Alors que le Maroc se prépare à commémorer le 40ème anniversaire de l'assassinat de Mehdi Ben Barka, un film sur le leader de la gauche marocaine est à l'affiche. Avec ce film, le réalisateur Serge le Peron tente de revisiter une histoire qui garde toujours son mystère. Le 2 novembre 2005 verra la sortie en France du film «J'ai vu tuer Ben Barka» de Serge le Peron. Cette sortie intervient alors que le Maroc s'apprête à commémorer le quarantième anniversaire de l'assassinat de cette figure politique emblématique. En coïncidant avec la commémoration de la date noire du 29 octobre, - date où le regretté a été lâchement assassiné-, cette sortie se veut d'abord l'expression d'un hommage à un leader du tiers-monde laïc, anti-colonialiste, et farouchement opposé à l'hégémonie américaine. Dédié au regretté Mehdi Ben Barka, le film de Serge le Peron a également le mérite de briser le silence sur le scandale d'une affaire qui embarrasse encore et toujours les autorités françaises. «J'ai vu tuer Ben Barka» acquiert encore plus de mérite quand on sait que l'affaire n'a jusqu'ici fait couler que de l'encre, l'image, -arme fatale-, n'a pas été suffisamment utilisée pour dévoiler les tenants et aboutissants d'une affaire qui, quarante ans après son éclatement, n'a pas livré tous ses secrets. En effet, l'affaire Ben Barka fait partie de ces événements dont le cinéma français ne parle pas, ou très peu … Or, que nous montre sur cet aspect le film de Serge le Peron ? L'ex-rédacteur aux célèbres « Cahiers du cinéma » nous dit avoir lui-même vécu une partie de cette affaire: «J'étais à l'époque adolescent et je me souviens avoir assisté au procès qui eut lieu en 1966 : l'affaire Ben Barka était une affaire énorme qui fit presque vaciller le pouvoir gaulliste et révéla un système politique parallèle agissant dans l'ombre du régime officiel… ». Pourquoi alors avoir attendu si longtemps pour monter un film sur une affaire qui remonte aux années 60 du siècle précédent ? «Il y a quatre ans, relate Serge le Peron, une amie cinéphile, Frédérique Moreau, m'a raconté un dîner qu'elle partagea avec Franju à la fin de sa vie, au cours duquel il lui avait confié avoir arrêté l'alcool suite à un événement tragique qui l'avait profondément marqué : l'enlèvement de Ben Barka qui se produisit, dit-il, sous ses propres yeux, alors qu'il avait rendez-vous avec l'opposant marocain à la brasserie Lipp. Selon Franju, il le vit s'apprêter à entrer dans la brasserie, puis être arrêté par deux hommes et précipité vers une voiture». Reste à savoir qui est Franju, -témoin présumé oculaire de l'affaire, et pour quelle raison il avait rendez-vous avec Ben Barka. Metteur en scène, Franju devait en effet discuter avec le regretté d'un projet de film sur la décolonisation, pour lequel Ben Barka était censé servir de conseiller historique. Or, ce projet de film n'était qu'un piège… Et c'est George Figon, -un criminel en collusion avec des agents secrets français, qui le leur avait tendu. Dans ce film à rebondissements, on trouve pêle-mêle des hommes politiques, des truands, des agents secrets, des intellectuels, un écrivain (Marguerite Duras, interprétée par Josiane Balasko), un metteur en scène (Franju, incarné par Jean-Pierre Léaud), un repris de justice (Figon, personnifié par Berling) et l'acteur Simon Abkarian dans le personnage-clef de Ben Barka. S'agissant des lieux de tournage, le réalisateur est revenu sur les endroits mêmes où éclata l'affaire : la brasserie Lipp, située face au Quai des Orfèvres ; le studio où Figon a vécu ses derniers jours ; l'appartement de Franju sis au Quai des Grands Augustins… Avec ce film, il s'agit de reconstituer l'un des crimes politiques les plus tragiques et les plus connus au monde.