Un mini-sommet de crise avant un grand sommet sous tension: les dirigeants d'une dizaine de pays, dont la France et l'Allemagne, vont se réunir dimanche à Bruxelles pour préparer des « solutions européennes » aux questions migratoires qui déchirent l'UE. Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel y retrouveront les dirigeants italien, grec, maltais, espagnol, autrichien, bulgare, belge et néerlandais, invités à la dernière minute par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Cette liste de convives pourrait s'allonger si d'autres pays manifestaient l'envie de s'y joindre, selon la Commission. « Le but de la réunion, qui aura lieu dimanche au siège de la Commission, est de travailler à des solutions européennes en vue du Conseil européen » des 28-29 juin, dont les migrations constitueront l'un des principaux thèmes, selon le chef de l'exécutif européen. Ce n'est qu'une « réunion informelle préparatoire », a souligné une source européenne, prévenant qu'il ne fallait pas en attendre de décisions, celles-ci ne pouvant être prises que lors du sommet à 28 quelques jours plus tard, également à Bruxelles. Le spectre d'un échec plane de plus en plus sur ce sommet, initialement censé être celui d'un compromis des 28 sur la réforme du système d'asile européen dans l'impasse depuis plus de deux ans. Car malgré une chute spectaculaire des arrivées de migrants sur les côtes européennes depuis le « pic » de 2015 – environ 40.000 arrivées depuis début 2018, contre plus d'un million pendant l'année 2015 -, le sujet reste au coeur de fortes tensions entre Européens. Des divergences encore été illustrées par l'errance en Méditerranée de l'Aquarius, ce navire avec 630 migrants à son bord, auquel l'Italie a refusé d'ouvrir ses ports en dénonçant le manque de solidarité de ses voisins européens face à la pression migratoire. Lire aussi :« Migration internationale, Africanité du Maroc et questions de mondialisation », thème d'un colloque à Oujda Les tensions se retouvent au sein même du gouvernement allemand où Mme Merkel fait face à la ligne dure de son ministre de l'Intérieur, qui menace de « refouler » les migrants arrivant aux frontières allemandes faute de solution européenne d'ici à fin juin. Emmanuel Macron a voulu épauler mardi la chancelière fragilisée, en annoncant avec elle qu'ils travaillaient à un accord entre plusieurs pays de l'espace Schengen pour pouvoir effectivement renvoyer tout demandeur d'asile vers l'Etat où il a été enregistré en premier. « Nous ne pouvons pas attendre jusqu'à ce que la catastrophe soit semblable à celle de 2015 », a souligné de son côté mercredi le chancelier autrichien Sebastian Kurz, dont le pays assurera à partir du 1er juillet la présidence tournante du Conseil de l'UE. « Si la discussion en Allemagne a quelque chose de bon, c'est qu'il y a désormais une nouvelle dynamique au plan européen, avec une nouvelle fois une grande opportunité pour que l'UE bouge enfin » dans ce dossier, a estimé ce tenant d'une ligne intransigeante sur les migrations, focalisé sur le renforcement des frontières extérieures de l'Union. Depuis 2015, et malgré la baisse de la pression migratoire, les pays européens n'ont pas réussi à trouver de terrain d'entente sur la manière de se partager le fardeau migratoire. Leur principal point de désaccord concerne la modification du Règlement de Dublin, la législation qui confie principalement la charge d'une demande d'asile aux pays de première entrée dans l'UE, faisant peser un fardeau disproportionné sur des pays comme l'Italie et la Grèce. La Commission européenne propose de le réformer, en instaurant notamment une répartition automatique des demandeurs d'asile dans l'UE en période de crise comparable à celle de 2015. Mais cette proposition est jugée d'un côté insuffisante par les pays méditerranéens, qui souhaitent une répartition permanente, et rejetée frontalement de l'autre par des pays comme la Hongrie et la Pologne, soutenus notamment par l'Autriche. Ces discussions sur l'asile ont peu de chances de se débloquer, mais il y a en revanche désormais un consensus entre Européens sur la nécessité de « renforcer la protection des frontières extérieures ». Lors du sommet des 28-29 juin, les dirigeants européens devraient ainsi convenir d'intensifier le soutien aux gardes-côtes libyens pour lutter contre les passeurs en Méditerranée, et appeler à une coopération accrue avec des pays d'origine et de transit. Ils ont aussi prévu de débattre d'une idée qui suscitait jusqu'ici beaucoup d'appréhensions: la création de « plateformes régionales de débarquement » en dehors du territoire de l'Union pour les migrants secourus en mer, où seraient distingués les migrants économiques de ceux qui ont besoin d'une protection internationale.