L'insuffisance des tarifs, l'étroitesse du panier des soins et la liste limitative des médicaments remboursés limitent la portée du système. Le Collège syndical des spécialistes veut un tarif de responsabilité. Selon le corps médical, l'assurance maladie obligatoire (Amo) n'a pas, contrairement aux prévisions, entraîné une hausse d'activité. Cette nouvelle couverture médicale, mise en place depuis 2006, n'a pas entraîné, pour les prestataires de soins, une hausse du nombre de patients. Pourtant, à la Caisse nationale de sécurité sociale, gestionnaire de l'Amo pour les assurés du secteur privé, on indique que «1 200 dossiers de remboursement de frais de soins médicaux sont traités quotidiennement et 100 prises en charge délivrées, sans oublier qu'à partir de novembre, ce régime s'étendra à 500 000 personnes supplémentaires, notamment les bénéficiaires de petites pensions». Malheureusement, les statistiques n'ont pas pu être obtenues auprès de l'autre gestionnaire, celui du secteur public, notamment la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (Cnops). Mais on y précise que le nombre de dossiers a enregistré une progression durant la première année d'existence de la couverture médicale. Les médecins récalcitrants sous le coup d'une sanction ? Autre son de cloche chez les praticiens. Selon eux, le système connaît de sérieux blocages et ne peut donner la pleine mesure de l'effet recherché initialement si des améliorations ne lui sont pas apportées. Que reproche donc le corps médical à l'Amo ? Le principal grief avancé par les prestataires de soins est la Tarification nationale de référence (TNR) servant de base au remboursement des frais engagés par les patients pour les soins ainsi que les prises en charge. Cette tarification, rappelons-le, a été longuement discutée par l'Agence nationale de l'assurance maladie (Anam), les organismes gestionnaires ainsi que le corps médical. Suite à de nombreuses divergences, la Primature avait alors tranché pour permettre à l'Amo, dont la mise en place avait pris du retard, de démarrer, tout en promettant la poursuite des négociations avec les médecins pour parfaire cette tarification, qualifiée par ces derniers de très faible. Les médecins restent sur leurs positions : ils ne veulent pas «faire de la médecine au rabais !». En effet, la première année de mise en œuvre de l'Amo a été marquée par des réclamations des professionnels relatives «aux tarifs insuffisants qui ne reflètent pas la réalité de l'exercice de la médecine». C'est dans ce contexte que le Collège syndical national médical des spécialistes privés, instance regroupant et représentant une vingtaine de spécialités, estime nécessaire la discussion avec l'Anam et les gestionnaires des tarifs «afin de permettre une adhésion et une plus forte implication du corps médical du secteur libéral dans la construction du régime de l'Amo». Car aujourd'hui, il est utile de le signaler, la majorité des médecins privés, particulièrement les gros cabinets, n'adhèrent pas au nouveau régime qu'ils qualifient d'«injuste par rapport à leurs longues années d'études et aux investissements matériels engagés». C'est pourquoi le collège des spécialistes précité a tenu, en juillet dernier, deux réunions avec l'Anam à laquelle il a proposé la mise en place d'un tarif de responsabilité à l'instar de ce qui se passe en France. «C'est un système qui laisse la voie libre aux patients de choisir leur médecin, au lieu du dirigisme auquel risque de donner lieu la TNR actuelle. Il permettra aussi de répartir les médecins en deux catégories : d'une part, les médecins conventionnés, et, d'autre part, les praticiens non conventionnés», explique le Dr Saâd Agoumi, président du collège. Aujourd'hui, le principe de la TNR est une disposition légale de la loi 65-00 régissant l'Amo à laquelle tous les praticiens doivent tacitement se conformer. Et l'Anam de préciser que «la loi de l'Amo stipule que lorsqu'une convention nationale est approuvée, tout prestataire de soins membre de la profession est réputé adhérent d'office». Mais la pratique est toute différente dans la mesure où plusieurs médecins n'appliquent pas cette tarification. Pour l'assuré, cela ne change rien, car il est toujours remboursé, sur la base du tarif conventionnel, que le médecin soit conventionné ou non. Une situation qui risque, selon un observateur, de se retourner contre ces praticiens car le dispositif légal prévoit un contrôle des médecins (sauf ceux qui ont fait part de leur non-conventionnement à l'Anam), contrôle exercé par une commission de suivi regroupant des représentants du syndicat des médecins, du Conseil national de l'ordre, du ministère de la santé et de l'Anam ainsi que des organismes gestionnaires. Une convention sera signée avec les oncologues dans les prochains jours Par ailleurs, un spécialiste de l'Amo estime que le collège des spécialistes privés propose un tarif de responsabilité car «il craint une fuite des patients vers les praticiens pratiquant la TNR. C'est une façon de se protéger contre une baisse de la clientèle. La situation qui prévaut aujourd'hui ne leur porte, pour l'instant, aucun préjudice, car les patients supportent une partie des frais et acceptent les remboursements des gestionnaires». A la CNSS, on confirme en effet qu'aucun dossier de remboursement provenant d'un praticien n'appliquant pas la TNR n'est rejeté du fait que «le patient a fait son choix et nous faisons notre travail conformément à la loi», est-il expliqué. Aujourd'hui, indique-t-on à l'Anam, six prestataires se sont déclarés non conventionnés. Pour ceux-là et pour eux seuls, les organismes gestionnaires ont le droit de ne pas accorder la prise en charge préalable de frais de soins. En attendant, et conformément à l'engagement des pouvoirs publics, les discussions se sont poursuivies avec certaines spécialités et ont abouti à la signature de conventions avec plusieurs professions médicales. D'ailleurs, les discussions avec les oncologues viennent de prendre fin et la signature se fera dans les prochains jours. La tarification est donc le principal blocage au bon fonctionnement de l'Amo, sans compter, comme le relève encore une fois l'association nationale des cliniques privées, que l'entrée en vigueur de l'Amo n'a pas permis, comme cela était prévu au départ, aux patients d'accéder aux soins. Et ceci en raison de l'exclusion des soins ambulatoires, d'une part, de la liste limitative des médicaments remboursables, d'autre part. En définitive, les praticiens ne semblent pas adhérer à l'Amo qu'ils avaient tant attendu car le régime devait drainer de nouveaux patients. Un objectif qui n'est pas près, selon le corps médical, de se réaliser, si des ajustements ne sont pas apportés au schéma actuel.