Alors que l'épisode de la Samir semble arriver à sa dernière saison, le débat sur l'avenir de la raffinerie de Mohammedia reste dans les esprits. Près de dix ans après l'arrêt de son activité, une remise en service serait-elle viable ? En octobre 2021, on se souvient du discours symbolique du Souverain appelant à consolider la sécurité stratégique du pays, « en créant un dispositif national intégré ayant pour objectif la réserve stratégique de produits de première nécessité ». Ce dispositif inclut notamment les produits énergétiques, comme les hydrocarbures et le charbon. Dans un contexte mondial où l'énergie guide l'action économique, et face à l'explosion des coûts du pétrole et du gaz naturel, disposer d'un stock stratégique devient crucial. Le contexte inflationniste, lié à la hausse des prix des carburants ces dernières années, relance ainsi le débat autour de la Samir. Pour rappel, le dossier de la Samir, en cette année 2024, semble prendre une trajectoire de conclusion. À l'issue d'une longue procédure, entamée en mars 2018, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), organisme rattaché à la Banque mondiale, a rendu son verdict en juillet dernier. Il a condamné le Maroc à verser une amende de 150 millions de dollars au groupe suédois Corral Petroleum, détenu par le milliardaire saoudo-éthiopien Mohammed Al Amoudi, actionnaire majoritaire à 67 % de la Société anonyme marocaine de l'industrie du raffinage (Samir). Cette décision a conduit à un recours de l'Etat marocain, enregistré le 3 septembre dernier, selon le site officiel du CIRDI. En attendant la décision de l'institution, l'idée d'un nouvel avenir pour la Samir demeure vivace. Lire aussi | La SAMIR. Le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie propose une souscription publique via le marché boursier En mars 2023, les employés de la Samir avaient manifesté à Mohammedia pour réclamer la reprise des activités malgré les obstacles juridiques qui entourent l'entreprise. Inactive depuis 2015 en raison d'impôts impayés et d'autres difficultés, la fermeture de la Samir a laissé le pays dépendant des importations de pétrole raffiné, soumises aux fluctuations des marchés internationaux, toujours plus volatiles. Pour l'expert en énergie Amin Bennouma, « il y a une véritable urgence aujourd'hui à trancher sur ce dossier afin de rassurer les salariés et libérer le potentiel des investisseurs intéressés ». Dans les arcanes du gouvernement, l'attentisme semble s'atténuer. Le porte-parole de l'Exécutif, Mustapha Baitas, a déclaré lors d'une conférence de presse : « Le gouvernement, qui soutient la relance de cette importante installation nationale, fera son possible au niveau organisationnel et institutionnel pour atteindre cet objectif et permettre à cette société de contribuer à nouveau à la production nationale. » Une déclaration qui laisse entrevoir un certain optimisme pour l'avenir. Relance : chimère ou réalité ? Selon le Front national pour la sauvegarde de la Samir (FNSS), le redémarrage de l'activité de raffinage nécessiterait 220 millions de dollars et pourrait être opérationnel en huit mois. Cependant, l'entreprise, qui employait 867 salariés à l'époque, a accumulé des dettes dépassant 45 milliards de dirhams (4,16 milliards d'euros), notamment envers la douane, ce qui a conduit à son arrêt en août 2015. En février 2019, le Conseil de la concurrence soulignait l'importance de la Samir dans son rapport sur le plafonnement des marges des pétroliers. « Avant sa mise à l'arrêt en août 2015, la Samir approvisionnait le marché national à hauteur de 64 % des besoins en produits raffinés et détenait plus de 50 % des capacités de stockage du pays, assurant ainsi la sécurité nationale contre toute pénurie éventuelle, » regrettait Driss Guerraoui, alors président du Conseil de la concurrence. Lire aussi | La capacité de stockage des carburants au Maroc stable au T2, selon le Conseil de la concurrence Pour l'expert Bennouma, « il est impératif de mettre en place un plan de relance basé sur une augmentation des capacités de production, une mise à niveau technologique, et la mobilisation de fonds importants pour régler les créances. » Il ajoute : « Si ce projet doit revivre, il faut une raffinerie avec une capacité très élevée. En Europe, par exemple, des acteurs comme Chevron envisagent de fermer les petites raffineries de l'ordre de 20 millions de tonnes de production. » Energie renouvelable ou hydrocarbures ? Face aux défis de souveraineté énergétique et de transition écologique, le Maroc a investi massivement dans les énergies renouvelables. Cependant, le contexte inflationniste a ramené le débat sur les hydrocarbures au premier plan. Dans une émission diffusée en juillet 2022 sur Med Radio, El Houssine El Yamani, président du FNSS, expliquait : « Si le Royaume utilisait les installations de la Samir pour raffiner au moins une partie de son pétrole, il aurait pu économiser 38 milliards de dirhams en 2022, soit près d'un quart de la facture énergétique totale, payée intégralement en devises. » Un futur incertain À ce jour, les discussions se poursuivent avec les investisseurs potentiels, qui ont présenté des offres allant de 1,8 à 2,8 milliards de dollars. Les actifs de la raffinerie sont estimés à 21 milliards de dirhams, mais la relance de la Samir dépend encore de décisions politiques, économiques et juridiques complexes. La Samir reste un symbole : à la croisée des chemins entre dépendance énergétique et ambition stratégique, sa réouverture pose une question essentielle pour l'avenir du secteur énergétique marocain.