Le haut standing, segment pour lequel les délais de vente se sont allongés, est particulièrement visé. L'encours des crédits à la promotion immobilière baisse pour la première fois depuis très longtemps. De plus en plus, la quotité financée par les banques ne dépasse pas les 60% contre 90% il y a quelques mois encore. Les banquiers rassurent, il ne s'agit pas de fermer les robinets mais d'orienter les crédits vers des projets à faible risque. La réaction était inévitable avec les turbulences que traverse le secteur immobilier et qui ont rallongé le cycle de vente des produits. Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al Maghrib et gardien du temple du système bancaire, a, lors d'une réunion avec les président de banques tenue, début novembre écoulé, réclamé «plus de vigilance» de la part des banques commerciales à l'égard du secteur immobilier qui «connaît actuellement quelques soucis surtout dans le segment du haut standing pour lequel plusieurs promoteurs ont des difficultés à écouler leurs stocks», confie une source au sein de la banque centrale. Cette dernière veut surtout inciter les banques commerciales à réduire leur exposition aux risques liés à l'immobilier surtout que ce secteur mobilise aujourd'hui plus de 33% de l'ensemble des créances sur la clientèle. Selon les statistiques du GPBM arrêtées à fin octobre 2009, l'encours des crédits à l'immobilier s'élevait à 171 milliards de DH dont 58 milliards pour la promotion et 113 milliards pour les prêts aux particuliers. De fait, si le risque d'impayés de la part des particuliers demeure contenu dans des proportions raisonnables, c'est surtout les prêts accordés aux bâtisseurs qui nourrissent les craintes. Cela dit, les banques, prenant le pouls du marché, avaient anticipé les mises en garde de leur autorité de tutelle. «Le marché de l'immobilier tourne au ralenti. Maintenir la cadence des crédits équivaudrait pratiquement à un soutien abusif du promoteur. Le bon banquier est celui qui sait encourager son client mais il doit aussi savoir le raisonner lorsque le marché n'est pas propice aux grands projets résidentiels», analyse un haut cadre au CIH. Selon lui, il est tout à fait normal pour les banques de muscler les conditions d'accès au crédit pour certains segments et dans certaines villes pour éviter les impayés. Et ces nouvelles orientations ont fini par se refléter sur les chiffres. L'encours des crédits à la promotion immobilière à fin octobre, tel qu'il ressort des dernières statistiques du Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM), a baissé de manière significative, -5,60%, par rapport à son niveau de fin septembre, alors que même avec le ralentissement de ces derniers mois, il affichait une croissance, certes molle, mais positive. Il est tout aussi vrai que certaines banques, à l'instar de la SGMB (voir encadré), ont procédé à des reclassements techniques faisant passer de gros volumes du crédit à la promotion vers le crédit aux particuliers. Il n'en demeure pas moins que chez les banques qui concentrent le gros volume des prêts, la décélération est bien réelle : l'encours des crédits à la promotion a baissé de -3,62% chez Attijariwafa bank, de -5,44% chez le groupe Banque populaire et de -2,92% chez le CIH (ce dernier avait procédé à un reclassement également mais en mai dernier, sans incidence sur les chiffres actuels).
Selon les banques, les crédits sont orientés vers les segments non touchés par la mévente Mais, attention ! vigilance ne veut pas dire frilosité. «Nous continuons de soutenir le secteur immobilier en finançant les projets fiables ou en orientant les promoteurs vers les segments qui ne souffrent pas de la mévente», poursuit la même source bancaire. Cette solution semble adoptée par la plupart des établissements. Ces derniers assurent qu'il n'est dans l'intérêt d'aucune partie (banque et promoteurs) d'arrêter le financement de l'immobilier. «Il ne faut surtout pas comprendre la vigilance des banques comme un arrêt des financements pour le secteur immobilier puisqu'elles ont également besoin de vendre des crédits aux promoteurs. Mais dans la situation actuelle, nous sommes obligés de soumettre l'accès à ces crédits à des conditions strictes afin d'éviter l'afflux des impayés», justifie le directeur de la promotion immobilière d'une banque de la place. Pour illustrer ses propos, il cite les chiffres correspondant au coût du risque pour le secteur bancaire pour le premier semestre de cette année. En effet, les chiffres semestriels montrent une nette augmentation des dotations nettes de reprise aux provisions pour créances en souffrance. Pour les banques, celles-ci ont quasiment doublé en un an pour atteindre 1,5 milliard de DH, absorbant ainsi 17% du résultat brut exploitation (RBE) contre seulement 9,5%, à fin juin 2008. Des propos corroborés par ce haut responsable du CIH qui reconnaît que le passage à vide du secteur a eu tout de même des effets sur les petits promoteurs notamment ceux qui ne disposent pas d'assise financière suffisante pour amortir le choc de la mévente. Les promoteurs redoutent l'asphyxie du secteur Du côté des promoteurs immobiliers, on reste convaincu que la «frilosité» affichée par les banques depuis plusieurs semaines, et confirmée par leur autorité de tutelle, risque d'aggraver davantage la situation du secteur. «Les conditions de plus en plus restrictives d'accès au crédit sont de nature à nuire considérablement à l'avancement des projets en cours et risqueraient de bloquer les investissements immobiliers à venir», souligne la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Saïd Sekkat, son secrétaire général, explique pour sa part que «s'il est tout à fait compréhensible que le banquier réclame davantage de garanties pour des grands projets d'immobilier résidentiel qui présentent un risque de mévente, cela ne devrait pas entraver le développement des crédits acquéreurs ainsi que les financements des programmes de logement de standing inférieur». En tout cas au niveau des banques, le durcissement des conditions d'accès aux crédits immobiliers est de mise depuis quelques mois et il concerne deux volets essentiellement. Le premier a trait aux garanties exigées par les établissements financiers pour l'octroi du crédit. Ainsi, lorsqu'une banque accepte d'ouvrir un dossier d'investissement pour un projet immobilier, la valeur vénale des biens demandés en garanties (terrains et autres contreparties) est de plus en plus importante. «Il s'agit d'une consigne très stricte que nous sommes obligés de respecter depuis quelques mois. Sinon, c'est le comité des crédits qui nous rappelle à l'ordre», confie le directeur d'une agence bancaire à Casablanca. En plus, selon cette source, même après l'octroi du crédit, les banques exigent un compte-rendu trimestriel de l'activité du promoteur afin de vérifier si les indicateurs de la société (trésorerie, états des ventes) sont conformes aux prévisions ou non. Le second volet concerne l'apport personnel du promoteur qui était généralement de 10 %. Actuellement, il peut atteindre, selon la taille du projet, voire 30 ou 40% du montant global de l'investissement.