Après les industriels du secteur pharmaceutique et les officinaux, le collège des spécialistes du privé monte au créneau pour évoquer les problèmes restés en suspens. Parmi les membres du gouvernement, le nouveau ministre de la santé est sans doute l'un de ceux qui n'auront pas la tâche facile. El Houssein El Ouardi est attendu sur un grand nombre de dossiers. Après l'investiture du gouvernement Benkirane devant le Parlement, il devra se pencher sur plusieurs problèmes épineux qu'il connaît parfaitement, selon ses pairs. En effet, spécialisé en médecine d'urgence et doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca, le ministre est au fait des diverses questions et problématiques du secteur de la santé au Maroc. Comme les industriels de la pharmacie qui ont déjà élaboré un dossier, le Collège syndical national des médecins spécialistes du privé (CSNMSP) compte rencontrer le nouveau ministre pour lui soumettre les points, discutés avec son prédécesseur Yasmina Baddou, mais qui n'ont pas été totalement résolus. Parmi les dossiers encore en suspens figure la révision de la tarification nationale de référence (TNR) de l'assurance maladie obligatoire (AMO). Entamées en 2009, les négociations pour la révision de la TNR n'ont, jusqu'à présent, pas abouti. Le ministère de la santé avait certes souligné la nécessité de réviser les tarifs, jugés trop bas, pour certains actes, et ce, d'autant plus que cette révision devait intervenir trois ans après le lancement de l'AMO, mais il n'a pas pu concilier les positions en raison de l'opposition des caisses gestionnaires de l'AMO, la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui craignent que cela n'alourdisse leurs coûts et brandissent, à juste titre d'ailleurs, les déficits prévisibles du système AMO et conditionnent toute hausse des tarifs à des obligations à remplir par les médecins, et notamment la prescription de génériques, pour alléger le coût des paniers de soins. Il faut rappeler qu'actuellement les médecins, tout en étant conventionnés AMO , ne respectent pas les tarifs de référence et fixent librement leurs honoraires. Résultat : les patients paient le ticket modérateur au prix fort. Le ministère de la santé devra donc trancher et fixer une tarification de référence conformément aux dispositions de la loi 65-00 qui autorise l'administration à décider si les parties intéressées n'arrivent pas se mettre d'accord. Le risque de voir les médecins être sous la coupe des gestionnaires de cliniques Autre dossier qui est toujours d'actualité, celui du débat sur la réglementation du temps plein aménagé. Dans le cadre d'un partenariat entre les secteurs privé et public de la santé, les cliniques privées pouvaient faire appel aux médecins des hôpitaux publics pour la prestation de certains actes médicaux, une manière de pallier le déficit de compétences en la matière. Mais des abus ont été constatés : les hôpitaux publics étaient désertés par les médecins qui préfèrent travailler chez le privé avec des honoraires élevés. Pour mettre fin à ces pratiques, le ministère de la santé avait certes mis en place, en collaboration avec les praticiens, le temps plein aménagé (TPA). Destiné aux professeurs seulement, le TPA leur permet de travailler deux demi-journées par semaine dans le secteur privé. Mais sur le terrain, cette réglementation n'est pas du tout respectée car ce sont tous les médecins du public, et non pas uniquement les professeurs, qui pratiquent le TPA, gênant ainsi leurs confrères du privé et compromettant la formation des jeunes médecins dans les CHU. Enfin, El Houssein El Ouardi est également appelé à se prononcer, après concertation avec les médecins, sur l'ouverture du capital des cliniques aux non-professionnels (aussi bien étrangers que locaux) qui risque, selon les médecins, de dévoyer l'exercice de la médecine en soumettant les praticiens au pouvoir des gestionnaires. La même interrogation se pose concernant l'autorisation des médecins étrangers à pratiquer au Maroc (voir encadré). Pour les deux autres dossiers, notamment la couverture médicale des médecins et l'organisation des instances ordinales, les discussions devront reprendre dans le cadre d'un partenariat avec le ministère de la santé et les organismes impliqués. Aucun rendez-vous n'a encore été pris avec le ministre de la santé à qui les médecins, optimistes, car «il s'agit de quelqu'un de la maison», disent-ils, veulent laisser le temps de bien étudier les dossiers.