La grève des employés de M'dina Bus cette semaine se mêle à l'annonce du départ de l'entreprise fin octobre et l'arrivée d'Alsa en tant que nouveau gestionnaire. Mais la gestion catastrophique de ce dossier pourra coûter cher, d'autant plus que les Casablancais continueront probablement d'emprunter des bus vieux de plusieurs années jusqu'à nouvel ordre. Cette semaine, des Casablancais ont été surpris de se retrouver, du jour au lendemain, sans bus. En effet, alors que la ville s'apprête à tourner la page de M'dina Bus, les employés de celle-ci mènent une grève car ils ne seraient pas payés depuis des mois. Et derrière ce cauchemar qui risque du durer encore jusqu'à fin octobre, des organes communaux et des élus qui se rejettent la responsabilité. En effet, le maire de la ville, Abdelaziz El Omari a annoncé il y a quelques jours que le groupe Alsa a remporté l'appel d'offre pour remplacer M'dina Bus. Mais si les négociations entre la filiale espagnole de la société britannique de transport National Express Group et l'Etablissement de coopération intercommunale se poursuivent, le flou persiste bien que Alsa ait accepté de gérer, de façon provisoire, la période de transition à compter du 1er novembre. Les cauchemars des Casablancais étant sans fin, la ville ne recevra de nouveaux bus que vers septembre ou octobre 2020. Pour tenter de comprendre à quel saint les Casablancais doivent se tourner, Yabiladi a tenté, depuis jeudi, de joindre le maire de la ville, Abdelaziz El Omari, qui occupe aussi le poste de vice-président de l'ECI, en vain. Notre rédaction a également tenté de joindre Imane Sabir, la mairesse de Mohammedia à la tête de l'ECI, sans réponse. Du côté des élus du PJD, aucun de ceux que nous avons pu rejoindre n'a souhaité répondre à nos sollicitations. Gestion du transport urbain, un cafouillage en série Joint par Yabiladi, Abdessadek Morchid, élu du RNI et membre de la majorité au sein du conseil de la ville, affirme avoir «la même ambiguïté» que les Casablancais. «Cette affaire n'est pas claire», tranche-t-il. Pourtant, c'est le RNI qui gérait auparavant la mobilité et le transport au conseil de la ville avant que ce dernier ne délègue la mobilité à l'ECI. «Nous avons accepté cela, malgré nous, pour sauvegarder la cohésion au sien de la majorité», se justifie Abdessadek Morchid. Il n'hésite pas d'ailleurs, à postériori, à fustiger un ECI qui «a un grand déficit en termes de gouvernance et de gestion» et même une Casa Transport qui «connait un certain nombre de difficulté de gestion très apparente». Mais l'origine des soucis des Casablancais est ailleurs et au-delà du syndrome du «délégataire déléguant», les ennuis ont commencé vers 2017 lorsque l'ECI avait décidé de mandater la SDL Casa Transports pour mener l'intégralité du processus de contractualisation avec un ou plusieurs exploitants pour remplacer M'dina Bus. Cette dernière avait alors saisi la justice pour débouter l'organisme représentant les 18 communes de la capitale blanche et le trainer en justice. Au final, le tribunal administratif de Rabat avait estimé que la SDL n'est pas habilité à lancer des appels d'offres au nom de l'ECI. Les 10 plaies de Casablanca Face à ce blocage, les élus de la capitale ont mal géré la situation. S'en est suit un débat sur le modèle économique, si c'est la mairie qui doit acheter les bus ou si c'est le nouveau gestionnaire… L'essentiel avait été ainsi oublié car normalement, le nouveau délégataire devait tout d'abord être connu pour se pencher sur la période transitoire. De plus, ce n'est qu'en juillet, soit à trois mois de l'expiration du contrat liant la ville à M'dina Bus, que le conseil de l'ECI ait décidé de retirer le dossier de réhabilitation du transport en commun par autobus à Casablanca à Casa Transport pour se le confier, de finalement aborder le financement de l'acquisition des 350 bus et de charger Casa Transport de l'accompagnement de la réalisation de cet accord de financement. M'dina Bus s'en va, mais pas ses bus ! Ces maux, Abdessadek Morchid les reconnait. Il dit aussi regretter que «les Casablancais doivent encore supporter l'état délabré du parc auto de M'dina Bus pendant 9 ou 10 mois» ; parc qui sera, si les informations se confirment, géré par Alsa. Ce flou a été également dénoncé depuis juillet par la Fédération de la gauche démocratique (FGD). Son parlementaire Mustapha Chennaoui semble aussi avoir beaucoup d'interrogations, tout comme l'ensemble des Casablancais. «Ces derniers vont-ils continuer avec la même ferraille ou est-il question de nouveaux bus ? On est à quelques jours de la fin de l'ancien contrat et le cahier de charge de la nouvelle entreprise n'est pas clair», nous déclare-t-il. «Que faisaient les membres du conseil de la ville, en sachant que le contrat avec M'dina Bus prend fin le 30 octobre ? Pourquoi ne pas avoir anticipé ?», fustige-t-il. L'élu de la FGD rappelle que celle-ci demande à ce que «l'Etat gère directement ou indirectement, à travers un établissement public, ce secteur vital pour une ville grande et stratégique comme Casablanca, à l'image de plusieurs grandes villes où le transport public est une affaire de l'Etat». Si la FGD se dit partisane de la fin de la gestion déléguée, le RNI a même proposé «la création d'une SDL pour assurer la mise à niveau du secteur et le préparer à la privatisation». Une suggestion qui n'a finalement pas séduit les élus. Pour l'instant, les Casablancais doivent encore prendre leur mal en patience et trouver d'autres moyens pour leur mobilité, en attendant de trouver une solution aux employés de M'dina Bus, d'une entente avec le nouveau gestionnaire Alsa et un miracle pour les 350 bus manquants...