La Belgique, à l'instar d'autres pays européens, a drainé au cours des dernières années un flux massif de migrants fuyant les principales zones de conflit dans le monde, amenant le gouvernement belge a adopter une politique migratoire qui suscite une levée de boucliers de la part de l'opposition et des ONG belges, qui y voient une ''atteinte aux droits fondamentaux » des migrants. Le dernier acte en date de cette politique pilotée par le secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration Theo Francken fût l'adoption, jeudi, par la Chambre des représentants belge d'une réforme controversée du droit d'asile. Le texte de 400 pages, qui a fait l'objet d'un vif débat avant son adoption, a suivi un parcours législatif bousculé à la suite d'avis négatifs de la commission de protection de la vie privée de la chambre et du Haut commissariat aux réfugiés (HCR). La nouvelle loi Francken, a pour le but, soutient le secrétaire d'Etat, d' »harmoniser » le droit d'asile belge avec les directives européennes. Mais ce dernier y apporte un certain nombre d'éléments nouveaux. A titre d'exemple les autorités ont la possibilité d'accéder aux données du téléphone portable du demandeur d'asile, mais aussi à son profil sur les réseaux sociaux. Le demandeur d'asile pourrait en outre être mis en détention s'il ne collabore pas et son délai de recours est réduit. Des dispositions, qui ont vite fait réagir l'opposition et les associations qui voient dans le nouveau texte une « stigmatisation des réfugiés » et un « durcissement du droit d'asile ». Elles annoncent par conséquent qu'elles engageront des recours devant la cour constitutionnelle. Au sein de l'opposition socialiste et écologiste, on ne décolère pas. « J'ai honte de vous entendre« , s'est exclamé à la chambre Emir Kir (PS), qui accuse Theo Francken de ne considérer les demandeurs d'asile que comme des fraudeurs. Benoît Hellings (Ecolo) répète que le texte est contraire à la loi sur la vie privée car, reproche-t-il, les perquisitions numériques sont réservées aux crimes graves et là il est question de demandeurs d'asile. Du côté des ONG on relève la réaction de la Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Etrangers (CIRE), dont la directrice générale Sotieta Ngo, a estimé que la nouvelle loi « bafoue les droits fondamentaux« . « Si le texte donne la possibilité de détenir systématiquement tous les demandeurs d'asile qui arrivent. On nous dit que ce n'est pas l'intention, mais on constate que la possibilité est là. Dans certains cas, les demandeurs d'asile n'auront pas un droit de recours effectif. Ils pourront être expulsés et pourront être refoulés vers des pays où il y a un risque de traitement inhumain et dégradant« , a-t-elle indiqué, dans une déclaration à la RTBF. « Ça nous choque évidemment », s'est elle indignée, dénonçant également des « entraves à la vie privée » et « un contexte général de stigmatisation des demandeurs d'asile ». Le Centre fédéral Migration (Myria) reproche, de son côté, à la Belgique d'investir insuffisamment dans les alternatives à l'enfermement des migrants qui doivent quitter le pays, indiquant que ces derniers sont souvent placés trop rapidement dans des centres fermés. Myria fait à ce propos état d'une augmentation du budget global alloué à la politique d'éloignement, qui a grimpé de 35% depuis 2014, passant de 63 à près de 85 millions d'euros. Pour François De Smet, directeur du centre, « C'est le seul budget qui ne connaît pas la crise« . En 2016, 11.000 personnes ont été éloignées du territoire belge, un chiffre dont se félicitait il y a encore quelques mois le secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, a ajouté le centre, qui a parlé aussi d'un coût humain. Il a noté que « les procédures cadrant la détention et l'éloignement présentent encore des risques d'atteintes aux droits des migrants« . D'après Myria, il y a aussi un coût démocratique puisqu'une grande opacité est encore maintenue autour des expulsions, suggérant la création d'une commission permanente d'évaluation de la politique d'éloignement, qui serait composée de différents opérateurs du secteur. Le HCR s'inquiète, quant à lui, du caractère non suspensif de certains recours (la décision est appliquée même si un recours a été lancé) ou encore de délais trop courts de recours, cinq jours par exemple, et qui empêchent tout recours effectif lors d'une demande d'asile. Face à ces critiques, le secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration s'est engagé à compléter la loi de réforme de la procédure d'asile dans un arrêté royal essentiellement consacré aux garanties que le gouvernement entend préciser pour que soit rencontré le respect à la vie privée. La politique migratoire du ministre nationaliste avait suscité en septembre dernier l'émoi et l'indignation de l'opposition après que Francken ait qualifié, dans un Tweet, de « nettoyage » les opérations de police visant à vider un parc des sans-papiers qui y séjournent à Bruxelles. La déclaration de Francken avait été fustigée par l'opposition et a été même critiquée par des ministres de la famille politique de Francken. Pour calmer la polémique provoquée par ce Tweet, le Premier ministre Charles Michel a en quelque sorte recadré son ministre : « J'ai effectivement donné le message à Theo Francken, je ne pense pas que ce vocabulaire est adéquat dans un tweet qu'il a d'ailleurs corrigé assez rapidement et précisé. Je crois que chacun doit être attentif à être précis dans cette matière-là également« , avait indiqué le Premier ministre. Autre élément fortement contesté de la gestion par le ministre nationaliste du dossier migratoire : le placement dans des centres fermés de migrants en situation irrégulière, dans l'attente de leur retour forcé dans leurs pays respectifs. Imperturbable, Francken a soutenu que « les maisons semi-ouvertes ne fonctionnent absolument pas » et qu' « on voit que presque toutes les familles fuient avant leur rapatriement ». « C'est donc nécessaire d'avoir la possibilité d'enfermer les familles pendant une très courte période, quelques jours avant le rapatriement« , a argué le secrétaire d'Etat à qui on reproche particulièrement d'enfermer des enfants même accompagnés de leurs familles.