la volonté du Maroc d'étendre son influence footballistique au-delà des bastions traditionnels que sont Casablanca et Marrakech. Une logistique à la hauteur des ambitions marocaines Pour que cette centralisation à Rabat soit un succès, une logistique de pointe sera indispensable. La capitale dispose d'un réseau de transport performant, mais devra faire face à un défi majeur : absorber un afflux massif de supporters et de délégations sportives sur une période concentrée. La ligne à grande vitesse reliant Tanger à Casablanca, via Rabat, sera un atout majeur pour les déplacements interurbains rapides. De plus, le tramway de Rabat-Salé, déjà bien développé, devra être renforcé pour fluidifier les mouvements à l'intérieur de la ville. L'enjeu dépasse le simple cadre du football. En investissant massivement dans les infrastructures de transport et d'hébergement, le Maroc se prépare non seulement pour la CAN 2025, mais aussi pour d'autres événements de grande envergure, notamment le Mondial 2030. L'objectif est clair : positionner le pays comme une destination incontournable du sport international, capable d'accueillir des compétitions de haut niveau avec une organisation irréprochable. Une dimension géopolitique et institutionnelle forte Le choix de Rabat pour cette CAN 2025 ne répond pas uniquement à des considérations économiques et logistiques. Il s'inscrit aussi dans une logique géopolitique plus large. En concentrant les matchs les plus importants dans la capitale, le Maroc envoie un signal fort : il affirme son ambition de devenir un acteur majeur du football africain et mondial. Cette stratégie vise également à renforcer le poids diplomatique du pays au sein des instances du football international, notamment la Confédération Africaine de Football (CAF) et la FIFA. Le Maroc joue depuis plusieurs années un rôle clé dans le développement du football en Afrique. Son engagement dans la modernisation des infrastructures sportives et son soutien à plusieurs fédérations africaines témoignent de sa volonté d'exercer une influence croissante sur le continent. L'organisation de la CAN 2025 est une étape supplémentaire dans cette ascension, qui pourrait culminer avec le Mondial 2030. En mettant Rabat au centre de l'événement, le royaume cherche à affirmer sa capacité à organiser des compétitions majeures tout en consolidant son image de leader du football africain. Une compétition à fort enjeu pour le Maroc et le football africain L'édition 2025 de la CAN ne sera pas une simple compétition continentale. Elle représentera un véritable test pour le Maroc, qui devra démontrer son savoir-faire en matière d'organisation et de logistique. La pression sera d'autant plus forte que le pays abritera la finale et que la sélection marocaine, après son exploit en Coupe du Monde 2022, sera attendue au tournant. Un bon parcours des Lions de l'Atlas contribuerait à renforcer l'attrait de la compétition et à stimuler davantage l'engouement populaire. Par ailleurs, cette CAN sera aussi une vitrine pour le football africain. Avec des infrastructures modernisées et un format repensé, le tournoi pourrait marquer un tournant dans l'histoire de la compétition. L'enjeu est de démontrer que l'Afrique est capable d'organiser des événements d'envergure avec un niveau d'excellence comparable à celui des grandes compétitions européennes et mondiales. Une stratégie gagnante pour l'avenir du sport marocain En choisissant Rabat comme centre névralgique de la CAN 2025, le Maroc opère un pari audacieux mais réfléchi. Car la capitale administrative abritera prochainement, un bureau de la FIFA. Le deuxième du monde arabe après celui de Dubaï mais le premier en Afrique du Nord. Cette décision, bien que surprenante au regard de l'histoire footballistique du pays, s'inscrit dans une stratégie cohérente de développement du sport et de diversification économique. Elle témoigne aussi d'une volonté d'affirmer la place du Maroc sur la scène internationale, non seulement en tant que nation de football, mais aussi en tant qu'organisateur de premier plan. La réussite de cette CAN sera déterminante pour l'image du pays et pour ses ambitions futures. En misant sur une logistique efficace, une organisation rigoureuse et un accueil de qualité, le Maroc pourrait poser les bases d'un modèle de référence pour les compétitions africaines à venir. Cette édition 2025 marquera sans doute une étape clé dans l'évolution du football marocain et africain, et pourrait bien être un prélude à un succès encore plus grand en 2030. *Secrétaire général et chercheur associé à NejMaroc : Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation