Réunis jeudi 2 février 2005 à la Primature autour de la question des droits de douane, Salah Eddine Mezouar et Rachid Talbi Alami, par conseiller interposé, ont revélé l'étendue de leur discorde. L'un veut baisser les droits de douane sur les intrants, l'autre veut les maintenir. Réunion houleuse au siège de la Primature jeudi dernier autour de l'épineux problème de la réforme tarifaire. Face à Driss Jettou, deux ministres, Salah Eddine Mezouar, du Commerce, de l'Industrie et de la mise à niveau de l'Economie et Mohamed Mechahouri, du Commerce extérieur. Rachid Talbi Alami, ministre des Affaires économiques, se fera représenter par un membre de son département. Les débats se déroulaient en présence d'une pléthore de cadres de l'administration des Finances et surtout des représentants de la Douane, institution en pleine remise en cause suite aux nombreux accords de libre-échange signés ces dernières années par le Maroc. Deux visions s'affrontaient. Pour M. Mezouar, baisser les droits de douane sur les intrants était plus qu'une nécessité afin de relancer l'industrie marocaine. La nourriture de bétail et l'industrie de la biscuiterie, qui paient des droits de douane élevés en profiteraient énormément, selon le ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Mise à niveau de l'économie. De son côté, Rachid Talbi Alami, via son représentant, opposait à l'ancien président de l'Association des industries textiles (AMITH) une autre vision tout aussi argumentée: «Une baisse des droits de douane, volontiers, mais encore faudrait-il que le processus soit contrôlé». En fait, Talbi Alami s'inquiète des répercussions de l'abaissement des barrières tarifaires sur certains secteurs industriels et agricoles du Maroc. Le ministère de l'Industrie et du Commerce rétorque, qu'il faudrait, pour libérer l'entreprise marocaine de l'informel, baisser les droits de douane sur les intrants. «Donnez lui aussi les moyens de se défendre à armes égales face à la concurrence étrangère» ! Parmi les secteurs les plus concernés, outre les biscuiteries, les chocolats et les confiseries, il y a aussi les huiles et les produits laitiers. Il serait aberrant, dit-on dans les couloirs du ministère de l'Industrie et du Commerce, «de maintenir des droits de douane élevés d'un côté sur les intrants et de l'autre baisser voire annuler ces mêmes droits sur les produits finis entrant au Maroc». Loin de profiter au pays, cette semi-protection handicaperait en fait les exportations et ferait le bonheur des importateurs. D'ailleurs, les recettes tirées des droits de douane sur les importations ont augmenté significativement, alors que toutes les analyses tablaient sur un manque à gagner consécutif aux accords de libre-échange. Autant d'arguments qui ne désarment guère Talbi Alami dont le département craint, qu'en abaissant les intrants, quelques pans du tissu industriel marocain n'en paient le prix. Cas de la plasturgie, laminée par les importations chinoises et surtout des producteurs de maïs. Ces derniers, «au nombre d'une dizaine», selon les partisans de la baisse, valent-ils mieux que toute l'industrie de l'élevage de la volaille et du bétail réunis ? Le maïs entre dans 75% du produit de l'aliment de volaille. Détaxer cet intrant reviendrait pour le consommateur final à payer son poulet beaucoup moins cher qu'il ne l'est actuellement. En tout cas, ce n'est pas la FISA (Fédération industrielle du secteur avicole) qui s'en plaindrait.