La Commission européenne a officiellement inscrit le Maroc sur sa liste des « pays d'origine sûrs », aux côtés de l'Inde, de l'Egypte ou encore du Kosovo. Une reconnaissance qui marque non seulement un changement de paradigme dans le traitement des demandes d'asile au sein de l'Union, mais aussi un signal fort adressé au Maroc, devenu ces dernières années un acteur central de la coopération migratoire euro-africaine. Jusqu'à présent, la gestion des flux migratoires reposait sur des dispositifs nationaux disparates. Certains Etats membres établissaient leur propre liste de pays considérés comme « sûrs », créant ainsi des disparités dans le traitement des demandeurs d'asile en fonction du pays dans lequel ils déposaient leur dossier. Désormais, avec cette initiative portée par Bruxelles, une liste commune s'impose comme socle juridique à l'ensemble des Vingt-Sept. Objectif affiché : accélérer l'examen des dossiers des ressortissants de ces pays, tout en facilitant leur retour si leur demande est jugée infondée. Dans les faits, l'inclusion du Maroc dans cette liste signifie que les demandes d'asile déposées par ses ressortissants seront présumées non fondées, sauf preuves contraires. La Commission européenne justifie cette mesure en indiquant que les citoyens marocains, comme ceux des autres pays figurant sur la liste, « ne font généralement pas l'objet de persécutions systématiques » ni « ne courent de risques graves en cas de retour ». Une procédure simplifiée et écourtée s'appliquera donc à eux, en vertu de cette nouvelle classification. Si cette annonce peut être perçue, dans certains cercles, comme une manière de restreindre l'accès au droit d'asile pour certaines nationalités, elle constitue également, pour les pays concernés, une forme de reconnaissance de leur stabilité politique et institutionnelle. Dans le cas du Maroc, cette décision valide indirectement les efforts engagés par Rabat depuis une décennie en matière de gouvernance migratoire. Lire aussi : Maroc–France : vers un nouveau partenariat dans les domaines de la sécurité et de la migration Le Royaume a en effet multiplié les réformes pour se positionner comme un pôle régional de gestion humaine et responsable des migrations. Dès 2013, sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc adoptait une Stratégie nationale d'immigration et d'asile (SNIA), saluée par de nombreux observateurs internationaux pour sa dimension inclusive et ses volets d'intégration des migrants sur le territoire national. Cette politique se traduit concrètement par la régularisation de dizaines de milliers de migrants subsahariens, l'ouverture de services sociaux et éducatifs à ces populations, ainsi que par une coopération proactive avec les agences européennes telles que Frontex ou Europol. Dans un contexte géopolitique marqué par une pression migratoire croissante sur l'Europe, Rabat s'impose aujourd'hui comme un partenaire incontournable dans la stratégie euro-méditerranéenne. Sa capacité à contrôler ses frontières, tout en maintenant un cadre respectueux des droits humains, lui vaut d'être courtisé aussi bien par les capitales européennes que par les institutions communautaires. Cette reconnaissance s'inscrit également dans une dynamique plus large, où le Maroc joue un rôle de pont stratégique entre l'Afrique et l'Europe, tant sur les plans sécuritaire, économique que diplomatique. La récente décision de Bruxelles vient ainsi conforter une relation fondée sur la confiance mutuelle et la convergence d'intérêts. Des débats encore vifs au sein de l'Union Toutefois, cette nouvelle étape vers une politique migratoire européenne plus unifiée ne fait pas l'unanimité. Si des pays comme l'Italie – qui a salué l'annonce comme une « victoire » politique – s'en félicitent, d'autres voix s'élèvent pour alerter sur les risques d'une procédure expéditive, potentiellement aux dépens des droits fondamentaux des demandeurs d'asile. Le Parlement européen et les Etats membres devront encore se mettre d'accord sur les contours juridiques et pratiques de cette liste. La proposition s'annonce d'autant plus délicate que certains Etats refusent toujours d'accorder le statut de « pays sûr » à des partenaires sensibles, à l'instar de la Turquie, dont la mention avait fait échouer une initiative similaire en 2015. Cette fois encore, les négociations s'annoncent serrées. Pour le Maroc, cette décision pourrait également ouvrir de nouvelles perspectives en matière de coopération technique et financière avec l'Union. En s'appuyant sur sa nouvelle reconnaissance, Rabat pourrait réclamer un appui accru dans la gestion de ses frontières, dans le développement d'initiatives d'intégration pour les migrants, mais aussi dans la lutte contre les réseaux de trafic d'êtres humains. En filigrane, la désignation du Maroc comme « pays d'origine sûr » par la Commission européenne reflète un tournant dans la lecture politique de la migration. Loin de n'être perçu comme un pays émetteur de flux migratoires, le Royaume s'affirme de plus en plus comme un Etat-pivot dans la régulation des mobilités humaines à l'échelle de la Méditerranée et du continent africain.