Les destinations concurrentes, Tunisie, Turquie et Egypte, s'en sortent mieux que le Maroc. Marrakech et Agadir souffrent, Tanger n'est pas épargnée. Les professionnels mettent en avant les effets pervers du low cost et déplorent l'insuffisance de la promotion. Alors que des destinations comme l'Egypte, la Turquie, la Tunisie et même la Jordanie sont en train de cartonner en termes de réservations pour l'été prochain, notamment sur le marché français, la destination Maroc, jouissant pourtant d'atouts naturels, est dans l'expectative. Les professionnels réservent leurs prévisions. Mais beaucoup d'entre eux disent qu'ils ne seront satisfaits que si les réalisations de l'année en cours égalent celles de l'année écoulée. Contrairement aux officiels qui tentent de minimiser la crise, les hôteliers ne cachent donc pas leur inquiétude. Ce sentiment, on peut le déceler chez un tour-opérateur comme FRAM qui a toujours placé le Maroc en bonne place dans ses catalogues. Il affiche aujourd'hui une bonne remontée des réservations, après avoir connu quelques difficultés l'année dernière. Mais cette évolution, résultat d'une vaste campagne de communication, ne profite que très passablement au Maroc. Les touristes français, toujours en proie à des problèmes de pouvoir d'achat, optent pour la Turquie qui enregistre, pour l'été, une progression des réservations de 90% par rapport à la même période de l'année écoulée, ou encore la Tunisie, l'Egypte et Dubaï. Le Maroc n'aurait progressé chez ce TO que de 5 à 6%. Selon de nombreux professionnels, notamment à Marrakech, cette situation viendrait du fait que les charters ont déserté le Maroc, chassés si l'on peut dire par les compagnies low cost, lesquelles n'existent pas dans les destinations concurrentes citées. Le tourisme marocain se serait-il tiré une balle dans le pied en ouvrant son ciel aux compagnies low cost ? Certains professionnels n'hésitent pas à le penser. Le renouveau de Fès sapé par l'arrêt des liaisons aériennes avec le Royaume-Uni Toujours est-il que, selon une source proche du CRT de Marrakech, la ville ocre qui a connu au premier trimestre 2008 «quelques soucis», repartirait du bon pied au mois de mai 2008. Mais certains mettent ce petit frémissement sur le compte des vacances scolaires en France et du week-end du 1er Mai qui s'annonce comme un week-end prolongé. Pour les prochains mois, «on ne peut rien dire, affirme un hôtelier de Marrakech. C'est carrément la roulette russe», ajoute-t-il. Là encore, ce sont les vols low cost qui sont pointés du doigt. «Si les TO n'arrivent pas à trouver des sièges d'avions sur Marrakech, ils dirigent leur clientèle ailleurs». Ceci dit, il semble que cette tendance est désormais irréversible, et à moins d'une campagne de communication choc sur les marchés émetteurs, une «campagne de survie», seules les chaînes organisées pourront tirer leur épingle du jeu, en compensant les ventes perdues avec les TO par d'autres moyens comme la vente sur Internet. Même Fès, qui a été jusqu'à présent épargnée par la morosité qui règne un peu partout, en affichant une hausse de 6 à 7% de ses nuitées au premier trimestre 2008 par rapport à la même période de l'année précédente, connaît un «bon tassement des réservations pour le mois de mai», explique Driss Faceh, président du Conseil régional du tourisme (CRT) de la ville, qui ajoute qu'il n'y a pas une grande visibilité pour les mois à venir. Les accords de co-marketing entrepris avec certains TO fin 2005 et début 2006, qui avaient réussi à redynamiser la ville, semblent avoir atteint leurs limites. De surcroît, la capitale spirituelle qui accueillait quatre vols hebdomadaires à partir du Royaume-Uni n'est plus desservie, ce qui freine dans son élan tout l'intérêt que les Britanniques ont pour la ville, et notamment pour ses riads. Par ailleurs, note Driss Faceh, Fès devra se positionner sur un tourisme de séjour, celui du circuit des villes impériales s'étant tout simplement essoufflé. Agadir mise sur la poussée des marchés russe et polonais pour limiter les dégâts Mais c'est Tanger et toute la côte nord qui craint de souffrir le martyre pour les mois à venir. Selon Mustapha Boucetta qui préside aux destinées du CRT, la ville accuse une légère baisse au premier trimestre 2008 au niveau des nuitées, et la saison d'été s'annonce incertaine. M. Boucetta n'hésite pas à en rendre responsable l'insuffisance des vols sur la ville et l'absence de publicité en soutien. En outre, la ville n'est pas du tout programmée par les TO, car l'Office national marocain du tourisme (ONMT), souligne un hôtelier, n'a d'yeux que pour Marrakech, Agadir et Fès et, dans une moindre mesure, Ouarzazate. «La côte méditerranéenne, qui est en pleine transformation, ne bénéficie d'aucune communication sérieuse en tant que destination touristique, ne serait-ce que sur le marché espagnol qui se trouve à 14 kilomètres», déplore-t-il. Pire, fait remarquer cet hôtelier, le bureau de l'ONMT à Malaga est fermé depuis des années. Pour Mustapha Boucetta, la capitale du Nord qui est appelée, avec tous les chantiers en cours de réalisation, notamment les sites industriels, à accueillir de plus en plus un tourisme d'affaires, n'a même pas de palais des congrès. Agadir continue de connaître un recul de ses nuitées, notamment celles des Anglais et des Allemands, sans parler des Suisses qui réclament des vols directs sans transiter par Casablanca. Mais ces baisses sont atténuées par la poussée des marchés russe et polonais. Dans le pire des cas, explique une source au CRT, on aura les mêmes performances que l'année dernière, qui n'était pas vraiment fameuse. Au final, si on ne peut pas vraiment parler de sinistralité concernant le secteur, les professionnels s'accordent à dire que l'année sera difficile.