22 ans au service de la modernisation de la pêche Quand elle postule pour intégrer la fonction publique en 1988, Zakia Driouich, actuellement directrice de la pêche et de l'aquaculture, n'a aucune idée de ce qui l'attendait. Elle est en vacances au Maroc quand on lui a parlé du manque de cadres au ministère de la pêche alors qu'elle est encore liée par un contrat de recherche en France à la Company for international research of ideas and concepts (CIRIC) sur les nano-particules et les procédés de fabrication des liposomes. Une fois ses vacances finies, elle retourne à Paris et a pratiquement oublié son dossier quand on lui téléphone pour lui dire qu'elle est retenue et qu'elle est attendue dans les plus brefs délais au Maroc. Elle s'en ouvre aux responsables de la CIRIC qui lui accordent une mise en disponibilité d'une année. Zakia Driouich prend son poste de cadre à la direction des industries de la pêche, à un moment où le ministère est en grande mutation marquée par la lourde mise à niveau de la filière pour que les produits de la conserve soient recevables en Europe sur le plan des normes de sécurité alimentaire, une question de vie ou de mort pour tout le secteur de la transformation. Toutes les procédures sont à revoir et il faut faire accepter aux industriels des règles très contraignantes dont ils ne comprennent pas la logique. De plus, les surcoûts que ces règles vont engendrer les poussent à résister. Première déception de Zakia Driouich, le salaire de 4 000 DH. La bourse qu'elle recevait à Paris pour mener ses recherches était bien supérieure. Il y a aussi le fait qu'elle est une des premières femmes qui ont rejoint cette direction jusque-là très fortement masculine. Cependant, cela ne la pas fait reculer. Bien au contraire. Et elle ne va pas le regretter car son talent de pédagogue, doublé d'une capacité de négociation redoutable, va lui faire jouer un rôle essentiel dans les changements engagés dans ce ministère qui fut par la suite fusionné avec l'agriculture. Flash-back. Zakia Driouich est née à Casablanca au quartier Ziraoui. Son père est commerçant et sa mère fonctionnaire au ministère de la justice. L'aînée des cinq frères et sœurs est très attachée à sa famille. Et quand elle obtient son bac D (sciences expérimentales) à l'institution Charles de Foucauld en 1981, elle choisit d'aller poursuivre ses études en Belgique. Sa mère, un soutien moral précieux, qui a aussi contribué au financement de ses études, fait le déplacement avec elle pour l'installer. Histoire de se rassurer sur ses conditions de vie. Après des prépas (appelés diplôme de candidat ingénieur), elle s'inscrit à l'Institut industriel liégeois où elle obtient en 1986 son diplôme d'ingénieur en biotechnologie. Sa mère est encore là pour lui conseiller d'aller plus loin dans les études. Elle «s'exécute» en s'inscrivant à la Faculté de pharmacie de Paris XI entre 1987 et 1988 pour un diplôme d'études approfondies (DEA). Et c'est à cette période qu'elle songe à rentrer au pays sans trop y croire. Mais ses vacances de 1988 ont changé son destin. Une fois intégrée au ministère de la pêche, elle ne voit plus le temps passer. Elle gravit les échelons pour suivre des dossiers assez lourds comme la défense de l'appellation «sardine», puis la mise en place du programme de gestion de la qualité à Agadir. Bien entendu, la reconnaissance suit progressivement. C'est ainsi que Zakia Driouich devient quelques années plus tard chef de service puis chef de la division de contrôle des produits, de la normalisation et de la promotion commerciale. Mais la vraie promotion intervient lorsque l'on lui confie en 2005 le poste de directeur des industries de la pêche là où elle avait fait ses premiers pas dans le ministère. Elle connaît bien ses dossiers et est associée aux grands moments de la mutation du secteur de la transformation qui est devenu un des fleurons de l'ensemble du secteur de la pêche. «La croissance a été constante avec 10% d'augmentation par an», explique Zakia Driouich. Elle gère plus de 100 personnes dans sa direction, sans compter les effectifs des services extérieurs Ses qualités de gestionnaire et ses grandes capacités à fédérer les énergies sont si bien reconnues que non seulement on lui confie dès 2008 la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, mais elle est aussi étroitement associée à de grands dossiers comme la stratégie «Halieutis», le fil conducteur des négociations avec l'Union européenne et de tous les projets engagés ou qui se préparent pour le développement de l'aquaculture au Maroc. Elle se rappelle qu'au moment de son arrivée dans sa direction actuelle, l'effectif n'était que de 20 personnes contre plus de 100 personnes aujourd'hui, sans compter les services extérieurs. En effet, beaucoup de choses ont changé puisque rien qu'au niveau des captures, le Maroc est passé de quelque 700 000 tonnes à près de 1,2 million de tonnes, avec une valeur ajoutée qui n'a cessé d'augmenter. Zakia Driouich résume le travail qui se fait ainsi : «La question n'est pas tellement de pêcher plus mais mieux et travailler en profondeur sur la valorisation des produits avec de meilleures qualifications des hommes mais aussi la modernisation de la flotte».