Baisser les prix des télécoms, activer les leviers de régulation, fournir des débits Internet plus importants et soutenir la croissance du secteur, telles sont les principales conclusions de la note d'orientation pour le secteur des télécoms à l'horizon 2013. Une note rendue publique hier par la Primature, à plus d'un mois de son adoption par le conseil d'administration de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications. Comme annoncé sur les colonnes des «Echos quotidien», les projections du régulateur prévoient un marché télécoms dont le parc, fixe et mobile, avoisinerait les 34 millions d'abonnés, en plus d'un parc de 2 millions d'abonnés à Internet et un chiffre d'affaires global de l'ordre de 40 milliards de dirhams. Le tout à l'horizon 2013. Pour atteindre ces objectifs, le régulateur a identifié quatre axes majeurs : le déploiement de mesures de régulation, l'adoption d'un calendrier de libéralisation, l'élaboration d'un plan national pour le développement de l'Internet très haut débit et la révision du cadre législatif et réglementaire. Baisse des tarifs d'interconnexion La cherté des communications au Maroc a toujours été expliquée par les opérateurs par le fait que, à la base, les tarifs d'interconnexion fixés par le régulateur sont aussi chers. Pour les trois années à venir, l'ANRT veut en finir avec ce «phénomène» et pousser les opérateurs à réduire davantage leurs prix. Comment ? En programmant des baisses des tarifs d'interconnexion. Ainsi la note parle de «baisses significatives» des tarifs de terminaisons, tant fixes que mobiles. «Ces baisses significatives permettraient de les situer à des niveaux comparables à ceux observés au niveau international», écrivent les rédacteurs de la note de synthèse. Et à l'Agence de préciser que leurs niveaux tiendront compte des coûts supportés par chaque opérateur et des parts de marché de chacun d'eux sur le segment concerné. Le lecteur de la note reste pourtant sur sa faim concernant le détail de ces «baisses significatives». En effet, on ne mentionne ni leurs taux, ni le plan de leur déploiement dans le temps. Et pour stimuler davantage la concurrence sur le segment du mobile, le régulateur dit vouloir procéder, à la suite d'une étude, à la mise en place de modèles de vente de trafic de gros, ouvert à des revendeurs de trafic téléphonique. Le régime et le statut de ces opérateurs particuliers, appelés communément «opérateurs virtuels» (MVNO pour mobile virtual network operator), seront clarifiés en conséquence. Renforcer le partage d'infrastructures Le dégroupage, ou partage d'infrastructures, a longtemps été objet de litiges entre opérateurs. Ce procédé permet de louer l'infrastructure de l'opérateur historique au profit des nouveaux entrants (permettant une réduction des investissements). À l'horizon 2013, l'ANRT promet de renforcer le partage des infrastructures. Une clarification des obligations de partage est à l'ordre du jour, que ce soit sur le plan technique ou tarifaire. Cette opération devrait prendre en compte la catégorie de l'infrastructure partagée (fourreaux, fibre noire, accès, ...), la zone considérée (zone nouvelle, zone économique ou touristique,...) et l'ancienneté de l'infrastructure. Cela impliquerait-il une baisse du tarif imposé par Maroc Telecom aux autres opérateurs pour louer son infrastructure ? Méditel a en effet plusieurs fois saisi le régulateur quant à la cherté des tarifs de dégroupage, jugés non rentables par le deuxième opérateur. Autre nouveauté : les opérateurs concernés seront tenus, dorénavant, de publier régulièrement un catalogue précisant les modalités opérationnelles et tarifaires et comportant des engagements de résultats et des pénalités pour les retards de réalisation. De nouvelles licences dans le pipe La prochaine phase de libéralisation sera axée autour du développement des infrastructures pour l'Internet. Le régulateur entend ainsi ouvrir le marché à de nouveaux entrants. Tout d'abord dans la téléphonie fixe. Une licence devrait en effet être octroyée à l'horizon 2011. L'objectif est de renforcer les infrastructures filaires pour une meilleure connectivité au réseau Internet. Dans ce sens, on parle aussi des opérateurs d'infrastructures. Les conditions pour l'attribution de ces licences seront arrêtées à la suite d'une étude qui sera réalisée. Et pour développer davantage le très haut débit mobile, les trois ans à venir verront l'introduction de la technologie 4G mobile, et ce à partir de fin 2011. «Juste après avoir réaménagé le spectre correspondant des fréquences en faveur des opérateurs intéressés», indique-t-on. De nouvelles concessions pour les opérateurs Vsat Bonne nouvelle pour les opérateurs VSAT (détenteurs de licences satellitaires, surtout pour le transfert de données dans des zones isolées). Cette niche qui connaît aujourd'hui des développements limités devrait profiter de leviers supplémentaires pour permettre leur viabilité. Aussi, sera-t-il procédé à la révision des plafonds du chiffre d'affaires autorisés à ces opérateurs pour la téléphonie. L'ANRT envisage aussi de les autoriser, sous réserve de la disponibilité des fréquences, à utiliser des technologies de boucle locale radio. Il s'agira aussi de réviser leurs cahiers des charges afin d'annuler la contribution variable de la contrepartie financière de la licence. De nouvelles licences pour des réseaux GMPCS ou VSAT pourront être attribuées à la suite d'appels à concurrence. La contrepartie financière sera alignée sur la licence la moins chère en exploitation au moment du lancement de l'appel à concurrence. Trois ans de grâce pour Wana Corporate Le gouvernement, à travers l'ANRT, nourrit l'ambition de réduire d'une manière drastique les tarifs des communications téléphoniques au Maroc. Le partage d'infrastructures et l'interconnexion s'avèrent deux canaux indispensables pour y arriver. Sauf que le pari n'est pas gagné d'avance, car l'ANRT devra négocier et trancher de manière précise et définitive quant aux principes de la symétrie et de l'asymétrie. Dans sa note d'orientation, le régulateur parle de baisse des tarifs de terminaisons, tant fixes que mobiles. Pour ce faire, une asymétrie temporaire serait introduite entre les tarifs des terminaisons des trois opérateurs globaux et devrait être supprimée à partir de 2013. «Néanmoins, dès fin 2011, une évaluation de l'impact de cette mesure sera menée et il sera procédé, le cas échéant, aux améliorations rendues nécessaires», précise l'Agence. Qu'est-ce à dire ? Tout simplement que Wana Corporate, en sa qualité de nouvel entrant dans le secteur, continuera à bénéficier d'un «statut spécial». En effet, la filiale de l'ONA et de l'émirati Zain aura droit à trois ans de grâce, durant lesquels elle paiera le tarif le moins cher en termes d'interconnexion et de tarifs de terminaisons, aux autres opérateurs. Méditel avait longtemps décrié cette logique tarifaire. Il a d'ailleurs saisi l'ANRT à plusieurs reprises pour revoir les tarifs d'interconnexion. Sauf que pour les trois années à venir, Wana Corporate bénéficiera encore d'un statut particulier.