Plusieurs signaux des partis du nouveau bloc en formation. Mais l'USFP n'a encore pris aucune position officielle. Au sein du parti, certains sont pour, d'autres contre. En interne, les divergences sont fortes. En attendant d'y voir plus clair, l'USFP poursuit sa restructuration. En 2012, les partis politiques mettront-ils fin à la tradition des alliances post-électorales ? «Nous avons la conviction que c'est nécessaire. Nous allons donc nouer des alliances avant les élections de manière à donner de la visibilité aux électeurs, contrairement à ce qui se faisait par le passé où elles n'étaient communiquées qu'au lendemain des résultats», indique un cadre du Rassemblement national des indépendants (RNI). Devenu plus proche du Parti authenticité et modernité (PAM) depuis l'élection du ministre des finances Salaheddine Mezouar à sa tête, le parti de la colombe multiplie les invitations ces dernières semaines. Après avoir fait un geste en direction de l'USFP, le RNI négocie désormais un rapprochement avec l'Union constitutionnelle (UC). En cours depuis des mois, les contacts entre les deux partis ont connu une nette accélération ces derniers jours au point que désormais, tout en rejetant fortement l'idée de la création d'un Wifaq bis, les deux partis considèrent «toutes les options ouvertes», de la constitution de groupes parlementaires conjoints pour la session parlementaire de printemps… à la fusion. Une éventualité qu'il est difficile de prendre à la légère à quelques mois du congrès national de l'UC prévu en juin prochain et surtout au vu des profondes mutations que connaît le champ partisan depuis quelques mois. «Si demain, cela s'avère nécessaire, pourquoi pas ? Pour l'instant, le rapprochement est en cours, nous opterons ensuite pour la formule qui nous semblera la plus adéquate», confirme de son côté Mohamed Abied, secrétaire général de l'UC. Fait notable, côté RNI, le rapprochement avec l'UC n'annule pas la main tendue à l'Union socialiste des forces populaires (USFP), même si la collaboration avec ce dernier devra invariablement se faire à un moindre degré. Le «wait and see» de l'USFP «Avec l'USFP, cela peut prendre la forme d'une alliance en vue de constituer une majorité gouvernementale, de manière à donner aux électeurs de la visibilité concernant le nouvel exécutif», poursuit ce responsable RNI. Le parti bleu n'est d'ailleurs pas le seul à regarder du côté des Ittihadis. Au-delà des interventions de Mohamed Aujar dans «Tiyarat», sur 2M, en octobre dernier ou des déclarations de Salaheddine Mezouar dans la foulée de son élection à la tête du RNI, le PAM aussi, par la voix de son secrétaire général, Mohamed Cheikh Biadillah, a fait un geste lorsque ce dernier a laissé entendre, au détour d'une interview, que son parti se situe entre l'USFP et le RNI. Et l'Istiqlal et la Koutla dans tout cela ? L'USFP est toujours arrimé à la Koutla, et il est tenu par la promesse, formellement signée la veille des législatives de 2007, de rester solidaire avec l'Istiqlal et le PPS, au gouvernement comme à l'opposition. Un engagement qui reste valide au moins jusqu'aux prochaines élections législatives. Du coup, pour l'instant du moins, les Ittihadis se cantonnent dans un silence réservé : lorsque la question a été soulevée lors de la dernière réunion du bureau politique de l'USFP, la direction du parti a officiellement décidé de ne pas se prononcer sur la question. En d'autres termes, le parti de Abdelouahed Radi ne dit pas «oui», certes, mais il ne refuse pas l'invitation pour autant. Aujourd'hui, si côté RNI l'enthousiasme semble s'être quelque peu refroidi, le PAM reste confiant. «Nos contacts n'ont jamais cessé», continue de répéter Salah El Ouadie, porte-parole du parti du tracteur. Selon un autre cadre du PAM, l'invitation était un peu trop précoce, mais il n'y a pas de quoi être pessimiste. Pendant ce temps, côté PPS l'on fait état d'une légère reprise après le silence radio observé par l'USFP jusqu'au 16 février. «Aujourd'hui, j'ai eu une réunion amicale et personnelle avec Fathallah Oualalou, et je pense que cela peut être le prélude à une reprise des contacts de manière systématique entre nos deux partis», indiquait il y a quelques jours Ismaïl Alaoui, secrétaire général du PPS. En revanche, à l'heure où nous mettions sous presse, mercredi 17 février, rien ne laissait présager la tenue d'une rencontre au sein de la Koutla. En interne, pas de débat officiel, mais des prises de position Au-delà du silence de leurs dirigeants, et même si aucun débat n'a encore été lancé en interne, les militants ittihadis ne sont pas indifférents à l'invitation conjointe du PAM et du RNI. Entre partisans d'un rapprochement avec le PAM, ceux demeurés fidèles à la Koutla, et les militants aux positions intermédiaires, les avis sont cependant tout sauf loin d'être homogènes. «Si nous nous séparons de l'Istiqlal, nous allons mourir l'un après l'autre», s'exclame Rachid Balafrej, proche de Mohamed Elyazghi. Dans un récent entretien, l'ex-premier secrétaire du parti avait pourtant estimé qu'il serait possible pour l'USFP d'intégrer une alliance gouvernementale qui comprendrait le RNI et le PAM, mais qu'en aucun cas il ne pourrait faire partie d'un pôle libéral. Une option que semblent rejoindre plusieurs dirigeants actuels du parti. «Au parti nous ne discutons pas d'un rapprochement avec le PAM. Les conclusions du dernier conseil national ont été claires à ce sujet : on parle de la gauche et des partis démocratiques», estime pour sa part Hassan Tariq, membre du bureau politique. Pour autant, ce dernier n'exclut pas l'option d'une normalisation avec le PAM, tout comme il en a été pour les relations USFP-PJD dans un passé proche. «L'USFP veut lutter contre les spectres du passé, mais cela ne signifie pas que le parti va maintenir une relation anormale avec le PAM. Depuis, la scène politique a évolué, ce parti est devenu quasi incontournable, et il existe beaucoup d'options autres que l'alliance ou la rivalité», poursuit-il. «Ce n'est pas une question d'étiquette ou de nom mais de rencontre réelle sur des valeurs, des programmes, des actions concrètes. Nous sommes prêts à discuter et à travailler avec tous ceux qui partagent ces éléments-là avec nous. Au sein du gouvernement, nous traitons d'ailleurs avec des partis avec lesquels nous ne partageons pas tout, mais avec lesquels nous avons des choses en commun, comme la modernité, la démocratie, et surtout la justice sociale et la solidarité», indique un autre responsable du parti. Vers un gouvernement bâti sur un bloc de centre ou un gouvernement libéral ? Jusqu'à nouvel ordre donc, le suspense reste complet. Oubliées les piques échangées alors que le PAM faisait ses premiers pas dans l'arène politique au point que l'USFP n'avait pas été invité à son congrès constitutif : le parti du tracteur met désormais en avant ses militants venus de la gauche pour justifier un rapprochement avec l'USFP. En face, la Koutla, mise en place dans un contexte historique, désormais dépassé, parait en état de mort clinique mais peut encore être ressuscitée par une refonte générale. Une option qui n'exclut pas la poursuite de la coopération entre le PJD et l'USFP, même si Driss Lachgar, considéré comme le principal défenseur de leur rapprochement et du retour de l'USFP à l'opposition, a été politiquement affaibli depuis sa nomination au gouvernement. On le dit même devenu partisan du rapprochement avec le PAM. Quel que soit le choix de l'USFP, il aura des répercussions non négligeables sur la scène politique de demain. Si les Ittihadis optent pour le PAM, se dirigera-t-on vers un gouvernement de centre, composé du PAM, du RNI et de l'USFP et dont l'opposition se limiterait à l'Istiqlal, le PJD, l'extrême gauche et les petits partis de centre-droite ? Problème : si une telle option devrait permettre l'émergence d'un gouvernement plus solide que l'alliance gouvernementale actuelle, ne risque-t-elle pas d'aller à l'encontre de la formation de blocs partisans suffisamment différenciés et crédibles ? En revanche, si l'USFP choisit la Koutla quitte à se retrouver à l'opposition, l'on risque de se retrouver avec un gouvernement assis sur un bloc libéral homogène (PAM, RNI, UC et éventuellement le MP) mais confronté à une opposition redoutable, (USFP, Istiqlal, PJD). Cette dernière option, moins facile à vivre pour l'alliance gouvernementale, aurait aussi ses avantages à terme : en plus de permettre à la gauche de resserrer ses rangs depuis l'opposition, elle favoriserait l'émergence d'un bloc susceptible de constituer une alternative solide au gouvernement en place à l'occasion des législatives suivantes… Une chose est sûre, avant de prendre sa décision, l'USFP devra prendre en compte de nombreuses donnes. Parmi ces dernières, le mode de scrutin retenu pour les prochaines élections législatives. En attendant la décision, priorité à la restructuration Ces derniers temps, en effet, les plus grosses formations qui se sont souvent prononcées en faveur du retour à l'uninominal et du relèvement des seuils de distribution des sièges au nom de la lutte contre la balkanisation, ont largement refroidi leurs ardeurs depuis la montée en force du PAM de crainte de se retrouver rayées de la carte politique. Le maintien du mode de scrutin actuellement en vigueur encouragera-t-il l'USFP à préserver ses alliances actuelles ? Au-delà, il est inévitable que la performance des partis aux prochaines élections influencera leurs alliances. En 2012, l'USFP aura-t-il encore assez de poids pour rester attractif aux yeux de ses alliés potentiels ? Une quasi certitude : la performance de ce parti devrait être fortement liée à sa restructuration. Annoncée au lendemain du VIIIe congrès de l'USFP, reportée pendant deux ans pour différentes raisons, relancée depuis quelques mois, via la mise en place de sa commission préparatoire, la conférence nationale pour l'organisation de l'USFP devrait s'attaquer aux problématiques organisationnelles, politiques, idéologiques et intellectuelles du parti à partir d'avril-mai prochains. Elle intervient à point nommé pour renouer les liens entre le parti, ses militants et les citoyens. Le sort de l'USFP sera lié à ses résultats. «Il y a une dizaine d'années, quand nous sommes rentrés au gouvernement, la priorité, c'était la démocratisation et le rajeunissement des institutions. Toutefois, avec l'évolution et l'ouverture du Maroc, la politique a changé dans la perception des citoyens qui est devenue plus utilitaire. Ce n'est plus le débat sur l'institution, sur la gouvernance qui prime mais une forme de gestion en vue d'assurer une meilleure qualité de vie. Désormais, c'est au niveau de l'habitat, de la lutte contre le chômage, l'amélioration de la qualité de vie, les retraites, etc., que le citoyen attend le politique», explique Adnane Debbagh, membre de la commission et du conseil national de l'USFP. Et de conclure : «A partir de cette perception de la politique et du rôle de l'acteur politique, nous allons proposer une architecture organisationnelle nouvelle qui nous permettra d'être plus performants, plus percutants et plus proches».