Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé samedi avoir l'impression que les pays impliqués dans la crise syrienne «priaient» pour que Moscou et Pékin continuent de bloquer toute intervention, à laquelle ils ne sont pas prêts. Le chef de la diplomatie de Poutine a aussi estimé qu'aucun camp ne gagnera la guerre civile en Syrie et que la Chine et la Russie seraient bien incapables de convaincre Bachar al Assad de quitter le pouvoir même si elles essayaient. «Personne n'a envie d'une intervention. Il semble même parfois qu'ils prient pour que la Russie et la Chine continuent de bloquer toute autorisation d'une intervention, parce que dès que ce sera autorisé, ils devront agir, et personne n'est prêt à agir», a déclaré M. Lavrov, selon l'agence de presse publique Ria Novosti. «Nous avons simplement la conviction que le Conseil de sécurité de l'ONU ne doit plus adopter aucune décision ambigüe, en particulier après que nos partenaires se furent comportés de manière absolument insensée avec la résolution sur la Libye», a-t-il ajouté. La Russie est de facto l'un des derniers soutiens du régime syrien, auquel elle vend des armes. Elle s'en défend, soulignant défendre le droit international et craindre le chaos et le terrorisme. Elle a, avec la Chine, bloqué jusqu'ici tous les projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le président Bachar al-Assad et ouvrant la porte à des sanctions voire au recours à la force. Moscou avait permis en mars 2011, en s'abstenant comme Pékin au Conseil de sécurité, l'adoption d'une résolution sur une zone d'exclusion aérienne en Libye. Mais elle avait ensuite accusé les Occidentaux d'outrepasser les termes de cette résolution avec l'ampleur de leur intervention aérienne qui avait mené à la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi. Par ailleurs, M. Lavrov a affirmé que les Occidentaux exprimaient en privé la crainte que les armes chimiques du régime ne tombent entre les mains de certaines factions de l'opposition. «Nos partenaires américains reconnaissent dans nos conversations que la principale menace serait que les combattants s'en emparent», a-t-il dit selon Ria Novosti. «Il y a de tout parmi eux, y compris une organisation que les Américains ont déclarée terroriste», a-t-il ajouté. «D'après nos informations et celles des services secrets américains et européens, le gouvernement (syrien) fait actuellement tout ce qu'il peut pour que ces armes soient en sécurité», a déclaré M. Lavrov. «Pour l'instant, d'après nos informations, qui correspondent à celles des Occidentaux, les armes (chimiques) sont sous contrôle. Les autorités syriennes les ont rassemblées dans un ou deux centres. Avant, elles étaient dispersées dans tout le pays», a-t-il ajouté. «Nous leur disons (aux Occidentaux) : les gars, mais vous soutenez l'opposition, y compris dans la lutte armée : il peut se produire ce dont vous avez peur, il faut décider de vos priorités», a encore déclaré le ministre russe. Selon des experts, la Syrie dispose de stocks d'armes chimiques qui datent des années 1970 et sont les plus importants du Moyen-Orient, avec des centaines de tonnes. La communauté internationale a multiplié au début du mois les mises en garde à Damas contre le recours à ces armes chimiques, après des que des responsables américains avaient affirmé sous couvert de l'anonymat que des préparatifs étaient en cours. Le régime syrien a reconnu pour la première fois fin juillet posséder des armes chimiques et a menacé de les utiliser en cas d'intervention militaire occidentale, mais jamais contre sa population. Un conflit sans vainqueur potentiel ? Par ailleurs, Sergueï Lavrov estime qu'aucun camp ne gagnera la guerre civile en Syrie et que la Chine et la Russie seraient bien incapables de convaincre Bachar al Assad de quitter le pouvoir même si elles essayaient. Les propos tenus il y a une dizaine de jours par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, évoquant la possibilité d'une victoire de la rébellion, et l'envoi d'une flottille pour d'éventuelles évacuations de ses ressortissants montrent que Moscou, dernier grand allié de Damas sur la scène internationale, se positionne pour l'après-Assad. Mais le pays martèle en public que sa position n'a pas changé, plaidant pour un gouvernement de transition sans exiger le départ d'Assad. «Ecoutez, personne ne va gagner cette guerre», a déclaré Lavrov à des journalistes l'accompagnant vendredi de Bruxelles, où se tenait un sommet UE-Russie, à Moscou. Ses propos ont été autorisés à la publication samedi. Le chef de la diplomatie russe a répété que la Russie avait rejeté des demandes émanant de pays de la région en vue de faire pression sur Assad pour qu'il parte, ou pour lui offrir un sanctuaire. Son départ, a estimé Lavrov, ne ferait qu'aggraver encore les affrontements. «Des puissances régionales ont suggéré de dire à Assad que nous sommes prêts à le recevoir», a-t-il dit. «Et nous avons répondu: ‘Pourquoi serait-ce à nous de faire ça? Si vous avez ce genre de projet, allez-lui présenter directement'.» Sergueï Lavrov a précisé que l'émissaire international sur la Syrie, Lakhdar Brahimi, se rendrait à Moscou avant la fin de l'année. Le ministre des Affaires étrangères a également évoqué l'arsenal chimique syrien, qui inquiète la communauté internationale. «Actuellement, le gouvernement (syrien) fait tout ce qu'il peut pour assurer la sécurité (des armes chimiques), selon les renseignements que nous avons et que les Occidentaux ont.» «Les autorités syriennes ont concentré leurs dépôts d'armes, autrefois dispersés dans le pays, dans un ou deux centres», a dit Lavrov.