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Syrie : traduction de l'édito de Vladimir Poutine au New York Times
Publié dans Lakome le 13 - 09 - 2013

Le 11 septembre 2013, le président russe rappelle fermement ses positions à l'administration Obama au sujet de la crise Syrienne, via le média américain de référence, le New York Times. Lakome.com publie la traduction française de l'article de Poutine, telle que publiée par le site français ragemag.fr
Les récents événements autour de la Syrie m'ont poussé à m'adresser directement au peuple américain et ses représentants politiques. Cela devient une nécessité dans cette période où les communications entre nos sociétés sont insuffisantes.
Les relations entre nous ont connu différents niveaux. Nous étions adversaires pendant la Guerre Froide mais nous étions aussi alliés un temps, pendant lequel nous avons vaincu l'Allemagne nazie ensemble. L'organisation internationale universelle – les Nations Unies – avait été créée au terme du conflit pour empêcher une telle dévastation d'arriver une nouvelle fois.
Les fondateurs des Nations Unies comprenant que les décisions concernant la guerre et la paix ne sauraient être prises que par consensus, avec le consentement américain, le veto des membres permanents du Conseil de Sécurité fut gravé dans la Charte des Nations Unies. La profonde sagesse de cette décision a mis en place les bases de la stabilité des relations internationales pour des décennies.
Personne ne souhaite que les Nations Unies ne connaissent le même sort que la Société de Nations, qui s'était effondrée du fait d'un manque de réel moyen d'action. Cela est toujours possible si les pays les plus influents passent outre les Nations Unies et agissent militairement sans l'aval du Conseil de Sécurité.
Les frappes potentielles par les Etats-Unis contre la Syrie, en dépit d'une opposition forte de nombreux pays et de figures politiques et religieuses majeures, notamment le Pape, ne pourraient que causer un nombre de victimes innocentes et une escalade du conflit, étendant potentiellement la crise loin au-delà des frontières syriennes. Des frappes ne feraient que propager la violence et créer une nouvelle vague de terrorisme. Elles mineraient les efforts multilatéraux visant à résoudre le problème nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien, et participeraient à une déstabilisation toujours plus grande du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Ces frappes pourraient ainsi complètement déséquilibrer l'ordre du système international.
La Syrie n'est pas le champ de bataille d'une lutte pour la démocratie, mais d'un combat armé entre le gouvernement et son opposition dans un pays multi-religieux. Il existe quelques champions de la démocratie en Syrie. Mais il y a aussi plus qu'assez de combattants d'Al-Qaïda et d'extrémistes de tout bord combattant le gouvernement. Le Département d'Etat américain a désigné Al-Nosra, et l'Etat islamique d'Irak et du Levant, qui combattent avec l'opposition, comme des groupes terroristes. Ce conflit interne, alimenté par des armes fournies à l'opposition par des pays étrangers, est aujourd'hui un des plus sanglants dans le monde.
Les mercenaires des pays arabes qui combattent là-bas, et les centaines d'activistes venus de pays européens, y compris de Russie, sont pour nous sujets de profonde inquiétude. Ne pourraient-ils pas rentrer dans nos pays avec l'expérience acquise en Syrie ? Après tout, après avoir combattu en Libye, les extrémistes se sont déplacés au Mali. C'est une menace pour nous tous.
Depuis le début, la Russie a souhaité favoriser un dialogue pacifique, permettant aux Syriens de développer une solution de compromis pour leur avenir. Nous ne protégeons pas le gouvernement syrien, mais le droit international. Nous devons passer par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, et pensons que préserver le droit et l'ordre internationaux, dans le monde complexe et mouvementé d'aujourd'hui, est l'une des seules façons d'empêcher les relations internationales de sombrer dans le chaos. Le droit reste le droit, et nous devons le suivre que nous le voulions ou non. Selon le droit international actuel, l'utilisation de la force est permise dans les seuls cas d'auto-défense et de décision du Conseil de Sécurité. Toute autre mesure est inacceptable selon la Charte des Nations Unies, et constituerait un acte d'agression.
Personne ne doute que l'arme chimique a été utilisée en Syrie. Mais toutes les preuves portent à croire qu'elle a été utilisée non par l'armée syrienne, mais par les forces de l'opposition, afin de provoquer l'intervention de leurs puissants alliés étrangers, qui se joindraient aux fondamentalistes. Les rapports indiquant que les activistes sont en train de préparer une nouvelle attaque – cette fois contre Israël – ne peuvent être ignorés.
Il est alarmant que l'intervention militaire dans les conflits internes à l'étranger soit devenue chose ordinaire pour les Etats-Unis. Est-ce dans l'intérêt de l'Amérique à long terme ? J'en doute. Des millions de personnes à travers le monde considèrent de plus en plus l'Amérique non comme un modèle de démocratie, mais un modèle reposant uniquement sur la force, fabriquant artificiellement des coalitions sous le slogan du « vous êtes avec nous ou contre nous ».
Mais la force s'est montrée inefficace et vaine. L'Afghanistan est bousculé, et nul ne peut présager de ce qui se passera après le retrait des forces internationales. La Libye est divisée entre tribus et clans. En Irak la guerre civile continue, et fait des douzaines de morts chaque jour. Aux Etats-Unis, beaucoup font la comparaison entre l'Irak et la Syrie, et se demandent pourquoi leur gouvernement voudrait répéter les mêmes erreurs.
Les frappes auront beau être très précises et les armes très sophistiquées, les pertes civiles sont inévitables, y compris de personnes âgées et d'enfants, que les frappes sont censées protéger.
La réaction des pays est de penser que comme ils ne peuvent compter sur le droit international, alors ils doivent trouver d'autres moyens pour assurer leur sécurité. Un nombre croissant de pays cherchent donc à acquérir des armes de destruction massive. Ce qui est logique : si vous possédez la bombe, personne n'osera vous attaquer. Nous en sommes à discuter de la nécessité de renforcer la non-prolifération des armes, alors qu'en réalité ce n'est déjà plus le sujet.
Nous devons cesser d'utiliser le langage de la force et reprendre le chemin d'un dialogue politique et diplomatique civilisé.
Ces derniers jours, une nouvelle opportunité d'éviter des actions militaires a émergé. Les Etats-Unis, la Russie et tous les membres de la communauté internationale doivent profiter de la volonté du gouvernement syrien d'accepter de placer ses stocks d'armes sous contrôle international en vue de les détruire. A en juger par les déclarations du président Obama, les Etats-Unis voient cela comme une alternative à l'action militaire.
Je me réjouis de la volonté du président [Obama] à poursuivre le dialogue avec la Russie sur la Syrie. Nous devons travailler ensemble pour maintenir cet espoir vivant, comme nous l'avons convenu lors de la réunion du Groupe des 8 à Lough Erne en Irlande du Nord en juin dernier, et réorienter ainsi le débat vers des négociations.
Si nous pouvons éviter d'utiliser la force contre la Syrie, cela détendra l'atmosphère des relations internationales et renforcera notre confiance mutuelle. Ce sera notre réussite commune qui permettra des coopérations futures sur d'autres questions cruciales.
Mes relations avec le président Obama – tant au niveau professionnel que personnel – sont marquées par une confiance mutuelle croissante. Ce que j'apprécie. J'ai soigneusement écouté son discours à la nation mardi. Et je ne partage pas vraiment son point sur l'exceptionnalisme américain, dans lequel il affirme que la politique des Etats-Unis est « ce qui fait la différence de l'Amérique ». Il est extrêmement dangereux — quelle qu'en soit la motivation — d'encourager les gens à se considérer exceptionnels. Il y a de grands pays et des petits pays, des riches et des pauvres, ceux qui ont une longue tradition démocratique et ceux qui avancent encore sur le chemin vers la démocratie. Leurs politiques diffèrent, également. Nous sommes tous différents, mais quand nous demandons la bénédiction du Seigneur, nous ne devons pas oublier que Dieu nous a créés égaux.
Traduit par Benjamin Lair, Anna Gueye et Victor Rongier.
Source : http://ragemag.fr/syrie-vladimir-poutine-new-york-times-41179/


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