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" Le Maroc et l'Espagne… nous sommes deux ailes d'un même vol. Le défi c'est de savoir regarder ensemble dans la même direction. "
Publié dans La Gazette du Maroc le 25 - 07 - 2005


Interview exclusive : José Carlos Garcia Fajardo
Professeur à la faculté de communication université de Complutense, Madrid
José Carlos Garcia Fajardo est l'un des plus grands spécialistes des sciences de l'information en Espagne et en Europe. Il est professeur universitaire et président de la fondation Solidarios dont les tâches vont du soutien à l'information en passant par l'aide de tous ceux qui sont dans le besoin. Carlos Fajardo est aussi un grand connaisseur de l'histoire du Maroc et du continent africain. Auteur de plusieurs ouvrages, il compte parmi l'élite intellectuelle en Europe. Il livre ici, dans une interview exclusive à LGM ses points de vue sur les relations entre le Maroc et l'Espagne, le problème du Sahara, le terrorisme, l'année du Maroc en Espagne et les acquis du nouveau Maroc.
LGM : quelle est la nature des relations actuelles entre le Maroc et l'Espagne?
José Carlos Garcia Fajardo : des relations de franche amitié, de coopération et pleines de sens commun. Il ne fallait que regarder la carte géographique (el mapa) pour comprendre le profond sens de l'historie et les exigences de l'avenir. I'Islam arabe c'est le patrimoine de nous tous, et du Maroc et de l'Espagne. En Espagne, on nous avait caché et même enlevé ce riche patrimoine sans lequel nous ne pourrions jamais pu nous comprendre comme peuple et comme une société organisée, une société de droit, de vérité et de justice. Voilà que nous avons récupéré nos signes d'identité en acceptant nos racines communes. L'avenir ne peut pas être un problème mais un défi, un challenge, une grande opportunité. Nos descendants nous en voudront si nous ne sommes pas capables d'y répondre avec générosité et avec courage. Le Maroc et l'Espagne… nous sommes deux ailes d'un même vol. Le défi c'est de savoir regarder ensemble dans la même direction.
LGM : pensez-vous que le gouvernement Zapatero pourrait effacer les huit ans du gouvernement Aznar et des relations conflictuelles avec le Maroc?
J.C.G.F : sans aucun doute car le bon " entendimiento " et la compréhension sont dans la nature des choses. La cécité (cegueras, aveugle) de l'ex-chef de gouvernement avait quelque chose de pathologique, de morose. Il agissait comme s'il avait des comptes pendants à régler avec les "moros". C'était une affaire de famille, paraît-il. Il agissait comme le chrétien engagé de la Reconquête. Ça a été ridicule! Son geste, son allure, ses attitudes… tout respirait une sorte de mépris. Il ne se sentai pas à l'aise quand nos deux Chefs d'Etat se rencontraient en toute sympathie et amitié. Ça lui faisait du mal et il adoptait un air de suffisance comme si avec le moro il ne fallait pas aller trop loin. Nous n'avons qu'à nous souvenir du triste épisode de l'Île de Perejil. Quelle honte pour nous les Espagnols, quelle déception quand on a vu le ministre de la Défense, F. Trillo, parler au Parlement espagnol. Quelle honte!
LGM : la presse espagnole avait mené une lourde compagne anti-marocaine après le 11 mars, qu'en pensez-vous?
J.C.G.F : ah, ici je ne suis pas tout à fait d'accord. Il ne faut pas oublier le nombre de terroristes de nationalité marocaine, les réseaux de fondamentalistes marocains dans les mosquées et dans les quartiers à majorité (mayoría) marocaine. Oh non. Vous ne sauriez pas vous rendre compte du malaise parmi nous tous. cette fois, c'était trop. Donc, il ne s'agissait pas d'une lourde campagne de la presse mais de certains médias comme ABA, La Razon et El MUNDO qui avaient adopté une certaine position à l'égard de pas mal de problèmes dans nos relations avec le Maroc. N'oubliez pas ce dernier terroriste capturé à Belgrade... Il est bel et bien Marocain et on est sûr qu'il a eu des contacts chez nous avec d'autres Marocains. Ici, il faut être très prudent de la part du Maroc et ne pas oublier notre douleur et notre appréhension. Mais surtout il n'a pas été intelligent de publier cette décision dans les journaux d'Espagne un "Manifiesto" signé par des soi-disant "intellectuels". Quels intellectuels? La plupart étaient des journalistes qui travaillaient dans des media plus ou moins soutenus par le Gouvernement. C'est la perception que nous avons reçue, même les plus grands amis du Maroc. Ça a été une gaffe, parfois c'est mieux de savoir se taire, et attendre.
LGM : croyez-vous à un rapprochement durable et stable entre les deux pays?
J.C.G.F : sans aucun doute. L'axe géopolitique du monde est passé de l'Atlantique au Pacifique, comme au XVIème siècle l'axe avait bougé de la Méditérranée à l'Atlantique. Les peuples qui n'ont pas su le comprendre ou s'y adapter sont tombés dans la décadence, les Turcs, les Egyptiens et les arabes parmi ceux-là. Mais dans le dialogue contesté entre la superpuissance des USA, en quête de l'hégémonie chaque jour moins claire, aux côtes de la Chine, de l'Inde et du Japon avec les pays du Sud-est asiatique, il faut construire une UE forte avec des liens clairs de justice avec la Russie et avec les pays de la Méditerranée et par extension du monde arabo-mususlman. Cela ne veut pas dire qu'il soit nécessaire que tous ces pays soient des membres de plein droit avec l'UE, quelle bêtise. Même la Turquie est tombé dans le piège. Je dirais encore mieux, il y a des pays parmi les derniers qui ont adhéré l'UE avec les quels il faudrait re-considérer les conditions de leur appartenance. C'est dur mais c'est politiquement correct. Donc, une entente ferme et loyale, cordiale et efficace entre l'Espagne et le Maroc. C'est un must: Il faut développer le tourisme et organiser nos réseaux pour recevoir des millions de personnes âgés du Nord de l'UE pendant six mois chaque année. Nous ne pouvons pas oublier que dans dix ans, les personnes âgées de plus de 65 ans, seront beaucoup plus nombreuses que celles âgées de moins de 20 ans. Imaginez: organiser les transports, le logement, le personnel sanitaire, de la restauration, du transport intérieur, de jardinerie, d'emploi du temps libre pour plus de 50 millions de personnes âgées de plus de 65 ans! Cela serait la fin de l'émigration compulsive. L'Espagne et le Maroc ont la responsabilité de développer ce secteur auquel se pourrait ajouter comme collaborateur : la Tunisie, la Libye et L'Algérie... Le bassin méditerranéen, la Floride, la Californie et même ces pays des Caraïbes qui n'ont pas su profiter de l'occasion du boom des USA. (Puerto Rico, Costa Rica, Cuba...)
LGM : quelle est la vision réelle des Espagnols à l'égard du Maroc et des Marocains surtout après les attentats de Madrid?
J.C.G.F : une vision d'espoir et d'espérance parce qu'on a assez de la macropolitique nord-américaine. Nous ne souffrons pas des portes ouvertes de la part du Maroc comme nous les souffrons en Iraq, en Afghanistan et dans ces aventures des leaders des Azores, (qui nous font grincer les dents) et que l'immense majorité des espagnols n'aimes pas du tout. Mais dans les rapports avec le Maroc, les Espagnols pensent que c'est une affaire de développement, de travail pour tous, de s'organiser entre nous... Comme cela a été le cas lors de l'émigration des Espagnols en Europe. Presque nous tous avons des familles, des amis ou des connaissances qui ont vécu cette expérience. Moi en tant que professeur à l'Université, je rencontre chaque année les descendants de ceux qui étaient partis comme émigrés et qui sont presque tous rentrés avec une formation professionnelle et avec de l'argent épargné. Ce qui leur a permis de donner une bonne formation à leurs enfants. Donc, d'après moi, les Espagnols en dehors des fascistes, des ultras et des nostalgiques de "l'empire espagnol", (parce qu'il y en a malheureusement mais de moins en moins), nous regardons le Maroc et les Marocains comme des voisins avec lesquels il nous faut travailler, coopérer et aller de avant en situation de parité. Les terroristes de Madrid, de Casablanca et de Londres sont des criminels qu'on ne peut sérieusement identifier avec leurs pays d'origine. Comme on ne peut identifier les criminels de la maffia aux USA avec l'Italie. Je pense qu'un Espagnol de nos jours peut arriver à se sentir plus à l'aise avec un Marocain élevé et travailleur, sympathique et ouvert qu' avec un citoyen Portugais, Grec ou Turc. C'est comme ça. Le Maroc n'a organisé aucun acte terroriste, ça c'est clair pour tout le monde. Et les terroristes ont été rassemblés dans des couches intégristes et égarées. Vous voyez, en Espagne on commence à être habitué à travailler et à rencontrer des Marocains très efficaces, très sympathiques, souriants et vraiment aimables. Qu'est ce que vous voulez? C'est comme ça.
LGM : que pensez-vous de la politique espagnole à l'égard des sans-papiers se trouvant sur son sol?
J.C.G.F : c'est une politique erratique, inconsistante, très misérable avec le gouvernement de José Maria Aznar. Ils n'ont pas su commencer par le commencement: nous, les Espagnols, Nous avons une nécessité absolue de quelques 250.000 immigrants par an. Pour couvrir des postes de travail que personne ici ne veut, pour maintenir les écoles primaires, pour garantir les services de la sécurité sociale, pour les pensions des plus âgés, pour beaucoup de choses. Alors pour le Gouvernement c'est une obligation et une tâche impérieuse de dire aux Espagnols: Nous avons besoin des immigrants pour maintenir nos standards de vie, nous devons les accueillir, les intégrer sans les absorber, nous devons organiser leurs logements, maintenir des écoles prêtes pour soutenir l'apprentissage de leurs jeunes étudiants, nous devons préparer un professorat capable de s'adapter à ses étudiants qui doivent maîtriser l'espagnol sans oublier leurs langues d'origine. Nous sommes un pays d'accueil comme jadis d'autres pays en Europe et en Amérique l'ont été avec nos émigrants. Et aux gouvernements des pays d'origine et d'accueil la tâche de se mettre d'accord sur le nombre, les capacités, la préparation même élémentaire avant de quitter leurs pays. Et surtout leur garantir qu'ils pourront rentrer chez eux en vacances, et quand ils le désirent. Le système pour obtenir un VISA aux consulats espagnols de Tanger, Rabat et ailleurs c'est une honte. Ils agissent comme les anciennes métropoles dans les colonies avec les noirs, les indiens, les moros. C'est une mauvaise carte de visite. Ce n'est pas la faute de Schengen, ce sont de très mauvaises attitudes des fonctionnaires que, d'après moi, il faudrait les renvoyer chez eux pour les recycler, ou pour les changer. Notre richesse, notre avenir, notre développement, notre paix repose sur les immigrants dont nous avons tellement besoin. Soyons conséquents.
LGM : historiquement l'Espagne assume une responsabilité dans l'affaire du Sahara, qu'en dites-vous? Et comment voyez-vous l'issue du problème du Sahara?
J.C.G.F : le Sahara ne peut plus être un problème mais un défi à l'égard du XXI ème siècle. Il faut agir avec cette perspective: Peut-être un grand Maghreb, avec des régions autonomes à l'intérieur de cette grande famille élargie. La Mauritanie risque d'être un satellite d'autres pays, notamment les USA et Israël, parce qu'elle a des ressources pétrolières. L'Algérie aussi mais avec un danger d'ordre idéologique. Rassemblons les efforts. On ne peut concevoir le Sahara comme un Etat indépendant mais plutôt comme une région autonome et associée dans pas mal de projets. Il faut inventer des formules d'association et partager les responsabilités. Quels sont les plus grands défis pour le développement de cette large région? Le pétrole, le gaz, l'exploitation, le raffinage, le transport, les assurances, la capacité de la main d'oeuvre des ressortissants de ces pays... Elever le niveau de vie: l'éducation, la santé, l'écologie, l'eau, l'agriculture, la pêche, l'industrie de transformation. Il faut donner de l'espoir aux gens qui végètent dans des tentes au désert! Le Sahara c'est non seulement dans le cadre politique du Maroc mais aussi dans une région étendue et co-responsables des richesses... Même avec celles qui se trouvent près des Iles Canaries. Imaginez une grande entreprise transnationale et agir presque de la même forme, en sauvegardant les droits sociaux, la culture, les meilleurs traditions… Le conflit entre le Maroc et son voisin sur le Sahara ne vaut pas une guerre, même pas une situation d'attente pendant laquelle des milliers de gens souffrent du désespoir. Sans oublier qu'il y aurait là des milliers de postes de travail... pour tous.
LGM : on parle d'une année du Maroc en Espagne en 2006, quel rôle cela peut-il jouer pour rapprocher les deux pays?
J.C.G.F : nous ne pouvons pas rater cette opportunité inouïe. Il faut savoir regarder ensemble dans la même direction. Je regrette pour nos amis du Legat andaluci, mais à cette occasion il faut assumer que le Patrimoine de l'Islam est déjà très important. C'est-à-dire qu'on ne doit pas se référer à lui qu'en passant, mais comme une réalité déjà acquise. Il faut montrer, visualiser, la Méditerranée orientale. Il faut insister sur le Maroc qui est la porte de l'Afrique, Gibraltar avec ses possibilités de ponts et des tunnels. Il faut inciter à voir les richesses de ce pays. Là, il ne s'agit pas de foires, de moussems et des histories pareilles très coûteuses et qui n'atteignent pas les pouvoirs qui décident. Il faut favoriser les voyages des étudiants des universités espagnoles pour découvrir ce qu'est le Maroc. Je viens de passer quelques jours à Tanger et j'ai été surpris par l'explosion des constructions, des nouvelles rues propres, des jardins, des projets partout, les énormes possibilités de revitaliser la médina (comme à Assilah par exemple) le nombre de postes de travail que l'on peut créer là-bas est porteur d'espoir. Chaque année je voyage avec 50 étudiants de journalisme qui payent leur voyage et qui se préparent pour mieux connaître et reconnaître ce Maroc qui fait partie de nos racines, de notre passé originaire. Et je peux vous dire qu'ils rentrent en Espagne bouleversés et émus. Il faut penser que, dans 10 ans, les personnes âgées de plus de 60 ans seront plus nombreuses que celles qui n'ont encore que 20 ans. C'est formidable. Le Maroc a un défi à relever. Il faut s'y mettre avec tout l'enthousiasme qu'il faut. Pas d'expositions sur les Omeyades, les Abbassiddes et cosí via... et encore moins des foires pour faire connaître les capacités du Maroc pour suivre le cours des temps. Il faut du concret. Une réelle image de ce Maroc voisin qui peut être notre grand partenaire.
LGM : l'Espagne comme le Maroc ont été frappés par le terrorisme. Beaucoup d'inculpés sont originaires du Maroc mais vivant en Europe. Ne pensez-vous pas que c'est cette trajectoire occidentale qui en est la cause?
J.C.G.F : d'abord il faut distinguer les terroristes marocains du Maroc et du grand peuple du Maroc. Comme on distingue les criminels de ETA et le grand et admirable peuple du Pays Basque. Les gens savaient distinguer les maffiosi d'AL Capone et les habitants de l'Italie. La révolution des communications nous permet de voir un monde meilleur, plus juste et plus solidaire. Nous pouvons nous servir d'Internet, voyager comme on ne le veut; on peut apprendre des langues et nous servir de quelques-uns pour nous rapprocher. Il y a les films, les jeux vidéo, les séries à la télévision, les messages et les communications téléphoniques entre les émigrants et ceux qui restent chez eux… tout ceci est prodigieux. C'est un phénomène de premier choix. Les émigrants sont devenus les meilleurs correspondants du monde, beaucoup mieux que les journalistes! Ils se racontent chaque semaine et même chaque jour leurs expériences, ils ne se trouvent plus isolés ni déracinés. Ils sont entrain de bâtir le nouveau monde, la nouvelle société riche et plurielle, diverse et avec un coeur commun en quête de la paix qui naît de la justice. La justice sociale d'abord, au même temps que la politique et la sécurité pour tous. Donc, les épisodes terroristes ne sont que l'abandon de cette écorce commune dont nous avons tous besoin. C'est l'action aveugle et désespérée de tous ceux qui n'ont pas encore su trouver un rôle dans la construction de la nouvelle société plurielle. Il s'agit de tous ceux qui n'ont pas encore entendu l'appel que nous leur adressons. Nous avons besoin de vous, Oui, tels que vous êtes, n'ayez pas peur, nous vous aimons tels que vous êtes par ce que nous avons un chemin commun à parcourir ensemble...
LGM : vous êtes un ami du Maroc, que pensez-vous des réformes entreprises dans ce pays et de son avenir?
J.C.G.F : je les suis de tout près et je fais des voeux pour que l'élan ne souffre pas à cause des intérêts économiques et des privilèges que des membres de l'oligarchie croient menacés. C'est le grand danger qui plane sur la tête de ce grand peuple: la convoitise du pouvoir, l'ambition économique, le mépris pour les gens les plus pauvres qu'ils ont toujours considérés comme des outils, comme des objets à s'en servir. Quand on considère les énormes quantités d'argent que certaines familles marocaines ont fait passer aux banques européennes et américaines, le luxe avec lequel ils se montrent ailleurs, l'insensibilité aveugle avec laquelle ils risquent d'arrêter ce formidable projet de développement, de croissance et d'adaptation aux besoins du temps... c'est triste parce que beaucoup d'émigrants marocains suivent de très près cette insouciance de quelques personnes de la société au Maroc. L'élan avec lequel sa Majesté le Roi et beaucoup de ses collaborateurs ont voulu marcher dans le sens de l'histoire risquent de perdre sa force par les actions néfastes des égoïstes. Jamais dans l'historie du Maroc vous n'avez eu une opportunité semblable à celle qui a inauguré la nouvelle étape de votre monarchie. Jamais. Ne la laissez pas partir. Souvenez-vous de ce qu'un maréchal de l'Empire disait à L'Empereur Charles V "Sire. Dieu envoie un bon automne une fois dans la vie!" Tenez bon, l'avenir frappe à vos portes parce que nous avons besoin de vous en Europe et dans la Méditerranée. J'en suis convaincu: une Europe vielle et morne a besoin d'un Maroc jeune et de couleurs. Mais ne laissez pas tomber vos signes d'identité: ne vous déguisez pas en "occidentaux" avec les T-shirt, les jeans et les adidas... Vous avez des traditions, votre musique à vous, votre gastronomie, une façon de vivre... Quand on voit le Marocain à la mosquée avec sa gandura et sa djellaba... on a vraiment une certaine envie, un certain regard autre que l'absurde discours contre l'orientalisme... Les gens en Europe ont besoin de vivre autrement quand ils se déplacent pour oublier le stress, la routine et l'empressement de nos villes. Ne voyez-vous pas comment nous nous habillons à Pampeloune lors de San Fermin, et à Séville lors de la Grande Semaine et la Foire d'Avril? Ne jetez pas par la porte tout ce que vous avez d'original, d'authentique et de précieux.
LGM : que pensez-vous de la politique américaine à l'égard du monde musulman?
J.C.G.F : c'est une politique d'une myopie dangereuse, plutôt une épouvantable cécité. J'admire le grand peuple des USA, leurs vertus et leurs réussites. L'Amérique aurait pu s'en servir pour bien gérer l'hégémonie que l'histoire a voulue placer sur ses épaules. Mais la politique de l'actuel administration de Washington est affreuse à plusieurs niveaux et sur plusieurs aspects, dons le monde musulman et le monde arabe. Ils n'ont rien appris de ce qui se passe avec l'Amérique Latine considérée toujours comme leur jardin potager. A Washington il y a un clan de calvinistes, de chrétiens enragés et fondamentalistes orchestrés par un lobby très puissant de sionistes. Ce ne sont pas les USA qui contrôlent Israël, ce sont plutôt les intérêts sionistes qui dirigent la politique extérieure des USA. Et c'est une grande erreur qu'ils payeront outre mesure car les peuples ont la mémoire des éléphants et la patience des singes. Ils n'ont rien compris aux richesses de l'islam, de cette brillante civilisation et des diverses cultures qui sont diverses nées de ce grand fleuve. Ils méprisent ceux qui ne sont pas comme eux et qui ne peuvent pas apprivoiser ou détruire comme ils ont fait avec toute la population indigène de l'Amérique et dont ils deviennent responsables pour toujours car les crimes contre l'humanité, les génocides ne s'oublient jamais. Et il y a un mouvement chez les indigènes et les noirs d'Afrique et leurs amis qui parlent du droit de réparation due. C'est aujourd'hui au monde musulman que revienne la tâche de se faire connaître et de se faire respecter au lieu de se perdre dans des bagarres insensées.


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