Grand de 18 hectares, le parc historique de l'Hermitage renaît de ses cendres. Les travaux de réhabilitation sont dans leur phase finale, ils ont nécessité 30 MDH. Il sera inauguré en juin prochain. Un étang y a été créé, les vieux palmiers et eucalyptus sont sauvegardés, une nouvelle végétation y est plantée. Des aires de jeux et de sport son prévues. L'emblématique parc de l'Hermitage est-il en train de renaître de ses cendres et de retrouver sa splendeur d'antan ? Le rêve des riverains du parc (arrondissements Mers Sultan et El Fida) de voir leur site historique réaménagé et réhabilité est en effet en train de se réaliser. Les travaux de plantation des arbres et autres plantes vont bon train. Les couloirs et les allées dans le jardin ont pris forme, quelques promeneurs peuvent déjà s'y dégourdir les jambes et quelques sportifs s'y retrouvent pour leurs séances de jogging. Tous les autres travaux d'aménagement sont terminés ou en voie de l'être : le système d'irrigation automatique est fin prêt, l'éclairage est quasiment terminé. Au milieu du parc, un étang de plusieurs mètres est déjà aménagé mais pas encore rempli d'eau. Il le sera ultérieurement pour accueillir par la suite des oies et des canards. Seuls les travaux de plantations ne sont pas encore achevés, et les jardiniers de l'entreprise chargée de l'opération travaillent d'arrache-pied pour que le programme de réhabilitation de ce jardin historique soit achevé «au plus tard au mois de juin prochain», assure Omar El Asri, ingénieur agronome, paysagiste, responsable de la division des jardins et espaces verts au sein du Conseil de la ville de Casablanca. Mais d'ores et déjà, la nouvelle physionomie du jardin prend forme et on n'attend que le soleil du printemps prochain pour voir éclore les nouvelles pousses. Palmiers et eucalyptus datant des années 1930 côtoient les nouvelles pousses de cette année. Les concepteurs paysagistes qui ont travaillé et mené le projet ont voulu que le parc de l'Hermitage (actuellement appelé parc UNESCO), dans sa nouvelle version, soit la continuité de celui fondé dans les années vingt du siècle dernier par les architectes français Jean-Claude Nicolas Forestier et Henri Prost. Ainsi, côté végétal, le plan de réaménagement et de réhabilitation du parc a retenu la réutilisation d'une palette de végétaux emblématiques de Casablanca. Comme l'explique à La Vie éco Eric Normand, le paysagiste qui a conçu le nouveau parc, «la palette de végétaux emblématiques de Casablanca constituée de palmiers (Phoenix canariensis,…), d'arbres indigènes (Ficus benjamina) et d'espèces acclimatées (Araucaria excelsa,…) structurera les espaces du parc de l'Hermitage et s'installera dans la continuité des avenues plantées de la ville, soulignant la singularité du territoire de Casablanca. Les avenues au contact du parc participeront à l'ensemble». Les concepteurs du réaménagement du parc n'ont pas négligé les fondamentaux de l'architecte Forestier Fidèles aux concepts de Forestier et Prost, repris par un autre architecte français, Albert Laprade, les concepteurs de la nouvelle maquette du parc ont voulu que la réhabilitation de ce dernier soit conforme aux directives de leur maître : ouvrir et relier le parc, par le biais de ses entrées principales, aux quartiers et aux grandes artères environnants. En l'occurrence le boulevard Anoual, l'avenue Nador et, surtout, l'avenue 2 Mars qui relie Derb Soltan El Fida au centre-ville (voir encadré). C'est vrai, comme le mentionne le plan de réaménagement, «l'ancienne entrée principale du côté de la placette au bout de l'avenue Nador qui mettait le parc en relation directe avec l'avenue 2 Mars se retrouve aujourd'hui dans une situation d'impasse et doit retrouver une connexion simple et évidente avec les quartiers de Derb Soltan et Mers Sultan». La renaissance de l'Hermitage n'a pas été facile. Déjà à la fin des années 1990, les militants de l'Association Bouchentouf-El Miter pour ledéveloppement social (ABMDS), issus eux-mêmes de ce quartier, étaient les premiers à se lancer dans la bataille pour la restauration du site. Si aujourd'hui le projet est en train d'aboutir, c'est grâce en partie au remarquable travail de sensibilisation que ces militants ont mené. La mobilisation de cette association pour la restauration du parc de l'Hermitage a été telle que plusieurs réunions ont eu lieu avec les autorités de la ville pour trouver une issue à la dégradation du site qui devenait carrément un réceptacle de déchets et un lieu de rassemblement de vagabonds, d'enfants de la rue, de clochards de tous bords, de drogués… Des promesses ont été faites en 2002, tant par la wilaya que par la Communauté urbaine de Casablanca pour sauver le site et lui rendre son âme. Mais finalement rien de concret n'a été fait. Il a fallu attendre l'année 2003 et la nouvelle organisation communale qui a vu l'unification de la ville de Casablanca pour voir la création au sein du Conseil de la ville d'une structure entièrement dédiée à la gestion des espaces verts. C'est la division «parcs et jardins» qui remplacera les 27 services «espaces verts» disséminés sur les 27 communes qui s'est penchée alors sur la meilleure stratégie et le meilleur plan de sauvegarde des parcs historiques, d'une part, et la création de nouveaux parcs et jardins, d'autre part. Un travail d'investigation de six mois a été mené pour recenser les besoins en matière d'espace vert, notamment pour les arrondissements qui en ont le plus besoin, et pour élaborer un plan d'action. C'est dans ce cadre que s'inscrit le projet de réhabilitation du parc de l'Hermitage. Le plan pour tout Casablanca concerne en fait dix parcs, dont celui de la Ligue Arabe et le parc Isesco, ex-Murdoch. Une convention est ainsi signée en septembre 2006 entre le Conseil de la ville et la Direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur pour le reboisement de la ville de Casablanca et la mise en valeur de ses parcs et jardins. Les travaux de réaménagement ont été confiés, en vertu d'une convention, à la Fondation Mohammed VI pour la protection de l'environnement qui a joué le rôle de maître d'ouvrage à partir de 2007. 30 MDH lui ont été versés pour le réaménagement de 14 hectares sur les 18 que compte le parc. Des végétaux exotiques provenant de différents continents (Asie, Amérique Latine, Afrique) y sont plantés ou en train de l'être, des panneaux renseigneront les promeneurs sur le genre et la provenance des végétaux plantés. «Reprenant un motif récurrent à Casablanca, des mails de ficus seront plantés le long de ces avenues. Ils jouent le rôle de promenade le long de ces grands axes et permettent l'installation de différentes activités. Le mail constitue également le front d'implantation des nouveaux bâtiments programmés dans le parc (salle d'exposition, atelier d'enfant, local associatif…)», explique M. Normand. Objectif : rendre ses lustres au parc, bien sûr. Mais dans un programme global, le but est d'élargir la superficie d'espaces verts par tête d'habitant, dont la ville connaît un déficit. Si la norme internationale de l'OMS parle de 10 m2 par habitant, Casablanca ne dépasse guère les 3m2, ce qui est regrettable pour la santé et le bien-être de ses habitants. M. El Asri tempère ce diagnostic, voire conteste ces chiffres : «3m2 si l'on ne compte que les jardins publics, c'est-à-dire en dehors des plantations d'alignement. 100 000 arbres d'alignement existent à Casablanca. Si l'on sait qu'un arbre adulte absorbe autant de matières toxiques qu'un hectare de pelouse l'on peut conclure qu'à Casablanca il y a 6m2 d'espace vert par tête d'habitant». Difficile de soutenir le raisonnement, sachant que des quartiers entiers sont dépourvus de jardins. Toutefois, depuis 2004, avec le nouveau plan d'aménagement, de réhabilitation des parcs historiques, le Conseil de la ville essaie de résorber ce déficit en matière d'espaces verts. Le parc Isesco a été le premier à être réhabilité 5 000 arbres d'alignement sont plantés chaque année, et ce depuis 2004, d'après M. Al Asri. «On plante des arbres là où il y a un espace public libre, sur les trottoirs et les giratoires». Il faut dire aussi que les fonds consacrés à ce plan de reboisement sont conséquents : il a nécessité une enveloppe de 250 MDH, dont le réaménagement du seul parc de la Ligue Arabe en a absorbé 45. Pour ce dernier, c'est une autre histoire : de 32 ha à l'origine, la surface du parc a été réduite comme peau de chagrin au fil des années. «Il ne reste plus que 14 ha», selon M. El Asri. Le reste est aujourd'hui occupé soit par des locaux administratifs, dont ceux des Eaux et forêts, soit par des cafés, des clubs de tennis et de pétanque. Sans parler d'un immeuble près de l'église Sacré-cœur érigé sur une partie du parc. La restructuration du parc, le délogement des squatteurs et la récupération de la superficie initiale ont demandé du travail. Les études ont été révisées et un appel d'offres international a été lancé : trois entreprises, dont Ateliers Lyon Paris, ont obtenu le marché. «Mais on ne sait pas encore quand les travaux commenceront, l'étape la plus délicate est le délogement des squatteurs», indique M. El Asri. Parmi les dix parcs historiques à réhabiliter, le parc Isesco (Murdoch) a été le premier à être retenu puisqu'il a été inauguré par le Souverain en septembre 2006. Créé en 1919 et étalé sur 14 ha, il a nécessité pour son réaménagement une enveloppe de 4 MDH. Le deuxième à être ouvert est le parc Alesco de Sidi Othmane-Sbata. Grand de 6 ha, sa réhabilitation a nécessité 5 MDH. Les travaux dans d'autres parcs sont terminés, c'est le cas du parc d'Aïn Chock et celui d'Aïn Sebaâ. Et dans la course, il y a bien entendu le parc de l'Hermitage dont l'ouverture est prévue au début de l'été prochain. Seul point noir : des habitations illégales sur une partie de site, côté sud jouxtant la voie ferrée. Certaines associations, dont celle présidée par Abdallah Zaâzaâ, demandent aujourd'hui aux autorités de leur permettre d'utiliser ces locaux. Ce qui serait, selon eux, le meilleur moyen de garder un œil sur le parc et de le présérver. Et à propos de gardiennenage justement. Comme tous les autres parcs de Casablanca réaménagés ou nouvellement créés, celui de l'Hermitage sera entouré d'une clôture métallique. Il sera gardé et entretenu 24h/24 par une entreprise privée et fermé le soir pour empêcher toute incursion des envahisseurs nocturnes.