Pêche “au chambrir” Il est bien amusant d'emprunter une roue de fortune et de surfer sur les vagues, ou encore de rire des bouées noires parsemées dans les criques, mais avez-vous déjà essayé d'être un aventurier-pêcheur? Si le métier vous tente, découvrez les conditions de candidature au quotidien. Son corps endolori, par le brassage des vagues, bénit le sommeil réparateur tandis que son esprit guette la sonnerie du réveil. Est-il 6h00 ou pas encore? Son heure biologique avance les aiguilles. Il clignote des yeux, tâtonne le bord du lit, espionne la respiration de sa femme, celle de ses enfants. Il sort à petits pas de la petite chambre. Habitué à la pénombre, il prépare son thé, s'emmitoufle de vêtements , serre un gilet à eau et prend son équipement de fortune: une embarcation des plus sommaires qu'il porte sur la tête, avec sa vie comme offrande à la mer nourricière. Après 25 ans de carrière dans la pêche aux “chambrir” ( chambre à air), Ismaïl répète les même gestes, un peu au ralenti avec la patience d'un érrudit en matière de pêche. Quasiment englouti dans la boue noire ensaucissonnée de cordes, Ismaïl pose un regard perplexe sur la mer, se laisse bercer par les vents, et tente de sonder le temps, d'évaluer “l'humeur de la mer”. S'agrippant à sa bouée de secours, il a appris à se fier uniquement à son instinct. Ismaïl dévale les escaliers qui séparent les mûrs en béton des vagues déchainées. Il n'a pas le choix et il a connu pire. Battant des pieds, il s'éloigne peu à peu de la rive. Il lancera son “amarre” là où la profondeur nuance les vagues. Selon la “qualité du temps”, il optera pour un tel appât. “Toeme” (appât constitué de crevettes, ou de vers...) qui offre une “prise” de hasard dans les mauvais temps; ou encore la “pelotte” (une pâte à base de sardine, de sable et de farine) qu'on sème “Roche” pour attirer les poissons. Cet appât est recommandé par beau temps, d'ailleurs les poissons en raffolent. Mais la prise n'est pas toujours facile. Une mer infinie pour horizon, une rive lointaine, une solitude absolue vous sont réservées dans l'attente des poissons. “Vous crierez personne ne répondra à l'écho. Sauf, si des pêcheurs s'aventurent à leur tour dans vos parages. Mais au-delà de la solitude, de la peur, de la mort qui vous frôle l'échine, le besoin du “pain quotidien” demeure vivace”. Ismaïl le sait. Il reste aux aguets, serre un bout de corde, bat des pieds et guette. Quand on est en mer, on ne pense ni faim ni soif. Parfois, on divague, on se parle, on maudit, on chante au poisson, on somnole, mais il ne faut surtout pas somnoler. Le soir, quand il fait beau et que la mer est calme, le poisson se méfie peu. Il n'arrive pas à discerner les ombres, alors il mord à l'hameçon. Les prises sont généralement bonnes dans ces conditions, mais le sommeil gagne les plus endurcis. Se laisser bercer par la mer et dériver c'est signer son arrêt de mort. La “chambre à air” peut chavirer, éclater, se renverser. Conscient de ces risques, Ismaïl tente de calmer ses ardeurs. Rapportant avec lui 5 ou 6 cigarettes, il se fait une seule raison: celle de revenir sur terre en rapportant son quota quotidien qui varie entre 40 et 60 DH. De quoi assurer un paquet de tabac noir, un petit café le matin et quelques menu