La première tendance notable constatée est l'augmentation de la part variable dans le salaire pour un bon nombre de fonctions. Avant d'appliquer ce système, la fonction RH doit être parfaitement mature. Mehdi El Yousfi DGA du cabinet Diorh Pour Mehdi El Yousfi, DGA du cabinet Diorh, plusieurs raisons expliquent l'individualisation des salaires. C'est une tendance qui s'affirme d'année en année. Cependant, ce système peut être voué à l'échec si l'entreprise ne met pas en place une politique cohérente en termes d'individualisation. n L'individualisation des salaires se généralise un peu partout. A votre avis, qu'est qui explique cette tendance ? Il est vrai qu'on constate une prise de conscience croissante. Les cadres sont de plus en plus payés pour leur performance, surtout dans un marché demandeur de compétences et de profils pointus. Une première tendance notable réside dans l'augmentation de la part variable dans le salaire pour un bon nombre de fonctions. Cette généralisation peut s'expliquer par de nombreuses raisons. Tout d'abord par la maturité de la fonction RH dans certaines organisations qui pratiquent cette individualisation. De même qu'aujourd'hui, dans la gestion des talents, la rémunération se révèle un élément essentiel pour attirer, motiver et fidéliser les meilleurs, gage de performance pour l'entreprise. À cette fin, les tendances tendent vers une politique à la fois incitative, équitable, attractive et performante. Objectif : placer le salarié au cœur du dispositif et le rendre acteur de son évolution de carrière. Pour y parvenir, il faut développer une politique individuelle et en augmentant la part de variable dans le salaire. Enfin, je dirais que la gestion des nouvelles générations Y et Z poussent aussi les entreprises à travailler leur marque employeur et l'individualisation des salaires participe à cette dynamique. Je dirais que c'est une problématique qui touche toutes les entreprises de différents secteurs et de taille. Par essence, les PME font de l'individualisation des salaires parce qu'elles ne disposent pas forcément de grille salariale, mais aussi parce qu'elles sont dans une logique d'attractivité. Dans quelle mesure peut-on procéder à cette démarche ? Toute la problématique renvoie au rôle d'évaluation des managers de leurs collaborateurs. Malheureusement, encore une fois, on constate souvent des politiques de saupoudrage pour garantir la paix sociale Or, dans le principe, un système de rémunération doit prévoir, outre le salaire de qualification qui rémunère la fonction, un salaire de performance qui, lui, rémunère l'efficacité dans la fonction. Le salaire de qualification découle de l'importance du poste, qui se traduit souvent par un positionnement dans une grille de classification, elle même élaborée à partir d'une description et d'une évaluation des fonctions. Il est donc basé sur la «valeur» du poste plus que sur le potentiel du salarié titulaire de ce poste ou sur la façon dont il assure la fonction. Va t-on vers un éclatement des grilles de salaire ? Pas forcément ! Pour chaque classe de poste, on va créer suffisamment de fourchette, larges et équitables. De ce fait, l'entreprise a toute la latitude pour différencier. Cela passe aussi par une meilleure maîtrise de la performance individuelle. Selon vous, faut-il aller vers l'individualisation des rémunérations au sein des entreprises ? Il est clair que les individus n'ont plus les mêmes moteurs de fidélité. Toute entreprise, petite ou grande, est obligé d'affiner son offre auprès de ses collaborateurs dont fait partie la rémunération. D'ailleurs, d'après nos enquêtes de rémunération, il apparaît clairement que la performance individuelle se classe en premier dans l'augmentation salariale. Elle est suivie de la performance de l'entreprise et de la position du salaire dans les grilles. L'individualisation des salaires, c'est aussi des avantages à la carte. Certaines entreprises par exemple appliquent une couverture sociale à la carte. Aujourd'hui, l'entreprise peut retenir beaucoup de critères pour rémunérer la performance individuelle...quels sont les plus importants à votre avis ? Je pense que le premier critère important est la position du poste. Parfois, ce n'est pas le critère de responsabilité qui intervient mais ce que représente le poste au sein d'une organisation. Un collaborateur peut parfois être un interlocuteur important auprès des partenaires (clients, fournisseurs, collectivités locales...). De même que le niveau de performance durable est de plus en plus demandé et requis. Quelles peuvent être aussi les limites de cette démarche? La première limite est bien souvent cette frontière peu visible entre l'individualisation des salaires et l'équité. Certaines entreprises, qui étaient dans un contexte de développement ou de forte compétitivité, étaient obligées de recruter des profils pointus dans certains domaines d'expertise, souvent à des salaires importants. Ce n'est qu'après que les problèmes d'équité se sont posés pour ces entreprises. De même que l'absence d'une évaluation fiable de la contribution entraîne le développement des formes de retrait telles que l'absentéisme, l'insatisfaction par rapport à l'organisation, la dégradation des rapports dans le travail...