Rencontre avec la jeune Rita qui construit sa carrière musicale sans empressement, et écoute en avant-première de « h.u.b », petit bijou sur l'importance du vide, ainsi que la vie de tous les jours, ballottée entre passion et déchirement. Offert, « FRIO », extrait de son Ep à paraitre le 8 novembre, s'écoute ici-même. Suivez La Vie éco sur Telegram Impossible de ne pas remarquer Rita L'Oujdia, Rita Kribi dans le civil, si vous vous retrouvez à portée de sa voix. Non qu'elle cherche absolument à se distinguer, mais son rire tonitruant résonne à tout bout de champ. Et, s'il y a un trait qui la définit, c'est bien sa bonne humeur contagieuse, qui la rend infiniment attachante. Derrière son allure de jeune femme turbulente se cache une artiste habitée, loin d'être née de la dernière pluie. Née au Maroc il y a un peu plus de vingt ans, Rita est tombée dans la musique comme Obélix dans la potion magique. Dès l'âge de quatre ans, elle fréquente une école de musique et, très vite, se met à dévorer toutes les mélodies qui se présentent à elle. C'est une écoute compulsive, une passion qui ne la quitte jamais. Fascinée par la flûte à bec, qu'elle choisit parce que son père en jouait, elle se plonge dans la musique avec une intensité rare, nourrissant une obsession qui la pousse à imaginer devenir chanteuse. Et elle le devient. «J'ai étudié la musique baroque pendant quatorze ans et le jazz pendant deux ans. Mes années passées au conservatoire m'ont énormément enrichie et m'apportent aujourd'hui dans mes chansons : l'improvisation, l'ornementation, la préparation de récitals, le solfège, le jeu en groupe, l'écoute mutuelle, l'arrangement, et bien d'autres compétences», souligne-t-elle. Après avoir produit à ses frais deux albums, Ink en 2016 et Kontrol en 2019, qui ne trouvèrent pas grâce aux yeux d'éditeurs déconcertés par la novation des compositions, Rita ne s'est pas laissée décourager. Ces albums étaient peut-être en avance sur leur temps ?! Elle n'en prit pas ombrage et remit l'ouvrage sur le métier tant et si bien que New District en fut séduit. Ce label indépendant, une filiale d'Ali n' Productions créée en 2020 par Nabil Ayouch, lui a permis de bénéficier de moyens supplémentaires, en lui offrant une campagne d'affichage à travers le Maroc. «Cependant, depuis un an et demi, je suis de nouveau indépendante, sans label ni management. Ce projet est donc le premier grand travail que je réalise depuis la fin de ma collaboration avec New District, marquant ainsi un renouveau profondément personnel, entièrement conçu et réalisé par moi-même», nous informe Rita, toujours pleine d'énergie, prête à se lancer dans une nouvelle aventure. Un souffle de voix plaintive Avec son nouvel Ep, h.u.b (Heart Under Blitz), Rita franchit un nouveau cap. Après quelques opus qui lui ont permis de se faire un nom, cette œuvre de six titres est une véritable affirmation de son identité artistique. «Il était essentiel pour moi de signifier, dès le titre, que cet Ep est un voyage, un paradoxe, tout comme l'amour. En prêtant attention aux titres, écrits parfois en majuscules, parfois en minuscules, voire un mélange des deux, on perçoit ce sentiment de chaos, de mouvement, de hauts et de bas. Chaque morceau incarne une étape spécifique d'une relation. On y trouve ainsi des références à l'amour passionnel, à la rupture, à la toxicité, à l'infatuation, à la co-dépendance, au pardon, et bien d'autres nuances encore », explique-t-elle. C'est un projet qui dit long sur la vulnérabilité, et où Rita aborde des thèmes aussi variés que l'amour, la passion, le désespoir et l'émancipation. À travers des chansons qui évoquent les complexités des relations modernes, elle nous rappelle combien il n'y a qu'un pas entre l'amour et le cœur brisé. « Ecrire cet Ep, c'était pour moi accepter que la force réside aussi dans la vulnérabilité. Aimer, c'est affronter ses propres démons, et l'on ne grandit qu'en s'acceptant pleinement, en tant qu'être sensible, en tant que femme forte, deux réalités qui ne s'opposent pas », dit-elle. Musicalement, h.u.b est audacieux. Rita, scandaleusement douée, sait tout faire et cultive un éclectisme musical singulier. Elle absorbe les influences du reggaeton au raï, du reggada à la house, tout en gardant seulement l'essentiel : son propre son, sa propre voix. On y retrouve des influences aussi diverses que Cheb Khaled, Daddy Yankee, Rosalia ou encore Chikha Rimitti, mais c'est bien Rita qui domine. Elle possède ce don inouï de nous transporter d'un horizon musical à l'autre, sans crier gare. Un instant, nous sommes en Espagne avec des accents de flamenco, puis nous plongeons dans le raï ou le chaâbi, avant de retourner à la case départ, toujours surpris, toujours captivés. Sur cet EP, Rita nous paraît plus mature, plus sûre d'elle, mais toujours empreinte d'une fragilité qui touche au cœur. Les refrains sont charmants, des complaintes qui réchauffent le cœur et imprègnent l'âme. Elle alterne sans effort entre l'espagnol, l'anglais et la darija, nous surprenant à chaque transition. « J'ai écrit, composé et arrangé cet Ep en tant que musicienne avant tout » h.u.b est aussi l'accomplissement de plusieurs années de travail acharné, et le projet final de son bachelor en ingénierie du son. Rita a écrit, produit et enregistré elle-même cet Ep, s'impliquant dans toutes les étapes de la création. Elle a expérimenté des techniques de mixage créatives, tout en dirigeant les musiciens qui l'entouraient. Parmi eux, on retrouve des talents comme le violoniste Bassel Hariri, le pianiste prodige Aley Baracat, ou encore le batteur mexicain Rodrigo Vargas. « Pour la première fois, mes premières influences se révèlent pleinement dans ma musique. On retrouve ainsi la flûte à bec et des accords baroques dans ''Perreo Triste'', des arrangements jazz dans ''Into You'', et de nombreux instruments joués en live tout au long de l'Ep, notamment dans ''NTAYA''. J'ai écrit, composé et arrangé cet Ep en tant que musicienne avant tout, en collaborant avec des musiciens talentueux qui ont donné vie à ma vision », affirme-t-elle. Rita n'a jamais cessé de nous émouvoir par sa fraîcheur inébranlable. Depuis ses premières performances, comme celles au BIMM Freshers – Hootananny en 2021 ou au MARSM Swana hip-hop à Londres en 2022, elle a su captiver son auditoire. On la retrouve aujourd'hui plus assurée, avec un projet qui marque une étape décisive dans sa carrière. Avec son visage poupin, son regard pétillant et ses gestes exubérants, Rita se révèle, d'emblée, infiniment attachante. Nous avons pu prendre la mesure de son pouvoir de séduction quelques jours avant l'écriture de ses lignes, et où elle força l'admiration par sa manière de se raconter. Parole douce et déliée. Nous étions rassurés de voir qu'elle est bien là, sur la bonne voie. Et ce n'est pas tout. Elle a récemment sauté sur l'aubaine de figurer parmi les artistes invité.e.s à Visa For Music 2024. Elle fera merveille. La sympathique Rita L'Oujdia a de beaux jours devant elle.