La Direction générale des Impôts (DGI) passe à la vitesse supérieure et traque les fraudeurs fiscaux du monde virtuel. Les créateurs de contenu digital ont reçu des notifications pour passer à la caisse. Révélations sur le modus operandi des équipes de la DGI et les enjeux d'un secteur très lucratif où l'opacité est le maître mot. On ne badine pas avec le Fisc. Les fraudeurs fiscaux parmi les créateurs de contenu digital sont désormais dans le collimateur de la Direction générale des impôts (DGI) qui multiplie les contrôles et les redressements. Fini le temps de l'indulgence et de l'attentisme. La traque du Fisc est aujourd'hui mieux outillée et organisée. Selon des sources proches du dossier, plusieurs notifications ont été adressées récemment à des influenceurs et des célébrités du monde virtuel pour déclarer leurs revenus et s'acquitter de leurs impôts. Si la DGI a attendu jusqu'à maintenant pour passer à l'acte, c'est que ce secteur est assez complexe. «Il ne s'agissait pas de laxisme de la part des autorités, mais elles voulaient savoir quelle serait la meilleure façon d'aborder cette problématique d'évasion fiscale. Aujourd'hui, il semble que la Direction générale des impôts dispose d'un plan d'action basé sur des approches et des méthodes avérées», nous confie une source. Cette réflexion d'attaquer les mauvais contribuables parmi les influenceurs ne date pas d'aujourd'hui mais de 2015, date d'arrivée de Omar Faraj à la tête de la DGI. Il avait lancé cette réflexion et des études ont été menées, notamment des benchmarks, pour savoir comment attaquer efficacement ce fléau. Aujourd'hui, le fisc est mieux outillé et dispose de toutes les informations nécessaires pour contrôler au mieux les mauvais contribuables, notamment en croisant les données avec ceux de la Conservation foncière, du circuit bancaire, de l'Office des changes... D'autant plus que la pression budgétaire et la crise économique poussent les autorités à innover en termes d'élargissement de l'assiette fiscale, surtout lorsque l'on sait que les revenus issus du digital sont colossaux. Et le manque à gagner sur le plan fiscal peut facilement atteindre des dizaines de millions de dirhams. Un manque à gagner énorme «Le manque à gagner pour le Fisc est effectivement important. Beaucoup de créateurs de contenu sur internet gagnent énormément d'argent et ne déclarent pas leurs revenus. C'est injuste. Maintenant, face au vide juridique de ce secteur, la Direction des impôts recourt à ce qu'on appelle la situation d'ensemble pour évaluer les revenus des influenceurs», nous déclare le fiscaliste Mohamed Rahj. En attendant un statut juridique et fiscal adapté à cette catégorie de professionnels, le Fisc recourt en effet à cette méthode en vérifiant si les revenus des influenceurs sont compatibles avec leur train de vie. Grâce notamment à leurs publications sur les réseaux sociaux, les inspecteurs du Fisc disposent d'une idée plus ou moins proche de la valeur des biens matériels des influenceurs (voitures, résidences principale et secondaire, montres, bijoux, vacances et séjours au Maroc et à l'étranger...). Et le moins que l'on puisse dire c'est que certains influenceurs leur facilitent la tâche en étalant à longueur de journée leurs richesses et leurs voitures et propriétés luxueuses. Selon notre interlocuteur, c'est sur la base de ces informations que le Fisc vérifie les revenus déclarés des influenceurs, la grande majorité ne les déclarant pas et ceux qui jouent le jeu les sous-déclarent. Redressements, pénalités, amendes... Les autorités ont d'ailleurs attribué des identifiants fiscaux à ces créateurs de contenu, selon notre source. Si ces derniers ne s'acquittent pas de leurs obligations fiscales, le Fisc le fait à leur place en se basant sur des estimations en plus de pénalités et d'amendes, poursuit notre interlocuteur. «Je ne suis pas contre ces contrôles fiscaux, mais je pense qu'il faut aussi s'activer dans la pédagogie. Il faut sensibiliser les créateurs de contenus et créer un statut spécial pour eux, tout en leur accordant un délai de grâce pour se conformer à la législation», nous déclare Mohamed Rahj. Sur un autre registre, le Fisc s'intéresse également à l'évasion fiscale de quelques influenceurs très réputés, qui ont créé des comptes offshore dans des paradis fiscaux. La traque est ainsi lancée sur tous les fronts, mobilisant des moyens importants par la Direction générale des impôts. Le temps de l'impunité est révolu. Gare aux fraudeurs du digital !