Pas de preuves, pas de témoins : seuls les aveux des accusés semblent avoir été pris en compte par le tribunal militaire de Rabat pour rendre son verdict, dénonce ce lundi l'ONG américaine Human Rights Watch. Human Rights Watch a publié ce lundi un communiqué pour dénoncer le jugement rendu par le tribunal militaire de Rabat contre 25 détenus sahraouis. Bien que le procès se soit terminé en février, c'est seulement dans la semaine du 18 mars dernier que le jugement écrit a été rendu public. D'après ce jugement, le tribunal militaire semble s'être basé uniquement sur les aveux des détenus, obtenus sous la torture selon certains d'entre eux. « Les pertes en vies humaines à Gdeim Izik sont certes déplorables, mais le ministère public n'a pas su établir de façon crédible, après 26 mois de détention provisoire pour la plupart des accusés, que ces derniers soient responsables des violences », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « À maintes reprises nous avons vu des procureurs marocains, lors de procès politiquement sensibles, fournir non pas des preuves matérielles ou des témoignages démontrant la culpabilité des accusés, mais de simples aveux obtenus dans des circonstances douteuses. » Le jugement écrit du tribunal ne détaille pas les preuves sur lesquelles il s'est fondé pour déclarer coupables tous les accusés. Vu qu'il ne mentionne aucune autre pièce à conviction, le verdict semble bien reposer sur les aveux contestés des accusés à la police. Or le tribunal a rejeté les requêtes présentées par la défense d'enquêter sur les allégations des accusés, selon lesquelles les policiers les ont torturés et forcés à signer des procès-verbaux qu'ils n'avaient pas lus. Au lieu de cela, le tribunal a accepté l'argument du procureur, selon lequel les accusés avaient omis de demander un examen médical lors de leur première comparution devant le juge d'instruction, et qu'il s'était écoulé trop de temps depuis. Par ailleurs, relève HRW, aucun témoin à charge lors du procès n'a pu identifier un seul accusé comme responsable d'actes violents. L'accusation a présenté des armes qui auraient été saisies par la police dans le camp de Gdeim Izik, mais n'a pas fourni de preuves scientifiques ou médico-légales impliquant les accusés. Le seul lien entre les accusés et les armes se trouvait dans leurs aveux contestés. Hormis ces aveux contestés des accusés, le ministère public a fourni très peu de preuves, voire aucune, qui puisse imputer la mort de membres des forces de sécurité à l'un des accusés. Le jugement écrit ne mentionnait pas en quoi les pièces à conviction vidéos et photographiques présentées au tribunal pourraient mettre en cause les accusés à titre individuel. Ces documents montrent des scènes de violence, mais ne semblent pas permettre d'identifier les accusés comme auteurs des crimes. HWR estime que les 25 sahraouis, dont 9 ont été condamnés à la prison à vie, doivent être libérés ou se voir accorder un nouveau procès, équitable cette fois, devant un tribunal civil. Le Maroc devrait également selon HRW mettre en œuvre la recommandation récente du CNDH, qui appelle à mettre fin aux poursuites de civils devant les tribunaux militaires en temps de paix. Le roi Mohammed VI s'était « félicité » de cette recommandation le 2 mars dernier. « La justice marocaine a sapé la crédibilité de son propre procès en traduisant ces accusés civils devant les tribunaux militaires, en passant outre les normes internationales d'un procès et en les privant du droit à faire véritablement appel », a conclu Sarah Leah Whitson.