Le principe de la perte attendue se substitue à celui de la perte avérée. Les professionnels s'attendent à ce que la qualité de l'information destinée aux actionnaires soit améliorée. L'objectif est de renforcer la maîtrise du risque. Les prochaines années connaîtront des changements structurels en matière de présentation des comptes consolidés pour des états de synthèse plus conformes à la réalité. La norme sur l'évaluation des actifs financiers (IFRS9) va provoquer un vrai «big bang» dans les banques. Elle concerne les titres, les prêts et les créances dont disposent les institutions financières. Le nouveau dispositif va introduire une nouvelle façon de provisionner ces actifs. Le modèle de comptabilisation de la perte avérée basé sur un événement de dépréciation constaté et reconnu sera remplacé par un système basé sur la perte attendue. Par conséquent, «il n'est plus nécessaire de constater un événement de perte pour comptabiliser une dépréciation. L'IFRS 9 prône une reconnaissance plus rapide des pertes prévues», explique Taha Ferdaouss, expert-comptable chez Mazars Maroc. Au-delà du volet comptable, la norme intègre un nouveau cadre de gestion des risques. Le modèle de provision actuel appliqué dans les banques repose sur l'existence d'éléments objectifs qui déclenchent la comptabilisation d'une provision. C'est le cas par exemple pour les pertes crédits qui sont provisionnées après la constatation d'impayés. De même, seuls les événements passés et les conditions actuelles sont pris en compte dans le système actuel. Avec la nouvelle norme, les banques vont anticiper le risque émanant d'un actif. Les pertes de crédit attendues seront comptabilisées à chaque date d'arrêté même si aucun événement générateur de pertes n'a eu lieu. Par contre, les informations prises en considération au moment de la détermination de la provision doivent être raisonnables, justifiables et quantifiables. Des banques ont déjà commencé à respecter la norme Le mode opératoire consiste à provisionner les pertes attendues d'un actif sur 12 mois et cela lorsque le risque est faible. En revanche, lorsque le danger augmente, les provisions seront constatées sur la durée globale de l'actif. Il est difficile d'évaluer l'impact de la norme sur les résultats des banques. Mais ce qui est sûr, c'est que le référentiel mis en place va donner une lecture différente aux comptes consolidés qu'elles publient. Cela va certainement améliorer la qualité de l'information mise à la disposition des actionnaires et/ou investisseurs. Ces derniers bénéficieront en effet d'une meilleure information sur la gestion des risques. «Le modèle de l'IFRS 9 va se traduire par une augmentation importante des provisions, d'où la nécessité d'expliciter l'impact de cette nouvelle approche au niveau des notes annexes pour éviter les mauvaises interprétations par les lecteurs des états financiers», conseille Mohamed El Allam, directeur associé et chef du département consolidation chez Cke Consulting. En pratique, beaucoup de travail attend les banques. Avec l'intégration de cette nouvelle norme, tous les actifs financiers des établissements de crédit doivent être réévalués. Cela ne concerne pas seulement la nouvelle production. «Les banques doivent revaloriser leurs stocks de crédits sur la base de la nouvelle norme», souligne l'expert-comptable de Mazars. L'IFRS 9 va entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2018 avec une possibilité de l'appliquer avec anticipation. Certaines banques l'ont déjà fait. C'est le cas de la BMCI, filiale du groupe BNP Paribas, qui a déjà commencé le processus en 2016. Pour cela, elle s'appuie énormément sur l'expertise de sa maison mère. De même, le groupe Attijariwafa bank a souligné dans ses dernières publications des résultats que le déploiement de ce nouveau modèle sera effectif en 2017 pour se conformer à l'IFRS 9. «Il s'agit d'une norme très difficile à mettre en place car elle exige la disponibilité d'une information fine et globale au niveau des banques pour la construction des modèles», révèle un directeur financier d'une banque de la place. Pour cela, le système d'information devrait impérativement évoluer dans ce sens pour pouvoir respecter les nouvelles exigences imposées par la norme. Ce qui va pousser les banques à prêter plus d'attention à la qualité de la «data».