Malgré la reprise du tourisme cet été, les opérateurs restent prudents pour les prochains mois. L'Europe, principal marché émetteur de touristes pour le Maroc, fait face à une grave crise énergétique. Celle-ci impactera inéluctablement le pouvoir d'achat des ménages européens qui seront plus regardants au niveau de leurs dépenses, notamment celles liées aux voyages. La saison estivale a été salvatrice pour le tourisme, lui permettant de récupérer près de 70% de son niveau d'avant-crise. Une performance qui a fait le bonheur des opérateurs touristiques de certaines destinations comme Marrakech, Agadir, Dakhla et le Nord du Royaume. Si l'été a donné un coup de pouce au secteur, quid de la saison hivernale et des fêtes de fin d'année ? Joint par nos soins, Lahcen Zelmat, président de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH) préfère rester prudent. «Le redémarrage du secteur continue et je demeure optimiste. Toutefois, l'incertitude subsiste par rapport à la saison hivernale à cause de la conjoncture internationale. Le Maroc dépend de marchés émetteurs de touristes en Europe, notamment ceux français, allemands et britanniques. Ces derniers font face à une crise énergétique sans précédant à cause de la guerre en Ukraine. Si la facture énergétique chez les ménages européens augmente, leur pouvoir d'achat va se réduire et se répercutera sur leurs choix de voyages, notamment au Maroc», avertit Lahcen Zelmat. La CNT reste prudente Un avis partagé par la Confédération nationale du tourisme (CNT). Sa secrétaire générale, Wissal El Gharbaoui, précise que «tout dépendra de l'évolution de la situation globale en Europe. Le contexte économique étant très tendu, cela pourrait se compliquer si le pouvoir d'achat des ménages continue de subir des pressions. La facture énergétique des ménages pourrait peser dans la balance des arbitrages de dépenses et le segment du voyage, dans ce cas, serait sacrifié», avant d'ajouter sur un ton ironique: «Il pourrait d'ailleurs s'avérer moins coûteux de voyager au soleil au Maroc que de se chauffer chez soi cet hiver en Europe». La ligne Paris-Ouarzazate tarde Et ce ne sont pas les destinations ensoleillées qui manquent au Maroc. A Dakhla, la température moyenne est de 25° toute l'année avec près de 3 500 heures de soleil par an. Zagora et Ouarzazate figurent également parmi ces destinations prisées par des touristes européens. Toutefois, à Ouarzazate l'inquiétude semble de mise pour les prochains mois, surtout lorsque l'on sait que la ligne directe Paris-Ouarzazate qui devait être lancée par la compagnie aérienne low-cost Transavia ce début octobre tarde encore à devenir opérationnelle. «On nourrissait beaucoup d'espoir par rapport à cette ligne directe, mais le retard de son lancement nous inquiète. Je ne suis pas optimiste pour les prochains mois. L'activité hôtelière traverse un véritable marasme à cause notamment de la connectivité qui fait défaut, que ce soit par voie terrestre ou aérienne», nous déclare Zoubir Bouhout, expert en tourisme et ancien directeur du Conseil provincial du tourisme de la destination. Aujourd'hui, Ouarzazate est desservie par des petits avions de type ATR et qui font escale à Zagora au départ de Casablanca, ce qui rallonge considérablement la durée des vols, regrette M. Bouhout. Selon lui, les vols directs de Casablanca à bord de grands appareils ne dépassaient pas 45 min, maintenant il faut compter plus de 4 heures, selon ses dires. «Ouarzazate a enregistré le taux d'occupation le plus bas au niveau national durant la saison estivale avec un taux de 33%. Cette situation risque de s'aggraver les prochains mois», alerte notre interlocuteur. L'importance du tourisme interne Face à cette incertitude, notamment du côté des marchés européens, le salut viendra-t-il encore une fois du tourisme interne ? En tout cas, les opérateurs touristiques à Ifrane ne peuvent que le confirmer. Dès les premières chutes de neige, qui devraient avoir lieu vers début novembre, les Marocains se ruent vers cette station. Conscient de l'importance majeure du tourisme interne, qui représente près du tiers de l'activité, l'Office national marocain du tourisme (ONMT) a lancé il y a quelques jours une large campagne de promotion destinée aux locaux. Mais ces touristes, peu friands des établissements d'hébergement touristiques classés, compenseraient-ils l'impact d'une éventuelle baisse des arrivées de touristes européens sur l'activité hôtelière ? A suivre.