La DGI a effectué 1569 missions de contrôle chez cette population contre 570 en 2017 ! Ils génèrent moins de 5% aux recettes de l'IR professionnel contre 75% pour les salariés. Les personnes physiques soumises à l'IR professionnel paient en moyenne 24 800 DH par an. L'étau se resserre autour des professions libérales. «En 2018, nous avons intensifié nos missions vis-à-vis des personnes physiques exerçant une activité professionnelle pour les pousser à plus de conformité fiscale», affirme sans ambages Omar Faraj, directeur général des impôts. Cette année, ses agents vérificateurs ont mené 1 569 missions de contrôle chez cette population contre 570 en 2017, soit trois fois plus ! Sur les 6 900 contrôles effectués globalement par l'Administration fiscale en 2018, selon les chiffres fournis par la direction du contrôle de la DGI en exclusivité à La Vie éco, l'effort en direction des professionnels est très palpable, malgré les protestations. «Nous ne faisons que notre travail dans le respect total de la loi et du Code général des impôts», rétorque le patron de la DGI. «Nous sommes déterminés à lever une iniquité fiscale qui a trop duré et qui est connue de tous. C'est un vrai problème non pas seulement de recettes fiscales mais de pacte social», ajoute-t-il. Pour lui, il n'est pas tolérable que des opérateurs qui gagnent parfois 10 fois plus que les salariés paient 6 ou 8 fois moins d'impôts que les salariés. D'après les données de la DGI, ces derniers dont l'impôt est prélevé à la source, contribuent à hauteur de 75% à l'IR quand les professionnels, à système déclaratif, pourvoient moins de 5% des recettes. Le reste étant apporté par l'impôt sur les profits fonciers. «En multipliant les contrôles, nous nous assurons de plus en plus que tout le monde passe à la caisse», relève le patron du fisc. De cette manière, la pression fiscale sur les salariés va baisser substantiellement. Il est temps. En effet, parmi les salariés du secteur privé (3,5 millions), la moitié s'acquitte de l'impôt, l'autre étant hors champ car percevant le SMIG ou moins. La population des personnes physiques soumises à l'IR professionnel s'élève à 191 511. Sur les 93 283 personnes qui déclarent, 75 683 paient l'IR professionnel. La contribution moyenne est de 24 800 DH par an, soit un impôt mensuel de près de 2000 DH. Autrement dit, à peine la moitié déclare ses revenus, et pas plus de 40% paient l'impôt. A considérer la population totale soumise à l'IR professionnel – il peut y avoir des radiés-, le montant moyen de la contribution annuelle tombe à 9 800 DH au lieu de 24 800 DH. Le système d'information permet de procéder à des recoupements plus précis Pour le fisc, cette volonté de faire baisser la pression fiscale passe forcément par l'élargissement de l'assiette fiscale. En termes chiffrés, rien que sur cette niche des professionnels, sans parler des déficitaires chroniques de l'IS et des faux bénéficiaires de la TVA, le manque à gagner est énorme. A en croire les données de la DGI, sur les 40 milliards de DH de recettes globales de l'IR, les professionnels apportent aujourd'hui 1,9 milliard de DH, soit 4,6% seulement du total. Dans le scénario le plus pessimiste, l'IR professionnel doit rapporter plus de 7 milliards de DH par an. Autrement dit, ce sont plus de 5 milliards de DH qui s'évaporent chaque année. Omar Faraj est catégorique: si l'on arrive aujourd'hui à mieux suivre la matière imposable, c'est grâce à l'évolution du système d'information de la DGI, explique-t-il en substance. «2018 est une année historique qui marque une petite révolution dans notre manière de faire. Notre architecture informatique est arrivée à maturité et permet désormais d'extraire toute la data souhaitée et de planifier une nouvelle génération de contrôles plus ciblés et avec un rendement meilleur», détaille M.Faraj qui souligne au passage que les SI de son administration sont aux standards internationaux. Aujourd'hui, les agents vérificateurs ont les moyens de reconstituer une partie du chiffre d'affaires des professionnels quels que soient leur secteur d'activité et leur métier. «Nous estimons la différence en se basant sur des données de référence et des recoupements», confie le patron de la DGI. A côté de cela, le fisc dispose de plusieurs éléments et données sur les dépenses et le patrimoine de ces contribuables, notamment via les informations émanant des bases de données des autres institutions. Par exemple, pour les médecins dont une bonne partie travaille au quotidien avec la CNSS et la CNOPS, le travail de reconstitution est facile et le système fournit une monographie à 360° sur l'assujetti. Un autre exemple est celui des revenus fonciers. Depuis 2015, l'administration fiscale a la main pour accéder à une base de données exhaustive de toutes les transactions immobilières. Le fisc s'étant allié à l'Agence nationale de la conservation foncière, de la cartographie et du cadastre (ANCFCC). A travers un accord-cadre de coopération, les deux administrations partagent leur système d'information et leur base de données pour «réprimer les différentes formes de fraude». Tous les contribuables vont passer à la caisse Dans la pratique, les missions de vérifications sont souvent décrétées suite à une simple constatation, par exemple une discordance entre revenus annuels et investissements ou entre activité et revenus. Dans d'autres cas de figure, c'est le système d'information recoupant désormais plus d'une centaine de critères et différents identifiants (carte d'identité, RC, ICE, patente,...) qui met les agents du fisc sur la piste des fraudeurs. «Cette année, la liste des indicateurs de dépenses personnelles retenus dans le cadre de l'examen de la situation fiscale du contribuable a été élargie», informe-t-on à la DGI. Cette liste comprend les dépenses à caractère personnel supportées par le contribuable pour son propre compte ou celui des personnes à sa charge. Son détail sera fixé par circulaire. Dans le même sens, le fisc peut dorénavant appréhender aisément la matière imposable grâce à l'élargissement de la télé-déclaration à certaines catégories de particuliers. Ceci permet de plus en plus de réduire le périmètre de l'évasion fiscale de cette population. Récemment, la déclaration en ligne du revenu global au titre de l'impôt sur le revenu a été ouverte aux personnes physiques qui perçoivent des revenus fonciers, deux salaires (ou plus) ou deux retraites versés par des employeurs ou débirentiers différents, ou un revenu de source étrangère (pension de retraite, salaire, etc.). Le contribuable doit ainsi disposer d'un compte fiscal électronique personnel qui, indirectement, permet à l'administration de connaître à tout moment ses revenus et sa situation fiscale. De même, la dématérialisation des demandes d'attestation et des réclamations va dans ce sens. Cela ne veut pas dire pour autant que la DGI détient la vérité absolue, «le système peut se tromper sur des dossiers», reconnaît M.Faraj. Le cas échéant, les dossiers sont classés après rectification. Le patron du fisc rappelle néanmoins que les temps ont véritablement changé. «L'exploitation de données très précises et ciblées avec une démarche scientifique débouchent sur des vérifications efficaces et feront en sorte que tout le monde passera à la caisse», promet-il. «Ce n'est pas une affaire de la DGI, puisqu'il y va clairement de l'équilibre social. Cela doit être une affaire de tous les Marocains», conclut-il. [tabs][tab title ="Le commerce de gros et les promoteurs immobiliers dans la ligne de mire"]Le message est clair : le management de la DGI est décidé à en finir avec les niches de fraudes fiscales. Après les professions libérales, c'est autour des opérateurs du commerce de gros et de la promotion immobilière que la vigilance va se tourner. «Nous y arriverons très bientôt», annonce M.Faraj. En plus de ces secteurs, les faux forfaitaires seront également dans le viseur de la DGI. Dans cette catégorie, on dénombre des milliers d'épiciers, de petits magasins de services, des réparateurs, des garagistes et des artisans qui seront ciblés par les missions de vérifications très prochainement. Selon les estimations de l'Administration fiscale, dans cette population de 800 000 contribuables, il existe plus de 100 000 qui sont de faux forfaitaires. En mars 2018, la DGI a émis une note fixant les grandes actions de sa politique de contrôle. Elle y explique que dans le cadre de son action contre la fraude et l'évasion fiscale, elle s'attellera dorénavant à contrôler des opérateurs bien précis qui présentent un potentiel de recouvrement de matière fiscale. A commencer justement par les professionnels "personnes physiques" à faible contribution fiscale. A ceux-ci s'ajoute le contrôle des entreprises indûment déficitaires (tous les cas de déficit feront l'objet de contrôle qui peut aller au-delà de l'entreprise et prendre la forme d'un examen de l'ensemble de la situation fiscale de l'exploitant, l'associé ou l'actionnaire), et des «faux bénéficiaires» de la cotisation minimale. Enfin, le dispositif visera les fraudeurs à la TVA qui figurent aussi dans le viseur des contrôleurs.[/tab][/tabs]