Les crédits augmentent beaucoup plus rapidement que les ressources. Des retraits de l'OCP pour le transfert de sa caisse de retraite ont, entre autres, fait baisser les dépôts à terme de 12 milliards de DH en un seul mois Les banques souhaitent une nouvelle baisse de la réserve monétaire. Le secteur bancaire est, depuis quelques mois, en proie à un lancinant problème de liquidité (voir La Vie éco du 4 juillet 2007). Au courant du troisième trimestre, leurs besoins de liquidités se sont établis en moyenne à 11,7 milliards de DH, contre 8,4 milliards pour le trimestre précédent, soit 3 milliards de plus. Naturellement, c'est Bank Al Maghrib qui est intervenu régulièrement par le biais des appels d'offres pour atténuer les tensions sur le marché interbancaire où les taux se sont nettement appréciés dans le sillage de l'augmentation du taux directeur et de la raréfaction des ressources. Durant ces dernières semaines, le prix de l'argent sur ce compartiment du marché monétaire n'a pas fléchi, bien au contraire. A priori, ce problème d'insuffisance de ressources n'a aucun lien avec la crise financière internationale, comme le répètent en chœur Bank Al Maghrib et les patrons des banques qui soulignent tous que le secteur n'a jamais été aussi solide. Mais sa persistance n'en est pas moins inquiétante. Depuis début 2007, les crédits augmentent beaucoup plus rapidement que les dépôts qui constituent la plus grande partie des ressources. «Dans une économie en croissance, il est naturel que les banques soient disponibles pour accompagner les investissements», plaide un haut cadre d'un établissement de la place. Une croissance moyenne très molle… Il reste que leurs concours au profit du secteur immobilier n'ont jamais été aussi élevés et dépassent d'assez loin les crédits d'équipement et à la consommation, réunis (123,5 milliards de DH). A fin octobre, les encours du secteur de la pierre totalisent 136,8 milliards de DH, dont 98,5 milliards pour les particuliers et 38,3 milliards pour la promotion immobilière. Ce dernier poste a progressé de 192% par rapport au même mois de 2007 et de 90% par rapport à décembre. Il est utile de souligner que les banques sont intervenues tant en faveur des opérateurs locaux que pour les étrangers qui n'ont pas trouvé mieux pour se prémunir contre les risques de change et ne se sont pas fait prier pour puiser le maximum de ressources sur le marché domestique. D'ailleurs, au sein des milieux d'affaires, on ne manque pas de pointer les investisseurs étrangers qui, au cours de ces deux dernières années, montent leurs projets avec force dérogations, peu d'apports en monnaie de pays d'origine, des emprunts locaux et, in fine, des sorties nettes de devises sous forme de dividendes. On estime qu'entre 2007 et 2008, ce sont ainsi quelques 40 milliards de DH que le secteur bancaire a prêté à ce genre d'opération. Pour l'heure, le problème le plus visible et certainement le plus préoccupant reste le comportement des dépôts de la clientèle. En octobre, l'encours a reculé de 1 % par rapport au mois précédent. Ce qui confirme la croissance moyenne très molle depuis plusieurs mois, en total décalage avec la frénésie dans l'octroi des crédits. Deux faits nouveaux, assez inédits, sont à relever. Le recul des dépôts relève d'abord d'une chute drastique, d'un mois à l'autre, des dépôts à terme (DAT), dont le montant représente le tiers des avoirs des clients. Au total, ce poste a été vidé de 12 milliards de DH au cours du mois d'octobre. Sur une longue durée, il y a eu certes des dépressions durant certains mois, mais jamais de cette ampleur. Pourtant, les banques ne se sont pas fait de cadeau pour recruter la clientèle. La moyenne des rémunérations pour les contrats à 12 mois s'est fortement appréciée pour se situer autour de 4,20% (voir page 53). Dans le secteur, on impute ce repli significatif des DAT au retrait de liquidités du groupe OCP pour financer le transfert de sa caisse interne de retraite au Régime collectif d'allocation de retraite (Rcar) géré par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). On sait que cette opération doit coûter à l'office 28 milliards de DH et doit être financée à hauteur de 18,6 milliards en fonds propres et de 9,4 milliards par emprunt auprès d'un consortium constitué de l'essentiel des banques de la place. Augmentations de capital et emprunts pour renforcer les fonds propres En principe, une partie de la manne devrait revenir dans le circuit via les placements dans l'immobilier, les titres de créances négociables (TCN) constitués des certificats de dépôts émis par les banques, des bons de société de financement et des billets de trésorerie, ou les actions. La CDG, qui s'était engagée à tout faire pour ne pas assécher le marché, pourrait tout de même drainer de gros montants en prévision de ses multiples projets. Le second élément marquant qui se dégage des dernières statistiques du secteur est que les Marocains résidents à l'étranger (MRE) ont apparemment commencé à se servir sur leurs économies. Le montant de leurs comptes chèques a encore fléchi de 0,46%, à 67,2 milliards de DH.C'est le troisième mois consécutif que ce poste accuse une baisse qui n'est pas compensée par les comptes d'épargne, pourtant en hausse, de la même catégorie de clientèle. Cette évolution défavorable des dépôts MRE qui s'ajoute à la quasi-stagnation des recettes voyages montre que les effets de la crise internationale sont bien palpables. Et dans le court terme, ce n'est pas vers ces directions que regarderont les banques pour collecter des ressources et rabaisser les coefficients d'emplois – on parle d'une moyenne de 80%. La parade consiste plutôt à faire davantage d'effort sur le marché domestique par l'augmentation du taux de bancarisation. Un pari qui n'est pas gagné d'avance eu égard au niveau des revenus. L'autre solution est de tendre la sébile aux actionnaires et au public pour renforcer les fonds propres ou quasi propres et au-delà se mettre en conformité avec les critères très contraignants de Bâles II, notamment en matière de solvabilité. A ce propos, BMCI et Société Générale viennent de procéder simultanément à des opérations d'augmentation de capital. Au total, les deux banques ont collecté auprès de leurs actionnaires 2,25 milliards de DH, dont 1,5 pour la première qui en est à sa deuxième levée de fonds en l'espace de quelques mois et 750 MDH pour la seconde. BMCE Bank qui a bouclé en septembre une opération d'émission de dette subordonnée d'un montant d'un milliard de DH, quelques mois après la sortie d'Attijariwafa bank sur le marché qui a levé le même montant. Mais la véritable bouffée d'oxygène devrait venir de la baisse de la réserve monétaire qui est actuellement de 15% (des ressources) et les banquiers le souhaitent ardemment. Comme les risques inflationnistes s'estompent, Bank Al Maghreb devrait pouvoir lâcher du lest.