Le décret est en cours de signature. La mesure entrera en vigueur avant fin 2006. Pour les filières en difficulté, des baisses consistantes sur les intrants. Cahiers scolaires, papier et carton, jus de fruits et confiserie, les secteurs traités d'urgence. Des droits de douane de 10% pour des produits exposés à la contrebande. La réforme tarifaire tant attendue est en voie d'être bouclée. La nouvelle grille des droits de douane concernant une liste importante de produits a été finalisée. Elle devra accompagner le décret qui concrétisera la réforme, lequel décret est à la signature auprès des différents départements concernés, comme nous l'ont révélé des sources au ministère de l'industrie et du commerce. Il sera par la suite soumis à l'approbation du conseil du gouvernement et des ministres avant d'être publié au Bulletin officiel. Selon le ministre de l'industrie et du commerce, Salah Eddine Mezouar, la réforme devra entrer en vigueur avant même la fin de l'année ou, au plus tard, en janvier 2007, au cas oà1 le gouvernement opterait pour l'incorporation de la réforme dans la Loi de finances pour l'année 2007. 10% de droits de douane pour le concentré de jus de fruits Le nouveau dispositif a nécessité plus d'un an et demi de travail, notamment de multiples réunions entre l'administration et les professionnels des secteurs concernés. Disons-le d'emblée, plusieurs secteurs sont concernés : dans la liste, on trouve les cosmétiques, certains produits agroalimentaires comme les jus, le lait, le café, et les conserves, les pièces de rechange pour l'automobile, les appareils électroménagers, le carton, le papier ainsi que les cahiers scolaires… bref, des centaines de références. La première grande nouveauté de la réforme, c'est d'abord un principe : ramener le plafond des droits de douane de son niveau actuel de 50 % à 45 %. Mais ce n'est là qu'une mesure à caractère général car, comme l'explique Salah Eddine Mezouar, les droits de douane ont été ramenés à 10, voire 2,5% pour certains produits. Pour accomplir tout ce travail, l'équipe en charge du dossier a préféré procéder selon deux approches. La première a consisté en une analyse par filières. Celles-ci ont été décortiquées une à une pour identifier, comme l'explique M. Mezouar, «les facteurs de non-compétitivité artificiels». En fait, comme l'explique le ministre, certains secteurs connaissent des aberrations flagrantes. C'est le cas par exemple des cahiers scolaires qui étaient soumis à un droit de douane de 50% au moment oà1 les fabricants locaux de cahiers devaient payer 50% sur le papier qu'ils importaient pour cela. Du coup, les fabricants de cahiers scolaires au Maroc, et de manière générale toute l'industrie du papier et du carton se sont retrouvés progressivement dans une situation de crise. Autre secteur qui était également en difficulté, celui des jus de fruits. Ainsi, au lieu du taux de 25% qu'ils payaient pour l'importation de concentrés, les industriels ne vont devoir payer que 10%, en plus d'une baisse des droits sur les emballages importés. D'autres filières bénéficieront aussi de baisses consistantes des droits de douane aussi bien sur les produits finis que sur les intrants comme, par exemple, la confiserie et chocolaterie, l'industrie du lait et de ses dérivés, les produits en conserve, le café torréfié, les fruits secs, les préparations alimentaires, les articles électroménagers, les pièces de rechange, surtout pour l'automobile, certains accessoires comme les lustres, sans oublier le carton et le papier. La liste n'est pas exhaustive, le ministère de l'industrie et du commerce n'ayant pas souhaité divulguer davantage de détails avant l'adoption du décret, par crainte de perturber le fonctionnement du marché intérieur. A la question de savoir comment et en fonction de quels critères les filières ont été choisies, le ministère répond clairement qu'il a fallu d'abord parer au plus urgent. Autrement dit, les pouvoirs publics ont préféré s'attaquer d'abord aux secteurs les plus en difficulté. D'oà1 le choix du papier et de la confiserie par exemple. L'exercice n'a pas été facile car il suppose la résolution d'une équation complexe. En effet, il s'agissait à la fois de donner aux producteurs nationaux des armes pour être plus compétitifs face aux produits étrangers, en baissant les droits de douane sur les intrants, et de ramener les droits de douane sur les produits finis à des niveaux raisonnables pour répondre aux exigences de l'OMC. Mais ce n'est pas tout. En plus de l'approche par filières, l'équipe qui a travaillé sur le projet a également planché sur un autre type de produits : ceux fortement exposés à la contrebande. Pour illustrer la démarche suivie, deux cas sont donnés en exemple par Salah Eddine Mezouar : les produits cosmétiques et les espadrilles. Ainsi, il fait remarquer, pour les premiers, que le produit cosmétique est aujourd'hui surprotégé à l'importation avec des droits de douane de 50%. Mais, paradoxalement, et malgré les importations massives sur le marché marocain, les recettes générées pour l'administration des douanes sont négligeables. Donc autant ouvrir le marché. Raison pour laquelle la réforme instaurera un droit de douane de 10% seulement sur les produits cosmétiques. Un taux jugé par les pouvoirs publics suffisamment dissuasif pour que les importateurs abandonnent la contrebande. Cela dit, il restera la question des industries locales de cosmétiques. Les artisans de la réforme y ont pensé et ont décidé de ramener à 2,5% seulement les droits de douane sur les intrants servant à la fabrication des cosmétiques. Des taux bas pour combattre la contrebande mais aussi la sous-facturation Le deuxième cas est celui des chaussures de sport. En analysant cette filière, les spécialistes se sont rendu compte d'une grande aberration. Aujourd'hui, explique-t-on au ministère de l'industrie et du commerce, le marché marocain consomme chaque année près de 9 millions de paires d'espadrilles qui sont totalement importées puisque personne au Maroc n'en fabrique. Et pourtant, là aussi, l'administration des douanes n'en tire strictement rien en termes de recettes malgré un droit de douane de 50%. Conclusion : tout, ou presque, est importé en contrebande. A quoi bon alors maintenir un taux de 50 % si, par ailleurs, il n'y a pas d'industrie locale à protéger. Solution : le droit de douane sera ramené à 10% seulement. A l'instar de ces deux cas, Salah Eddine Mezouar révèle que tous les produits exposés à la contrebande ont été traités un à un et dans le même état d'esprit : ramener les droits de douane à des niveaux bas de manière à décourager le recours à la contrebande. Dans la foulée, la réforme permettra d'atteindre d'autres objectifs. En effet, la baisse des droits de douane est censée, en plus, mettre fin au phénomène de la sous-facturation, en incitant les opérateurs à déclarer la valeur réelle de leurs marchandises. Elle permettra également de réduire le différentiel de taxation entre les pays ayant des accords de libre-échange avec le Maroc et le reste du monde, afin d'éviter le détournement des importations et encourager la diversification des pays fournisseurs. Enfin, les pouvoirs publics escomptent une baisse des prix sur le marché intérieur suite à la baisse des droits de douane aussi bien sur les intrants que sur les produits finis. Et même la douane, qu'on pourrait a priori croire lésée par la baisse des droits, devrait y trouver son compte. Salah Eddine Mezouar en est convaincu : la baisse du niveau de taxation non seulement n'engendrera pas une baisse des recettes mais, au contraire, devra les tirer à la hausse. Il rappelle, pour exemple, le cas des téléviseurs au début des années 90. 2007 sera donc une année-test pour la réforme sachant que le travail se poursuit pour une deuxième vague de produits car, il faut le rappeler, le Maroc est tenu par les accords de l'OMC et s'était engagé sur un niveau maximum des droits de douane de 20% à atteindre en 2012 Aberrations Les chaussures de ski taxées à 50 % ! Pour protéger qui ? Des droits de douane de 50%, pour quoi faire et pour protéger qui ? En voulant répondre à cette question, le groupe de travail qui a préparé la réforme tarifaire a souvent trouvé des situations incohérentes. C'est le cas, comme cité précédemment, des espadrilles que personne ne fabrique au Maroc. Mais c'est également le cas d'une multitude d'autres produits comme les allumettes dont les producteurs sont au nombre de deux ou trois tout au plus. Pour les jus de fruits, au sujet desquels il y a eu tout un débat à cause de l'importation massive de jus des Emirats, notamment, il y a tout au plus deux ou trois producteurs, sachant que le plus gros, en l'occurrence Frumat, a disparu. On trouve d'autres aberrations comme un droit de douane de 50% sur les importations de chaussures de ski et de surf sur neige…