Les dossiers urgents, principalement le transport, la récupération du patrimoine de la ville, l'harmonisation du périmètre de distribution d'eau et d'électricité et la gestion des marchés de gros, ne sont pas encore réglés. Le conseil n'a aucun pouvoir sur les projets réalisés par les SDL. L'opposition craint que ce mandat ne soit blanc ; la majorité rassure… Un an et demi après leur élection à la tête du Conseil de la ville de Casablanca, Abdelaziz El Omari et ses équipes peinent encore à définir un plan d'action et une stratégie de développement pour la métropole. «Au jour d'aujourd'hui, il n'y a pas de feuille de route officielle, ni même une vision informelle pour le développement économique et social», regrette Omar El Farkhani, président du groupe du PAM au sein du conseil. L'élu avance également que «l'ordre du jour des sessions ordinaires de la commune ne comprend, dans la plupart des cas, que des points présentés par les Sociétés de développement local qui ont recours au bureau exécutif juste pour entériner leurs décisions». Contacté à ce sujet, le président du Conseil de la ville et ses vice-présidents, principalement Abdessamad Haiker, qui est en charge de la communication, n'ont pas répondu à nos questions. De son côté, Abdessadek Morchid, président du groupe RNI, le parti qui constitue la majorité avec le PJD au sein du Conseil de la ville, confirme le constat des groupes de l'opposition (PAM, UC, Istiqlal). Toutefois, il explique que «ce retard est dû au manque d'expérience des membres du bureau exécutif. C'est la première fois qu'il faut avoir un programme quinquennal pour le plan d'action, soit une vision plus globale pour tout le mandat». Et d'ajouter: «Actuellement, le Plan d'action est en cours de finalisation. La commune a fait appel à un cabinet de conseil qui l'accompagnera dans la réalisation de sa feuille de route moyennant un budget de 3 MDH». Toujours des soucis pour augmenter les recettes Pour un élu de l'Union constitutionnelle (UC) qui a souhaité garder l'anonymat, «ce retard est très pénalisant pour la ville». Il explique : «Si l'on exclut la dernière année du mandat qui sera une période de préparation des élections, on en est presque à la moitié du mandat de ce bureau et rien n'est encore fait. En clair, il est fort probable que cinq années de gestion soient blanches, sans réalisations remarquables». Omar El Farkhani soutient cette hypothèse, puisque, selon lui, le bureau n'a réalisé à aujourd'hui aucune de ses promesses. Il fait allusion principalement à l'accroissement des recettes de la ville grâce à un nouveau mode de gestion du patrimoine communal. «Ils étaient très optimistes sur la hausse des recettes, mais ils n'ont pas encore réussi à concrétiser leur vision», déclare-t-il. M. Morchid souligne, pour contrer cette attaque, qu'un excédent de 200 MDH a été réalisé en 2016. «Pour atteindre les objectifs fixés par le bureau, il doit y voir une refonte globale de l'arrêté fiscal de Casablanca. En d'autres termes, il faut créer de nouvelles niches d'imposition. Or, pour réaliser ce projet, la volonté politique du bureau exécutif n'est pas suffisante. Il faudrait une implication du ministère de tutelle», explique-t-il. Malgré tout, il souligne que de nombreuses avancées ont été réalisées en vue de l'augmentation des revenus. Cela concerne d'abord le dossier du reste à recouvrer. En effet, le partenariat signé avec la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et la Direction régionale des impôts, toujours en vigueur, a permis de récupérer une partie des créances. La ville a également engagé une stratégie de numérisation. «Parmi les dossiers réglés grâce à cette stratégie, il y a celui des terrains non bâtis. La ville a aujourd'hui une base de données complète qui lui permettra de suivre le paiement des impôts et récupérer les arriérés», confirme Nourddine Karrbal, élu du PJD et président de l'arrondissement de Roches Noires. Sur le volet patrimoine, M. Karrbal confirme que la ville a pu en récupérer une partie, en l'occurrence le complexe de Zénata et celui de Moulay Rachid. Un appel d'offres sera bientôt lancé pour désigner un nouvel exploitant. Seulement, «ces deux établissements ne représentent qu'une part insignifiante du patrimoine éparpillé de la ville que le conseil peine encore à recenser, un projet pourtant en tête des priorités de ce mandat», regrette Najwa Koukouss, élue du PAM. Divergences sur la subvention à verser à Casa Tram La non-amélioration des services publics aux citoyens fait partie des reproches des groupes de l'opposition. En matière de transport, «d'un côté la ville n'a encore pas réussi à régler le conflit avec M'dina Bus et, de l'autre, le bureau a fait le choix de subventionner le tramway, ce qui a impliqué des charges importantes qui pèsent sur le budget de la ville. Cette subvention va tripler suite au démarrage de l'exploitation de l'extension de la 1ère ligne et la 2e ligne», avance M.ElFarkhani. Abdessadek Morchid rétorque que de nombreuses avancées ont été réalisées sur ce dossier. D'abord, le conseil a réussi à imposer un audit des comptes de M'dina Bus. Il est également en train de préparer un nouveau cahier des charges pour la gestion de ce service à partir de 2019. Concernant la subvention accordée à Casa Tram, M. Morchid confie que «la ville n'a pas versé les 80 MDH réclamés par l'exploitant». Et de poursuivre, «nous avons fait nos estimations et trouvé que le déficit est à peine de 60 MDH ; c'est ce montant qui a été remis au prestataire». S'agissant du dossier d'harmonisation du service de distribution d'eau, d'électricité et d'assainissement qui pose de réels problèmes aux habitants des zones périphériques de la métropole, l'élu UC confirme que le blocage est au niveau de l'ONEE. Par conséquent, la ville ne pourra pas le régler. A propos des abattoirs (viande et volaille) et du marché de gros des fruits et légumes, on confirme que les expertises sont toujours en cours. Selon l'élu de UC, ce retard n'est pas rassurant. La situation de ces établissements se dégrade jour après jour et ceci menace directement le pouvoir d'achat des citoyens puisque les prix ne cessent d'augmenter, explique-t-il en substance. Les élus de l'opposition remettent également en cause le mode de gestion des SDL. Aujourd'hui, «nous voulons que ces sociétés soient gérées directement par le ministère de l'intérieur et non pas par le Conseil de la ville», déclare El Farkhani qui confirme également que les DG de ces structures n'assistent pas aux sessions du conseil et n'impliquent pas ce dernier dans le processus de prise de décision. Un avis que confirme Abdessadek Morchid. Il explique cette situation par le fait qu'une grande partie de ces sociétés, en l'occurrence Casa Aménagement, Casa Développement, Casa Transport et Casa Event et animation, déploie le plan de développement signé devant le Souverain et dont le suivi est confié au ministère de l'intérieur. L'opposition dénonce un manque de communication L'absence de résultats palpables n'est pas le seul problème qui provoque l'ire de l'opposition. Ces élus assurent qu'il y a un réel problème de communication et d'implication dans la prise de décision. De leur point de vue, le conseil détient le pouvoir absolu dans la ville. En effet, avec une majorité confortable de 103 sièges (75 PJD et 28 RNI) sur un total de 147, mais surtout avec 12 arrondissements gérés par le PJD et 3 par la majorité (PJD et RNI) sur un total de 16, «le bureau exécutif marginalise les autres groupes», s'alarme El Farkhani. De son côté, Najwa Koukouss déclare : «Nous n'avons pas accès à l'information. Ainsi lors de la session on est obligé de voter des projets sur lesquels nous n'avons pas beaucoup de détails». Mais selon Abdessadek Morchid, «cette majorité permet au conseil de travailler dans un climat sain, chose qui est très productive». Et d'ajouter que «le président du conseil tient également à organiser des réunions régulières avec tous les présidents de groupes pour étudier leurs propositions». Nourddine Karrbal est d'avis que cette homogénéité apparaît clairement lors des sessions ordinaires du conseil. D'ailleurs, «les groupes de l'opposition montrent une grande assiduité et du respect lors de ces réunions. Tous les projets sont également votés à l'unanimité puisque les élus estiment que l'intérêt du Casablancais prime sur les calculs politiques». On présume que si le Conseil de la ville n'arrive toujours pas à honorer ses promesses de début de mandat et surtout de concevoir une vision quinquennale pour le développement économique et social de la ville, c'est parce qu'il n'a pas su bien évaluer les contraintes et, par ricochet, mis la barre très haut en termes d'objectifs.