Entre 3 000 et 4 000 vérifications auront lieu d'ici la fin de l'année avec à la clé plus de 16 milliards de DH de recettes. 95% des missions de contrôle débouchent sur des redressements. Pour toucher le plus grand nombre de contribuables, les contrôles ponctuels sont privilégiés. La Direction générale des impôts (DGI) franchit un nouveau palier dans sa traque aux fraudeurs. Le résultat de l'automatisation du processus de contrôle en début d'année via son nouveau système d'analyse risque ne s'est pas fait attendre. A en croire des opérateurs et des sources internes de cette administration, une massification tous azimuts des missions de vérification est en cours. En effet, le nouveau logiciel ACL ratisse large puisqu'il passe dorénavant toutes les déclarations au peigne fin. «Le processus est aujourd'hui industrialisé, permettant de contrôler le plus grand nombre», affirme Omar Faraj, patron de la DGI. La hausse des missions de vérification se justifie par la capacité de l'outil informatique à traiter l'ensemble des états remis par les contribuables et à recouper des dizaines de paramètres pour détecter les anomalies. Ce qui n'était pas le cas quand la programmation des contrôles se faisait manuellement par les agents de l'Administration. «Le travail de ciblage est ainsi plus efficient et plus exact, ce qui se traduit directement par une amélioration du contrôle et de ses retombées», se félicite M.Faraj. Driss Berrada, directeur du contrôle à la DGI, traduit ces propos par les chiffres. Pour lui, au niveau opérationnel, le but est d'élargir le taux de couverture de la population à vérifier afin d'assurer le plus d'équité. Il rappelle que les efforts entrepris ont permis d'enregistrer des performances aussi bien au niveau des dossiers vérifiés, en progression de 50%, qu'au niveau des droits recouvrés (+17% à fin 2015). «En 2016, nos avons déployé tous les efforts pour consolider ces réalisations et accroître l'efficacité du dispositif», souligne-t-il. D'après les chiffres de la Direction du contrôle, communiqués en exclusivité à La Vie éco, les recettes du contrôle fiscal sur place se sont appréciées de 10% en avril 2016 comparativement à la même période de l'année précédente. Un directeur régional des impôts confirme la tendance. Il rapporte que les plannings reçus de l'administration centrale programment un nombre de missions en hausse substantielle par rapport à la même période de 2015 et 2014. Selon lui, plusieurs opérateurs très familiers des services du fisc, connus pour être assidus dans leurs démarches fiscales, ont été également identifiés par le système et visés par des missions de vérification. Abondant dans le même sens, une source à la commission fiscalité de la CGEM affirme qu'en plus de l'apport de l'automatisation, la réduction de moitié du délai de séjour des vérificateurs en entreprise a systématiquement tiré le nombre des entreprises contrôlées à la hausse. Depuis le 1er janvier 2016, les contrôleurs n'ont plus que 6 mois pour réaliser leurs missions dans les grandes entreprises et 3 pour les petites structures. Pour les vérifications de l'IR-salaire, ils ne resteront pas plus d'une semaine. Grandes entreprises, PME, personnes physiques et particuliers, aucun pan de l'assiette n'est épargné Corollaire de ce réaménagement du délai de contrôle sur place, l'Administration qui souffre d'un déficit chronique d'effectifs, privilégie le contrôle ponctuel (vérification d'un ou deux exercices pour un impôt donné). «En usant de cette méthode rapide, le nombre de contrôles devient automatiquement beaucoup plus important que les années antérieures», note la source de la commission fiscale de la CGEM. Une source interne à la DGI prévoit qu'à la fin de l'année, par un effet quasi mécanique, la DGI devra doubler ses missions et ses recettes au titre du contrôle. Soit 3 000 à 4000 vérifications avec à la clé plus de 16 milliards de DH de recettes. Ces chiffres sont très appréciables. Jusque-là et depuis 2012, les redressements rapportent entre 8 et 9,5 milliards de DH pour une population contrôlée de 1500 à 2 000 contribuables en moyenne. Selon le directeur régional, 95% des missions débouchent sur des redressements. Il souligne toutefois que dans les grandes entreprises et les PME structurées, les redressements sont souvent entraînés par des omissions et des incompréhensions des dispositions du Code général des impôts (CGI). Par contre, le reste des PME et TPE usent de pratiques frauduleuses. Ces dernières sont d'ailleurs plus présentes dans le collimateur de l'Administration fiscale qu'auparavant. Pour la confédération des TPME, qui indique avoir mené en mars une campagne de communication auprès des TPE et des entreprises personnes physiques, le fisc n'est pas exempt de tout reproche. Son président, Abdellah El Fergui, estime le nombre des membres contrôlés entre 5 à 6%. Il déplore néanmoins que, compte tenu des conditions dans lesquelles se déroulent les missions, les droits des petits opérateurs ne sont pas respectés comme c'est le cas pour les grands. Quoi qu'il en soit, le fisc ne compte pas desserrer l'étau. Et même si l'efficacité de l'outil informatique est avérée, il cherche à être plus précis grâce aux méthodes classiques. Travaux de cabinet, recoupement avec les données déclarées chez les autres administrations (Douane, Office des changes…) et lettres de dénonciation : toutes les informations sont traitées. Le contrôle et le recouvrement des taxes locales a été également revigoré sur les premiers mois de l'année. Des sources très bien renseignées rapportent que des missions sur le terrain ont été menées pour traquer les contribuables défaillants envers le fisc. La traque s'étend également aux particuliers. Leurs déclarations sur des transactions, notamment immobilières, sont épluchées dans les moindres détails. Récemment, le fisc s'est allié à l'Agence nationale de la conservation foncière, de la cartographie et du cadastre (ANCFCC). A travers un accord-cadre de coopération, les deux administrations partageant leur système d'information et leur base de données. Selon la DGI, ce rapprochement des moyens vise en premier lieu à réprimer les différentes formes de fraude. En 2015, l'IR sur les profits immobiliers a baissé de plus de 120 MDH. Les contribuables peuvent rectifier leurs déclarations sans pénalités La rigueur des contrôles peut effectivement être considérée comme de l'acharnement. Pourtant, le fisc assure que les droits des contribuables sont respectés et garantis. Une preuve : depuis le 1er janvier, les opérateurs ont la possibilité de rectifier des erreurs matérielles constatées dans les déclarations fiscales à travers une procédure simplifiée. Pour l'administration, cette démarche permet de rectifier les insuffisances, erreurs ou incohérences constatées, lors de l'examen des pièces déposées, sans passer par un contrôle approfondi. «Ce qui améliore par ricochet les actions de l'Administration en matière de contrôle fiscal et le ciblage des dossiers à risque», explique-t-on auprès de la DGI. Le contribuable peut soit justifier les écarts, soit les corriger sans subir de pénalités. «C'est une avancée majeure. Nous aurions aimé qu'elle soit aussi rendue possible à l'initiative de l'entreprise puisque aujourd'hui seule l'Administration peut inviter le contribuable à se rattraper», commente Abdelkader Boukhriss, président de la commission fiscalité de la CGEM. Selon M. Faraj, le fisc fait de grandes concessions lorsque la bonne foi de l'opérateur est avérée. «Pour les erreurs matérielles qui proviennent d'une divergence d'interprétation, nous nous rangeons toujours du côté du contribuable et nous acceptons la version qui lui est le plus favorable», insiste-t-il. Selon lui, le pouvoir d'appréciation de l'Administration est strictement encadré aujourd'hui. «Les irrégularités graves ont été clarifiées et énumérées par le CGI. En l'absence de ces irrégularités, la charge de la preuve incombe à l'Administration», assure-t-il. Cette position est en phase avec les dispositions du CGI. La Loi de finances 2016 a introduit des modifications au régime des sanctions tenant compte du degré de gravité de l'infraction commise, du mode de dépôt de la déclaration (spontanément ou suite à une relance de l'Administration), de la qualité du contribuable (redevable réel ou redevable collecteur d'impôt) et de la durée de retard du dépôt de la déclaration. Un délai légal de 3 mois a été institué pour la notification obligatoire des résultats de contrôle à l'entreprise, et les redressements doivent désormais être motivés. De plus, le recours auprès des commissions locale et nationale a été substantiellement simplifié. La Loi de finances pour l'année 2016 a introduit des mesures de simplification des recours devant ces commissions qui concernent notamment la délimitation des domaines de compétence de ces instances, la composition des collèges et les preuves. Par ailleurs, la réduction de la durée des missions épargne à l'entreprise les perturbations occasionnées par l'arrivée des vérificateurs. «Nous voulons faire du contrôle une activité normale. Nous ne contrôlons pas des entreprises ou des citoyens mais des déclarations», confie le patron de la DGI. Sur certains points, les opérateurs sont convaincus des avancées. Ainsi du compte fiscal du contribuable permettant de suivre au jour le jour leur situation vis-à-vis de l'Administration, notamment les droits à acquitter et les restitutions à recevoir. Ce qui rend les rapports très clairs. Dans le même sens, la DGI a pris le pari d'alléger les sanctions et la portée coercitive de ses textes. Plusieurs pénalités ont été revues à la baisse à l'instar de la réduction de la majoration de 15% à 5% en cas de déclaration avec un retard ne dépassant pas 30 jours, la réduction de la pénalité de recouvrement de 10% à 5% en cas de paiement dans un délai de retard ne dépassant pas 30 jours et la réduction de la majoration de 15% à 5% sur les droits complémentaires en cas de dépôt d'une déclaration rectificative hors délai légal. «Tout en massifiant les interventions, cet arsenal de droits accordés au contribuable dénote de la détermination du fisc nouvelle génération à protéger les contribuables et soigner sa relation», résume une source à la DGI.