3 000 lauréats seulement sortent chaque année des établissements de formation. On est loin des 10 000 candidats souhaités après 2010. Si les compéten- ces techniques sont bien là, le savoir-faire fait défaut. L'aspect comportemental est encore négligé. Distribution des voyages, évènementiel, la tendance lourde est aux profils nouveaux. Le secteur du tourisme présente des perspectives intéressantes à plus d'un titre. L'année 2005 a été bénéfique pour ce secteur qui est en passe de devenir, dans les années à venir, le plus gros employeur du pays. On avance le chiffre de 6 millions de touristes en 2005 et pourquoi pas 10 millions en 2010. Selon la Fédération tourisme de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc), le marché aura besoin de 10 000 lauréats chaque année, issus des écoles de formation publiques et privées au-delà de 2010. Pour le moment, les instituts de formation sont loin de pouvoir satisfaire ces besoins. Les établissements placés sous la tutelle du ministère du Tourisme et l'Institut international du tourisme, affilié à l'OMT (Organisation mondiale du tourisme), disposent d'une capacité globale de plus de 4000 places. Quant à l'OFPPT (Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail), il dispose, à travers tout le pays, d'un réseau de 3 établissements de formation spécialisés et 12 sections détachées développant des filières de formation hôtelière et touristique. Cette infrastructure peut accueillir jusqu'à 1 400 stagiaires. Côté privé, ce sont 28 établissements d'une capacité d'accueil de 1 200 places qui dispensent des formations en hôtellerie et tourisme. Au total, ce sont 2 500 à 3 000 personnes qui sortent chaque année de ces établissements. Les capacités d'accueil des écoles sont donc loin de pouvoir satisfaire les besoins. Professionnalisation du service, une urgence Outre la pénurie des profils et du fort turn-over qui sévit dans le secteur, les professionnels doivent mener aussi un autre combat : celui de la professionnalisation du service. Dans l'hôtellerie en particulier, l'équation est connue : un client mécontent, ce sont plusieurs clients perdus. La seule solution pour éviter le pire consiste à soigner le service. Pas facile si le personnel est insuffisamment ou mal formé et, de surcroît, peu motivé. Dans de nombreuses unités hôtelières de la place, pour ne pas dire la grande majorité, ce problème est pourtant latent. Mais il est toujours passé sous silence. Et quand les réservations tombent au plus bas, on préfère souvent invoquer les contrecoups d'une situation politique internationale délétère ou les effets d'une conjoncture économique maussade. Trop facile ! Pour un pays qui ambitionne de séduire 10 millions de touristes en 2010, il y a encore beaucoup à faire, d'autant plus que le taux de retour reste encore faible. Bien évidemment, ce n'est pas seulement la qualité des prestations dans les hôtels qui est en cause. Mais, mieux on la soignera, plus on arrivera à fidéliser les accros du soleil et de la mer. Des groupes comme Accor ou le Club Med ont leurs centres de formation De l'avis du directeur commercial d'un palace de Casablanca, «il ne suffit pas de sortir d'une bonne école, d'avoir quelques connaissances techniques, pour être à la hauteur, il y a beaucoup de facteurs subjectifs qui entrent en lice dans l'appréciation d'un service». Il insiste tout particulièrement sur le comportemental, un aspect essentiel, surtout pour les personnes appelées à avoir des contacts directs avec la clientèle. Aujourd'hui encore, peu d'établissements hôteliers prennent la peine d'établir un plan de formation pour leur personnel. Il est toutefois utile de préciser que nous avons affaire à un secteur à deux vitesses. Dans les petites unités, généralement les indépendants, l'essentiel de la formation, si elles en assurent, porte le plus souvent sur les techniques de base en matière de gestion hôtelière, entre autres la communication, la relation clientèle, l'accueil, l'animation et l'hygiène. Toutefois, cette formation, aussi basique qu'elle soit, est indispensable pour l'activité. Ce n'est que dans les grandes chaînes que la formation constitue réellement un pan de la stratégie. Au Maroc, le Club Med y consacre plus de 3% de la masse salariale et peut s'appuyer sur les centres de formation du groupe, installés à Paris, Lyon et Djerba, outre les séances organisées sur place. Accor Maroc, quant à lui, a ouvert sa propre académie, à Agadir, également accessible aux salariés des autres établissements de la place. Même si le tourisme fait partie des secteurs économiques les plus soumis aux fluctuations de la conjoncture mondiale, il faut dire qu'actuellement il offre d'importantes opportunités de carrière et un vaste choix de métiers. Les petits profils, serveur, valet de chambre, sont les plus demandés Chez Accor Maroc, le besoin de personnel qualifié se fait de plus en plus sentir. «Actuellement, nous recherchons de plus en plus des profils confirmés et ce dans tous les domaines. Il s'agit principalement des maîtres d'hôtel, chefs de cuisine spécialisés (notamment en pâtisserie ou boulangerie), chefs de service hébergement, chefs de partie cuisine, ou encore des chefs de rang restauration, banquet et room-service», note Adnane Zarrari, DRH au Sofitel Marrakech, établissement du Groupe Accor. Hormis l'hôtellerie, le secteur de la distribution du voyage fait aussi partie des niches amenées à se développer davantage. Ce secteur a connu de profonds bouleversements ces dernières années. Les premières entreprises de la distribution sont bien évidemment les agences de voyage. Elles proposent l'ensemble des prestations liées au tourisme. La billetterie représente l'essentiel de leur activité, devant la vente de voyages organisés. Certaines agences mieux organisées proposent d'autres services, comme la location de voitures, la réservation d'hôtel… Pour Karim Benhlal, responsable d'agence de Manpower Maroc à Marrakech, «on observe une grande tendance aux profils nouveaux ces quatre dernières années. Il s'agit de chefs de projets pour tout ce qui relève de l'événementiel, chargés de production dans les agences de voyage ainsi que les responsables marchés dans les compagnies aériennes». Si le secteur du tourisme offre autant d'emplois, de nombreux cabinets de recrutement hésitent encore à miser sur ce créneau. De l'avis d'un spécialiste, «l'engouement concerne surtout les petits profils tels que serveur, valet de chambre, gouvernante,… Les profils de managers sont encore loin de se développer». Karim Benhal déplore par ailleurs le fait que «les entreprises pensent rarement à solliciter un cabinet de recrutement pour ce besoin et se contentent encore du bouche-à-oreille». A grands talents, gros salaires Côté salaires, il est difficile d'avoir une grille homogène des pratiques du marché. Cela peut aller du simple au triple ou quadruple. «Même au niveau des enquêtes de salaires, il est difficile d'avoir des données fiables pour ce secteur. La plupart du temps, les établissements hôteliers font un benchmarking entre eux pour établir une grille de salaires», constate Ghislaine Laâbi, responsable rémunérations au cabinet Diorh. Ceci dit, on constate que les salaires ont fortement évolué ces dernières années. Pour exemple, un bon directeur d'hôtel peut toucher jusqu'à 70 000 DH nets, 25 000 DH pour un directeur d'hébergement et 12 000 DH pour un chef de réception. Un chef cuisinier de renommée peut aussi avoir un salaire de DG (entre 20 000 et 50 000 DH nets). Comme quoi, les grands talents, ça se paye. Financier, commercial, meneur d'hommes : un bon directeur d'hôtel est toujours polyvalent J'ai 16 ans de métier dans l'hôtellerie. Après des études dans le domaine, à Marrakech, j'ai démarré mon expérience professionnelle à l'étranger. Je suis retourné ensuite à Marrakech pour commencer en tant que réceptionniste dans un établissement hôtelier. Depuis, j'ai accumulé beaucoup d'expérience avant d'occuper le poste de directeur d'hôtel. Le métier a véritablement évolué ces dernières années. Le bon sens ne suffit plus pour diriger un hôtel. Il faut être un véritable manager, qui maîtrise parfaitement toute la chaîne hôtelière, qui en maîtrise l'organisation. Un directeur d'hôtel est avant tout un homme de terrain et de contact. Pour un établissement qui fonctionne 24 heures sur 24, il faut être largement présent. Pour ma part, je passe très peu de temps dans mon bureau, juste le temps de consulter ma boîte mail, traiter le courrier ou conduire des réunions. Sinon, je suis tout le temps dans les coulisses pour m'assurer de la bonne organisation. Un bon directeur d'hôtel n'est pas seulement un meneur d'hommes mais aussi un bon financier : maîtriser les coûts de fonctionnement, surveiller le chiffre d'affaires, budgétiser les investissements… Enfin, c'est aussi un bon commercial. Il ne faut pas oublier que sa principale mission est de remplir son établissement. Pour cela, il doit mener de larges campagnes de promotion toute l'année et s'assurer que le service suive. Par ailleurs, il doit veiller au développement des nouveaux métiers dans le tourisme. Par exemple, on assiste dans le secteur à la prolifération des responsables qualité, des chargés de relations publiques ou d'événementiel Propos recueillis par brahim habriche mustapha maher Directeur de l'hôtel Hivernage, Marrakech