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Interview exclusive du directeur général des Impôts : Les révélations de Noureddine Bensouda
Publié dans Challenge le 02 - 01 - 2009

Contrôle fiscal, redressement… Des mots qui font trembler les personnes physiques ou morales qui cherchent à tromper le Fisc. Ne disposant que de peu de moyens, l'administration des Impôts recourt à un ciblage particulier. Cette politique la pousse à traiter aussi bien les grands que les petits dossiers. Mais elle reste quand même assez sélective. C'est qu'en matière de contrôle, la Direction Générale des Impôts (DGI) doit s'adapter à son environnement. Elle ne doit aller ni moins vite ni plus vite. Les fraudeurs sont traqués. Mais à l'évidence, beaucoup d'entre eux s'en sortent plutôt bien. Ils ne sont pas encore inquiétés parce que les contrôleurs n'arrivent pas à leur mettre la main dessus (leur tour devrait par contre arriver un jour). Toutes les entreprises ne sont pas enclines à payer leurs impôts. Mais le Fisc essaie malgré tout de maintenir le cap. Pour détecter les fraudeurs, il dispose de plusieurs cordes à son arc. Par exemple, une entreprise ne peut rester en état déficitaire trop longtemps, sinon, elle fermerait. Si elle est toujours en activité, c'est qu'il y a une incohérence qu'il faut corriger. L'administration fiscale se charge alors de creuser davantage dans les comptes de cette entreprise pour comprendre ce qui se passe réellement. Mais attention, le Fisc n'ira pas fouiner partout. Car s'il estime qu'une entreprise ne parvient pas à s'en sortir pour les bonnes raisons, qu'elle est en difficulté, alors, il la laissera «tranquille». Son but n'est pas de l'enfoncer mais plutôt qu'elle poursuive son activité sans en précipiter la chute. C'est pour cela que l'administration fiscale choisit ses «clients». Plus les personnes, physiques ou morales, seront dans une situation confortable, plus ils auront de chance de voir débarquer le Fisc tout en essayant d'agir en bonne conjoncture. Le Fisc est un gendarme qui essaie de réguler le marché. L'équité fiscale est de mise. Chacun doit payer en fonction de ce qu'il gagne. C'est pour cette raison que l'impôt sur le revenu est un impôt personnalisé qui dépend de la situation de chacun (célibataire, enfants à charge…). Plus vous gagnez, plus vous devez payer en termes de taux effectif : «pay as you earn». Quant à l'Impôt sur les sociétés, il est proportionnel. A ce niveau, où en est finalement le projet d'intégration de l'informel au formel? Selon les informations que nous avons recoupées auprès de plusieurs responsables de départements ministériels, les pouvoirs publics sont en train d'identifier la population cible. Avec la floraison rapide de quartiers opérant dans l'ombre dans de grandes villes, il n'est pas chose aisée pour le Fisc de rattraper ceux qui se cachent. Mais à y regarder de plus près, sachez que plusieurs acteurs des secteurs informels payent indirectement les impôts à travers la taxe intérieure de consommation. Avec 4.300 personnes réparties sur l'ensemble du territoire, l'administration fiscale n'a finalement d'autre choix que de procéder par ciblage. C'est par rapport à tous ces éléments que nous avons interpellé le patron du Fisc. Dans cette interview exclusive, Noureddine Bensouda répond aux questions que se posent la plupart des patrons d'entreprises et les personnes physiques.
Challenge Hebdo : qui paie les impôts au Maroc ?
Noureddine Bensouda : Au Maroc, l'impôt est payé par les sociétés et par les personnes physiques, à l'instar des autres pays disposant d'un système fiscal moderne. Selon la Constitution, chacun paie en fonction de ses facultés contributives. Cette contribution permet de financer les dépenses publiques de la collectivité et consacre le principe de solidarité. Il n'y a pas longtemps, la contribution des personnes physiques aux recettes générées par les impôts était plus importante que celle des personnes morales. Cette tendance s'est inversée aujourd'hui et les entreprises commencent à payer davantage que les personnes physiques. Ce changement est dû, entre autres, à la croissance économique, à la diminution des exonérations fiscales mais aussi à la forte volonté du Gouvernement de faire baisser la pression fiscale. Depuis lors, les recettes fiscales augmentent d'année en année et les prévisions de recettes fixées au début de chaque exercice sont réalisées, voire dépassées. A titre d'exemple, les sociétés ont versé en 2007 pour 30,5 milliards de DH et les personnes physiques pour 27,7 milliards de DH au titre de l'impôt sur le revenu. Les contribuables commencent à mieux comprendre le rôle de l'impôt. Autrement dit, le citoyen perçoit qu'il y a une utilisation judicieuse des ressources publiques.
C. H. : qui ne paie pas ses impôts ? Est-il vrai que
63 % des entreprises qui déclarent leurs résultats sont déficitaires ?
N. B. : en effet, la part des entreprises déficitaires est de l'ordre de 64%. Ce pourcentage est cependant à nuancer. Parmi ces entreprises, certaines accusent effectivement un déficit réel. C'est le cas par exemple des sociétés nouvellement créées qui peuvent se trouver au début de leur activité dans cette situation. Par contre, d'autres entreprises existant depuis des années déclarent de manière délibérée des résultats déficitaires. Celles-ci sont à ranger dans la catégorie des «faux déficitaires». Elles ne paient par conséquent que la cotisation minimale sur le chiffre d'affaires déclaré.
C. H. : l'administration fiscale est donc consciente
de ce phénomène. Quelle est la part de ces entreprises «fraudeuses» dans ces 64% déclarant des déficits ?
N. B. : il est aujourd'hui difficile d'indiquer avec exactitude quel est leur nombre. Seul le contrôle fiscal peut faire la part des choses entre les entreprises qui sont vraiment déficitaires et celles qui ne le sont pas. Parfois, une entreprise créée depuis des années peut se retrouver en situation de déficit en raison d'un retournement de conjoncture.
C. H. : est-ce à dire que finalement, ces entreprises ne doivent pas être inquiétées ?
N. B. : absolument pas. La mission de la Direction Générale des Impôts est justement d'établir une équité fiscale. Toutes les entreprises doivent s'acquitter de leurs impôts et l'administration est constamment mobilisée pour lutter contre la fraude fiscale.
C. H. : comment détectez-vous les fraudeurs ?
Un programme de vérifications fiscales est-il fixé
à chaque début d'année ?
N. B. : l'élaboration des programmes de vérification est un processus conçu en fonction de critères significatifs dégagés par une démarche d'analyse risque qui s'appuie sur plusieurs éléments : des ratios de rentabilité (ainsi, une entreprise dont la contribution fiscale ne dépasse pas 0,5% d'un chiffre d'affaires en progression continue, est considérée comme présentant un risque fiscal), une marge nette qui ne reflète pas la tendance de la branche d'activité, un historique de comportement fiscal présentant des irrégularités fréquentes, des analyses sectorielles renseignant sur les secteurs dont la contribution dans le PIB n'est pas en rapport avec leur contribution fiscale.
C. H. : qu'est-ce qui vous pousse finalement à choisir telle ou telle société ou personne physique à contrôler ?
N. B. : l'intervention de l'administration fiscale s'adapte à la réalité économique et sociale. Lorsque des secteurs sont en difficulté, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Le but est que l'entreprise poursuive son activité et non pas de précipiter sa chute. C'est pour cela que le contrôle s'oriente davantage vers des entreprises ou des personnes physiques qui ne connaissent pas de difficultés. La démarche de l'Etat est de soutenir l'économie. Elle n'est pas uniquement une démarche financière.
C. H. : et qu'en est-il de la fiscalité internationale ?
N'y trouvez-vous pas aussi à ce niveau quelques
irrégularités ?
N. B. : effectivement, quelques irrégularités ont été relevées au niveau des transferts de bénéfices de certaines multinationales. Elles peuvent, par exemple, augmenter les charges de leurs filiales de droit marocain par le biais de l'assistance technique. D'ailleurs, l'administration a déjà contrôlé certaines de ces firmes et a procédé à des redressements sur les prix de transferts. C'est une fraude très élaborée pour essayer de réduire l'impôt devant être payé au Maroc.
C. H. : pensez-vous avoir les moyens humains et
financiers pour opérer les contrôles ?
N. B : le législateur a doté l'administration fiscale d'instruments légaux pour lutter contre la fraude. Cependant, elle ne dispose pas de suffisamment de moyens pour réaliser tous ses objectifs. Il faut savoir que l'économie va plus vite que la fiscalité, dans le sens qu'il existe un décalage entre le moment où une entreprise est créée, où elle commence son activité et l'intervention du Fisc. Dans ce contexte, l'administration dont l'effectif ne dépasse pas 4.300 fonctionnaires n'a d'autre choix que d'opérer par ciblage.
C. H. : ces derniers temps, vous avez ciblé des secteurs comme l'immobilier et les professions libérales. Quelles sont les activités que vous viserez en 2009 ?
N. B. : l'approche est très simple. La carte fiscale devrait refléter la carte économique. Lorsqu'il y a un décalage entre les performances économiques d'un secteur et le niveau de ses contributions, il faut chercher l'origine de l'incohérence. Il est anormal par exemple qu'une entreprise donnée paye ses impôts pendant que sa concurrente n'en fait pas de même.
C. H. : les promoteurs immobiliers sont convaincus que leur secteur est dans le viseur de la DGI, eu égard au fait que leur activité connaît une certaine
effervescence. Est-ce vraiment le cas ?
N. B. : le secteur immobilier connaît depuis
quelques années un dynamisme important qui produit des effets d'entraînement sur l'ensemble de l'économie. Cet élan s'est accompagné d'une volonté manifeste des opérateurs d'imprimer une plus grande transparence dans les transactions immobilières. A ce titre, nous saluons l'initiative de l'élaboration d'une charte d'éthique ainsi que l'amélioration de l'adhésion des promoteurs immobiliers à cet élan perceptible, notamment à travers le nombre de déclarations rectificatives souscrites dernièrement. A l'instar des autres secteurs économiques, le secteur immobilier fait l'objet d'un suivi de la part de la direction Générale des Impôts dans l'objectif de réguler les niveaux de contribution fiscale du secteur eu égard à son poids et à ses performances économiques.
C. H. : l'effervescence du marché immobilier se traduit-elle suffisamment dans les recettes fiscales ?
N. B. : justement, la DGI, dans son rôle de régulation, a pu relever que la contribution fiscale du secteur ne reflétait pas son dynamisme de ces dernières années. L'intervention de l'administration se fait toujours dans un esprit d'adaptation à l'environnement tout en veillant à accompagner et à soutenir les efforts d'amélioration enregistrés par les opérateurs du secteur. D'ailleurs, des augmentations sensibles ont été constatées, notamment au plan de leur contribution au titre de l'impôt sur les sociétés qui a progressé de 55% en 2007 par rapport à 2006 et au niveau de la TVA, qui s'est accrue de 30% pour la même période.
C. H. : vous avez décidé de combattre la pratique du noir dans le secteur immobilier. Pensez-vous que l'article 65 du livre d'assiette et de recouvrement, entré en vigueur le 1er janvier 2007, parviendra à décourager les promoteurs à recourir à cette
pratique?
N. B. : il y a lieu de préciser que cette disposition consiste à prendre comme prix de référence chez le vendeur au titre de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu et de la TVA, le prix qui a été redressé chez l'acheteur au titre des droits d'enregistrement ou de livraison à soi-même en matière de TVA sur les constructions, et sur lequel il a acquitté les droits dus. Il faut dédramatiser cette mesure, sachant qu'elle ne peut être mise en œuvre que dans le cadre d'une procédure contradictoire avec toutes les garanties prévues par la loi. D'ailleurs, ce dispositif est une réponse concrète du législateur à la forte attente du citoyen et à la volonté de l'Etat d'assurer la transparence dans ce secteur.
C. H. : les promoteurs immobiliers estiment que vous avez introduit une disposition très dangereuse pour leur profession. Il s'agit de l'article 105 de l'IS, qui permet à vos hommes de procéder à un rapprochement entre les signes extérieurs de richesse des dirigeants et les performances déclarées au fisc. Qu'est-ce qui vous a motivé ?
N. B. : cette disposition, prévue aux articles 29 (ex-article 105 de l'Impôt général sur le Revenu et l'article 216 du Code général des Impôts), n'est pas nouvelle. Elle a été introduite par la loi de finances pour l'année 1993. Elle ne concerne pas uniquement les promoteurs immobiliers mais l'ensemble des contribuables. Elle consiste à comparer les dépenses engagées par un contribuable au cours d'une année donnée aux montants des revenus déclarés lors d'un examen de l'ensemble de sa situation fiscale. La loi précise les dépenses concernées, dont les frais afférents à la résidence principale et secondaire, les remboursements du principal et intérêts de prêts, les acquisitions de valeurs mobilières etc. Le contribuable peut justifier ses ressources par tout moyen de preuve. L'administration, quant à elle, peut évaluer le revenu d'un contribuable qui n'est pas en rapport avec ses dépenses. Cependant, elle ne peut le faire que dans le cadre d'une procédure contradictoire qui garantit les droits des contribuables.
C. H. : vous êtes un fervent défenseur de la suppression des incitations. Pensez-vous qu'il soit possible qu'un jour, vous arriviez à les bannir complètement ? Vous fixez-vous un délai pour les supprimer toutes?
N. B. : le gouvernement a une stratégie claire en la matière. Grâce à l'amélioration continue des recettes fiscales, plusieurs réformes ont pu être menées, notamment celle de l'impôt sur le revenu en 2009, pour un coût de 5,1 milliards de DH. L'ensemble des intervenants devraient être satisfaits des résultats positifs réalisés. Il ne faut pas perdre de vue que la suppression de telle ou telle incitation spécifique est dans l'intérêt général. Chaque année, des mesures sont proposées. Certaines sont adoptées et le système fiscal se modernise progressivement. C'est l'essentiel. Il est clair qu'il n'existe pas de système idéal, mais le plus important est de penser à long terme. Quant au timing auquel vous faites référence, il est plutôt politique.
C. H. : pour supprimer une incitation, vous procédez ainsi: vous proposez la mesure, les opérateurs concernés la refusent. A force de négociations, vous parvenez à un accord. Elle est reportée pour l'année suivante ou celle d'après. Les professionnels sont satisfaits. A échéance, ils oublient que la mesure va être appliquée. Est-ce votre tactique?
N. B. : l'administration a le devoir de mettre en œuvre la politique gouvernementale. Les propositions de mesures fiscales qui émanent de différents acteurs sont étudiées sur le plan technique et examinées par le Gouvernement en fonction des réalités socio-économiques du pays. Dès lors qu'elles sont adoptées par le Parlement, l'administration se charge de les mettre en application.
C. H. : vous êtes en train de réformer la fiscalité à coup de «mesurettes». Qu'est-ce qui vous empêche d'opter pour une refonte profonde et globale tant demandée par les économistes et les professionnels ?
N. B. : vous faites bien de poser cette question. En dépit des simplifications, la fiscalité demeure un domaine assez complexe. Il arrive que certains acteurs ne maîtrisent pas les textes dans le détail. Cela a été le cas, par exemple, cette année avec la proposition d'exonérer les médicaments anti-cancéreux. Disposition qui existe déjà mais dont le texte faisait référence à un certain nombre de rubriques tarifaires dans la nomenclature douanière, références qui ont été
supprimées cette année pour élargir le champ de la mesure. Concernant la réforme, il est important de rappeler qu'en 2004, les droits d'enregistrement ont été refondus ; en 2005, la réforme de la TVA a été engagée ; en 2007, la fiscalité d'Etat a été codifiée avec l'entrée en vigueur du code général des impôts ; l'année 2008 a connu la mise en œuvre de la nouvelle loi sur la fiscalité locale et la baisse des taux de l'impôt sur les sociétés. Enfin, la réforme de la vignette a été proposée dans le projet de loi de finances pour l'année 2009, ainsi que la révision du barème de l'impôt sur le revenu. Le gouvernement a pratiquement réformé tous les impôts.
C.H. : la CGEM a clairement défendu une baisse drastique de l'impôt sur les sociétés autour de 20% avant d'opter pour un taux à la carte. Pourquoi ne pas avoir répondu favorablement à ses doléances ?
N. B. : tout d'abord, le tissu économique marocain est constitué à 98% d'entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 50 millions de DH. En prenant en compte cette situation, le Gouvernement a suivi une politique fiscale de baisse progressive et générale des taux d'imposition.
Ainsi en 2008, le taux de l'impôt sur les sociétés a baissé de 35% à 30% et de 39,6% à 37% pour le secteur financier. En 2009, le taux marginal de l'impôt sur le revenu va baisser de 42 à 40% ainsi que les taux des autres tranches. Le seuil exonéré sera relevé de 24.000 à 28.000 DH. Quant à l'imposition de la consommation, Monsieur le Premier ministre a annoncé une réduction progressive du taux de la taxe sur la valeur ajoutée à 18%. Toutefois, le Gouvernement a opté pour le renforcement du capital des petites et moyennes entreprises (moins de 50 millions de DH de chiffre d'affaires) à travers un dispositif incitatif dans le projet de loi de finances 2009. Ainsi, ces entreprises bénéficieront d'une réduction de l'impôt sur les sociétés ou de la cotisation minimale égale à 20 % du montant de l'augmentation du capital qui sera réalisée entre le 1er Janvier 2009 et le 31 décembre 2010. De même, un droit fixe d'enregistrement de 1.000 DH pour l'augmentation de capital a été institué en faveur de ces entreprises au lieu du droit proportionnel de 1%.
C. H. : certaines personnes qui préconisent un taux de
20%, à l'image de l'Irlande par exemple, doivent donc
déchanter ?
N. B. : ces personnes comparent le Maroc à un pays où tout le monde paie ses impôts. La comparaison des taux en eux-mêmes n'est pas significative si nous ne tenons pas compte des bases sur lesquelles ces taux s'appliquent ; la fiscalité, c'est à la fois des taux et des bases. Les pays de l'Union Européenne essaient depuis des années d'harmoniser l'impôt sur les sociétés et ne sont pas parvenus à unifier leurs bases d'imposition. En outre, les taux de fiscalisation dépendent également de la nature du tissu économique.
C. H. : et concernant l'IR ?
N. B. : la baisse de l'impôt sur le revenu s'inscrit dans le cadre des hautes directives de Sa Majesté contenues dans ses discours prononcés le 30 juillet 2008, à l'occasion du 9ème anniversaire de l'accession du Souverain au Trône et celui du 20 août 2008, pour le 55ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, et dans lequel il réaffirme sa Volonté de «mettre en œuvre les mécanismes législatifs et institutionnels pour renforcer le pouvoir d'achat des catégories défavorisées et des classes moyennes » et d' «accroître les capacités de création d'emploi. » Ainsi, 330.000 personnes vont être exonérées grâce notamment au relèvement du seuil exonéré de 24.000 à 28.000 DH. De même, toutes les tranches intermédiaires et les taux correspondants ont été modifiés dans le sens de la baisse de la charge fiscale. En même temps, le taux marginal d'imposition a été réduit de 42% à 40% applicable aux tranches supérieures à 150.000 DH. Parallèlement, les salariés vont bénéficier d'un abattement au titre des frais professionnels plus important avec le relèvement du taux de ces frais de 17% à 20% plafonnés à 28.000 DH au lieu de 24.000 DH actuellement. Par ailleurs, permettez- moi de vous signaler que le montant de la réduction pour charge de famille sera fixé à 360 DH au lieu des 180 DH de réduction par personne à charge, qui n'a pas varié depuis l'institution de l'Impôt Général sur le Revenu en 1990. Pour bénéficier de cette réduction, les formalités administratives ont été simplifiées. Ainsi, les familles ne seront plus tenues de justifier que leurs enfants qui ont moins de 25 ans poursuivent leurs études. Vous conviendrez que toutes ces améliorations au niveau de l'impôt sur le revenu vont dans le sens d'une baisse effective de la charge fiscale qui pèse sur les classes moyennes. Et à titre d'exemple, un salarié qui a un revenu mensuel brut de 10.000 DH aura un gain en revenu de 5,9 %, soit 425 DH par mois. Son taux d'imposition effectif sera de 12,5% à partir de janvier 2009 au lieu de 16,8% actuellement. Sachez qu'en matière de finances publiques, les efforts de baisse de la charge fiscale dépendent des impératifs des dépenses publiques. Ainsi, toute réforme doit s'inscrire dans l'ordre du possible. Toutes ces avancées ont été obtenues grâce à l'amélioration des recettes de ces dernières années, notamment celles de l'impôt sur les sociétés qui pour la première fois en 2007 ont dépassé celles de l'impôt sur le revenu.
C. H. : il existe d'autres impôts, comme celui sur
l'héritage ou sur la succession que vous pouvez
instaurer pour augmenter les recettes. Pourquoi finalement ne les appliquez-vous pas?
N. B. : sur le plan du rendement, il a été constaté que dans les pays où les impôts sur les successions sont instaurés, la part de ces taxes dans l'ensemble des recettes fiscales n'est pas très significative. De plus, ils sont en train de les diminuer ; c'est le cas de la France en 2008. Sur le plan politique, ces mesures servent souvent à montrer que les plus riches paient davantage que les pauvres. Au Maroc, nous avons mis beaucoup de temps à mettre en place les quatre principaux impôts : l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, la taxe sur la valeur ajoutée et les droits d'enregistrement. Il s'agit aujourd'hui de bien les gérer et de faire en sorte que tout le monde déclare la totalité de ses revenus et s'acquitte de ses impôts. Cela serait déjà très appréciable. Il en va de même pour la fiscalité locale dont la réforme a réduit le nombre de taxes locales pour plus d'efficacité.
C. H. : d'après les statistiques, les recettes continuent à bien se comporter. Pourtant, cela n'empêche pas les membres du Haut Commissariat au Plan d'être sceptiques quant à l'avenir de leur évolution. Ils sont inquiets car la tendance peut se renverser.
Partagez-vous cet avis ?
N. B. : jusqu'à présent, les recettes fiscales ont toujours été au rendez-vous. Elles ont progressé de près de 21,4% en 2007. Cette année encore, la hausse devrait avoisiner les 30%. Dans la conjoncture actuelle, ce sont des résultats rassurants. Les prévisions élaborées pour l'année 2009 ont tenu compte des éléments exceptionnels de l'année 2008 ; elles sont assez prudentes. Nous verrons ensuite ce que nous réservera l'avenir mais nous restons quand même optimistes et faisons de notre mieux pour mobiliser les ressources avec sérénité.
Les critères sur lesquels la DGI se base pour contrôler
Tout le monde se pose la question de savoir quels sont les critères et les indicateurs sur lesquels se fondent la Direction Générale des Impôts pour sélectionner des dossiers soumis à vérification. En fait, l'élaboration des programmes de vérification est un processus conçu en fonction de critères significatifs dégagés par une démarche d'analyse risque qui s'appuie sur des ratios de rentabilité (une entreprise dont la contribution fiscale ne dépasse pas 0,5% d'un chiffre d'affaires qui évolue favorablement, est considérée comme présentant un risque), de la marge nette (qui ne reflète pas la tendance de la branche d'activités), de l'historique du comportement fiscal présentant des irrégularités fréquentes, et des analyses sectorielles renseignant sur les secteurs dont la contribution dans le PIB n'est pas en rapport avec leur contribution fiscale.
La circulaire du Code
général des Impôts pour 2009
Les chefs d'entreprise et les experts-comptables s'impatientent toujours pour la circulaire d'application du code général des impôts qui doit fixer toutes les modalités pratiques d'application des dispositions fiscales. Ce retard s'explique du fait que toutes les parties concernées doivent se mettre d'accord sur l'ensemble du texte. C'est une œuvre collective qui mobilise l'administration et ses partenaires notamment la CGEM, l'Ordre des experts-comptables, les comptables agréés, l'ANMA et la Chambre des Notaires. Ce document, qui compte près de 1.400 pages, a fait l'objet, pour la seule année 2008, d'une vingtaine de séances de travail avec l'ensemble des partenaires en vue de valider les propositions de l'administration. D'ailleurs, les discussions se poursuivent. «Le document sera prêt au courant de 2009», précise Noureddine Bensouda.
Comment les inspecteurs des Impôts sont-ils évalués?
Certaines sources n'hésitent pas à répondre que les inspecteurs des impôts seraient appréciés en fonction du montant des redressements. Ce n'est pas le même son de cloche ressenti auprès de la DGI. Le fisc apprécie ses ressources humaines sur la base du professionnalisme, du rendement, de la qualité des relations humaines vis-à-vis des citoyens et en interne, de l'implication dans l'accomplissement des missions de la DGI, telles que les heures supplémentaires ou la participation aux différents travaux en cas de forte affluence notamment lors des grandes échéances fiscales… « Je saisis cette occasion pour rendre hommage aux efforts déployés par l'ensemble des ressources humaines de la DGI qui, malgré la forte réduction des effectifs, ont permis de réaliser des performances importantes et soutenues et de prendre en charge le recouvrement», confie Noureddine Bensouda.


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