Paris, 29 octobre 1965, Jean-François Kahn est un jeune reporter à l'Express. Il avait déjà côtoyé Mehdi Ben Barka, dont une dépêche avait annoncé l'enlèvement. C'était à l'époque où il était correspondant du Monde à Alger. «Ben Barka, raconte l'actuel président du Conseil d'administration de Marianne, avait organisé pour moi un déjeuner avec une douzaine des révolutionnaires africains, mais aussi portugais et iraniens. Depuis, presque tous avaient été assassinés. Et découvrant la nouvelle, je me suis dit : lui aussi». Ensuite, le journaliste et son ami Jacques Derrgy, «véritable initiateur du journalisme d'investigation en France», se sont lancé un défi pour savoir ce qui s'est passé. Jusqu'au jour où «Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui dirigeait l'Express, nous invite à aller voir l'actrice Marie Laforêt. Elle a, dit-il, d'importantes informations à nous donner». Elles viennent, en fait d'un de ses amis «un juif marocain nommé Azuelos, lequel est non seulement un proche de Ben Barka, mais connaît fort bien le gangster Jo Zuretta». Ce dernier disposerait d'informations précises sur l'enlèvement. «Il les tiendrait d'un petit truand, Georges Figon, directement impliqué dans l'affaire au même titre que son officier traitant, l'avocat gaulliste Pierre Lemarchand». La suite : «Quelques jours plus tard, à la mi-décembre 1965 sur l'avenue des champs-Elysées, je monte, raconte JFK, à bord d'une voiture dans laquelle se trouve Figon. L'entrevue dure 15 minutes ». Le 10 janvier 1966, l'Express annonce à la Une : «J'ai vu tuer Ben Barka, le récit d'un témoin».