Poutine a surpris son monde. Sa proposition démontre qu'il a un réel impact sur le régime Syrien et qu'il peut en obtenir des concessions importantes. La destruction des armes chimiques sans contrôle international était inimaginable, il y a quelques jours. Cela complique les affaires d'Obama et de Hollande. Les deux avaient fait de l'usage des armes chimiques dans le conflit syrien une ligne rouge. Le Président américain n'est pas un amateur de guerre. Il a toujours critiqué les interventions en Afghanistan et en Irak. Il dégage de l'émotion quand il parle des victimes. Sa réaction face à l'horreur des massacres en Syrie, c'est sincère, sauf que l'humanitaire, dans ce conflit comme dans bien d'autres, ne pèse pas lourd face aux considérations stratégiques. Il faut bien évidemment négocier avec la Russie. Cette puissance considère qu'elle a été blousée sur la Lybie. Le Conseil de sécurité avait décidé une zone d'exclusion aérienne, les occidentaux l'ont utilisée pour abattre Kadhafi. Le Maghreb ne fait pas partie des priorités russes, le Moyen- Orient, Si. Moscou ne peut pas accepter de gaieté de coeur d'être expulsé de l'un des points géographiques où on joue l'avenir du monde tant sur le plan politique qu'économique. Malgré son visage hideux, le régime syrien est l'un des ancrages de la présence russe dans la région. L'autre, c'est l'Iran. Les mollahs et les anciens communistes sont alliés. Les deux pays sont des frontières communes. Il est peu réaliste de croire que Moscou ne réagira pas à une éventuelle opération militaire contre l'Iran sous le prétexte du nucléaire. L'Iran est aussi un acteur incontournable dans la région. Par les liens qu'il a avec les communautés chiites, le pouvoir des mollahs peut être un élément de stabilisation ou de déstabilisation. Ce sont des réalités qu'un chef d'Etat, même celui de la première puissance mondiale, doit intégrer dans sa réflexion. L'affaire syrienne se complique encore plus quand on sait qu'au désir de démocratie a succédé un positionnement confessionnel. De manière majoritaire, les sunnites sont dans l'opposition, les autres, tous les autres, y compris les Kurdes, sont derrière le régime Assad, parce qu'ils craignent l'éradication d'une possible république islamique. Comme on le voit, la question de la Syrie ne relève malheureusement pas des reflexes humanitaires. Elle menace de déstabiliser le Liban et la Jordanie de manière éminente. Sa résolution ne peut être militaire seulement. Non pas que le régime soit d'une grande force, mais parce que les enjeux stratégiques sont d'une importance capitale. L'initiative russe est à mesurer à cette échelle. Elle permet à l'ensemble des puissances concernées d'entamer un processus qui neutralise, en y répondant, leurs appétits dans la région. C'est la voix de la sagesse, même si on peut regretter que les désirs du peuple syrien n'y soient pour rien.