L'entreprise publique agira en tant qu'opérateur virtuel de téléphonie mobile. Elle achètera des minutes en gros pour les revendre à ses clients sous sa propre marque. Un projet de décret visant à compléter et à encadrer les dispositions relatives à l'interconnexion et au dégroupage de la boucle locale est soumis au SGG. On croyait le marché saturé et il faut dire qu'il y a de quoi. Avec trois opérateurs globaux (opérant dans le mobile, le fixe et l'internet) que sont Maroc Télécom (historique), Meditelecom (depuis 2000) et Wana Corporate (2007), 36,5 millions d'abonnés au réseau mobile, dont le taux de pénétration a atteint 113,6% à fin décembre dernier un trafic de 23 milliards de minutes, en hausse de 66% en un an, et une tarification des minutes sur le mobile en baisse de 34%, le marché des télécoms présente toutes les caractéristiques de la maturité. Mais il faut croire qu'il y a encore de la marge. D'ici quelques mois, un quatrième opérateur fera son entrée dans le secteur et il s'agit de Poste Maroc, selon des informations provenant de sources bien informées. Certes, il ne s'agira pas d'un opérateur global, la lettre d'orientation du secteur ne prévoyant pas cela. De fait, on ne sait même pas s'il y aura licence de téléphonie mobile ou pas, car ce que Poste Maroc s'apprête à faire est tout simplement d'agir en tant qu'opérateur virtuel de téléphonie mobile. La différence ? C'est qu'il n'a pas besoin de disposer de la lourde infrastructure que demande un investissement dans le réseau classique des télécommunications. Sans même avoir de spectre de fréquences propre, il se limitera ainsi à contracter des accords avec les sociétés déjà installées sur le marché, pour l'exploitation de leurs réseaux en achetant des forfaits d'utilisation afin de les revendre à ses clients sous sa propre marque. Le principe est simple : il procédera à l'acquisition en gros de minutes de conversation à des prix moins élevés que ceux pratiqués sur le marché du détail (celui des particuliers et entreprises) et il les commercialisera ensuite au détail sous plusieurs formes, soit en simples communications, soit en packaging intégrant d'autres services du groupe comme les prestations postales (la Poste est déjà engagée dans le système de courrier électronique) et/ou les offres bancaires d'Al Barid-Bank, sa filiale, opérationnelle depuis juin 2010. L'idée en fait n'est pas nouvelle tout comme d'autres opérateurs de télécoms existent au Maroc (transmission de données et voix par satellite), mais ce que l'on appelle un Mobile virtual network operator n'existait jusqu'à présent pas sur le marché. En tout cas, à Poste Maroc, on garde le silence sur ce projet mais des opérateurs du secteur affirment avoir déjà été approchés de manière informelle en vue de faire une offre de prix au nouvel entrant. Les mêmes opérateurs affirment que depuis quelques mois, les contacts entre Poste Maroc et l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) sont en cours en vue de finaliser le dossier. Réticents au départ, les opérateurs semblent accepter la nouvelle configuration Un dossier qui exige toutefois un préalable, celui de la réforme de la loi réglementant le secteur pour enclencher la procédure. Car jusqu'à présent, ce type d'activités n'était même pas prévu par les textes réglementaires. C'est d'ailleurs en ce sens qu'un projet de décret a été soumis par le ministère de l'industrie, du commerce et des nouvelles technologies au Secrétariat général du gouvernement depuis septembre 2011. Il vise à compléter et à encadrer les dispositions relatives à l'interconnexion et au dégroupage de la boucle locale des exploitants de réseaux publics de télécommunications ou des fournisseurs de services de télécommunications. C'est ce projet initié par les pouvoirs publics pour réformer la loi afin d'ouvrir le secteur aux opérateurs virtuels qui a incité Poste Maroc à s'attaquer à ce marché. Au départ, certains opérateurs historiques étaient réticents vis-à-vis de ce projet de décret. Sur le site du SGG, précisément dans la rubrique réservée aux commentaires du public à propos des textes de loi, un des opérateurs globaux a suggéré tout simplement de supprimer les dispositions relatives au dégroupage de la boucle locale et donc de l'activité des opérateurs virtuels. Mais l'autorité de régulation a rejeté cette demande en précisant que les propositions «viennent combler un vide en s'inspirant des pratiques internationales». Il est vrai que l'arrivée d'un opérateur virtuel ne signifie pas forcément réduction des parts. «Les opérateurs virtuels pourraient doper leurs chiffres d'affaires d'autant qu'ils ciblent une clientèle que les compagnies traditionnelles ont du mal à capter», explique un professionnel (voir encadré).