Agro-industrie Prévue en janvier 2008, la libéralisation du secteur du tabac pourrait être repoussée de 3 ans. Un protocole d'accord entre l'Etat marocain et le groupe Espagnol Altadis aurait été signé. L'information est démentie par la Régie des tabacs et le ministère des Finances. Pourtant, la Gazette du Maroc a pu se procurer un document qui affirme le contraire. Finalement, la libéralisation de l'importation et de la distribution de tabac risque d'être reportée en début 2010. En effet, un protocole d'accord aurait été signé entre le groupe "Altadis et l'Etat marocain afin de prolonger la date du monopole" commercial sur les tabacs manufacturés dont bénéficie la Régie des tabacs. L'information émane d'une source du ministère des finances qui précise que le protocole d'accord a été signé le courant de ce mois de décembre. Cependant, la question se pose de savoir dans quel but l'Etat manquerait-il à ses engagements encore une fois comme cela a été le cas de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Car, nombre d'investisseurs attendent avec impatience que le marché de l'importation et de la distribution qui sont encore sous monopole soit enfin ouvert à la concurrence. La même source fournit d'ailleurs de nombreux détails sur ledit protocole d'accord, lesquels répondent d'ailleurs à la question préalable de savoir pourquoi l'Etat veut-il manquer à ses engagements pris dans le cadre international. La raison est que l'Etat cherche à se désengager du fardeau des agriculteurs producteurs de tabacs. En effet, la Régie des tabacs devra se substituer à l'Etat grâce à deux formes d'engagement complémentaires. D'une part, la filiale du groupe Altadis "prendra en charge l'assistance technique spécifique et complémentaire au profit des tabaculteurs". L'objectif de ce premier engagement est de "libérer l'Etat de l'obligation de la prise en charge du coût de l'assistance technique à la culture du tabacs tel que prévu dans l'article 44 de la loi 46-02 sur le secteur du tabac". D'autre part, la Régie des tabacs supportera également l'intégration d'une quantité minimale annuelle de 20% de tabac brut local dans la fabrication des tabacs manufacturés et la proposition d'un plan de reconversion de la tabaculture au Maroc notamment par l'introduction du tabac d'Orient". Pourtant, malgré ces détails et ces précisions fournies par la même source, l'information est démentie à la fois au niveau de la Régie des tabacs et du ministère des Finances. Larbi Bellaha a en effet affirmé n'avoir "jamais été au courant d'un tel accord". Alors qu'au niveau de la direction des entreprises publiques et de la privatisation, Najat Saher, chef de la division de la privatisation adopte le même ton. Selon elle, il n'est pas question de repousser la date de libéralisation qui est fixée par voix législative. Quoi qu'il en soit, repousser le délai de la libéralisation arrangerait fortement les affaires de la Régie des tabacs mais aussi de l'Etat et ce pour plusieurs raisons. Et ce sont toutes des raisons qui tendent à confirmer l'information liée à ce probable protocole d'accord. D'abord pour Altadis Maroc, il faut remarquer que dans tous les pays où la libéralisation s'est opérée, le secteur du tabac a vu l'arrivée d'importation massive. Sur les segments intermédiaires occupés aujourd'hui par les marques Fortuna et Gauloises, la régie des tabacs est certaines de perdre quelques parts de marché. De même, la marque phare qu'est la Marquise et qui se taille 50% du marché pourrait également subir un coup dur avec les importations qui le marché est libéralisé comme prévu en 2008. Altadis qui a déboursé 14 milliards de DH en 2003 pour l'acquisition de 80% du capital de la Régie n'a pas encore rentabilisé son investissement. C'est dire que l'arrivée d'importation de cigarettes pourrait compromettre la réalisation de son business qui est déjà fortement mis en mal par l'importation clandestine de cigarettes en provenances d'Algérie, de Mauritanie et d'Espagne. D'ailleurs, selon Larbi Bellaha, "sur les 17 milliards de cigarettes consommées annuellement sur le marché local 3 milliards proviennent de la contrebande". De son côté, l'Etat a également tout à y gagner. Outre, la prise en charge des obligations légales vis à vis des tabculteurs, le Trésor aura une meilleures bases de négociation si trois années supplémentaires sont accordées à la Régie des Tabacs. Car, toute rentabilité supplémentaire de la Régie se répercutera sur la valeur de l'entreprise et par conséquent sur la cession des 20%. Certes, il convient de rappeler que dans tous les cas, l'Etat est assurée d'empocher au moins 2,5 milliards de dirhams. En effet, lors de la première phase de privatisation, l'Etat avait une option de vente des 20% au groupe Altadis au pris minimum que celui fixé en 2003 qui était de 14 milliards de DH pour les 80%. C'est Mohamed Boussaïd, actuel ministre de la modernisation du secteur public, alors directeur de la privatisation qui avait introduit cette astucieuse garantie. Donc si l'Etat ne trouve pas une meilleure offre sur le marché boursier ou chez un investisseur institutionnel Altadis devra payer au moins les 2,5 milliards de dirhams. Il n'empêche que le Trésor ne crachera pas quelques centaines de millions de DH supplémentaires. Quoi qu'il en soit, si ce protocole d'accord devait être mis en œuvre, il faudrait forcément s'en référer au Parlement. Car la date butoir pour la libéralisation des importations et de la distribution ne pourra être changé que par voie législative. Et pour le moment, aucun projet d'amendement de la loi n'a été introduit au niveau du Parlement. Donc il faudra sans doute attendre pour avoir une confirmation ou une infirmation. L'interdiction de la publicité a fait échouer la libéralisation La libéralisation du secteur du tabac s'est faite en deux étapes. La première a concerné la manufacture de tabacs intervenue depuis 2003. Cinq ans plus tard, c'est-à-dire en 2008, la seconde phase concernera l'importation et la distribution. Cependant, pour l'heure aucun industriel ne s'intéresse à la manufacture du tabac qui est théoriquement libéralisée mais qui demeure sous le monopole de fait de la Régie des tabacs. Ce n'est pas parce qu'il est impossible de rentabiliser la production de cigarettes ou de cigares au Maroc. Mais la raison, c'est que pour rentabiliser son investissement et grignoter quelques parts de marché, le nouvel arrivant aura besoin de miser sur de la communication par voix de publicité ne serait-ce que dans les journaux ou par le biais du sponsoring du sport. Or, la publicité de tabac est interdite pour des raisons qui seraient liées surtout à la protection de la santé des consommateurs. Cependant, la plupart des observateurs pensent que c'est simplement par mimétisme. Il s'agissait de suivre l'effet de mode puique la loi Evin venait d'être adoptée en France quand en 1991 le Maroc décide de faire pareil. Finalement, il n'y a pas moins de fumeurs. L'Etatt continue de collecter plus de 7 milliards de DH d'impôts par an sur la vente des cigarettes. Mais cette disposition législative privera le Maroc d'investissements certains et surtout de création d'emplois que la concurrence de la manufacture aurait induits.