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La stratégie de l'araignée
Publié dans La Gazette du Maroc le 04 - 07 - 2005


Al Adl Wal Ihsane
Les propos réitérés de Nadia Yassine et l'attitude affichée par Al Adl Wal Ihsane annoncent-ils une nouvelle confrontation avec le pouvoir et l'ensemble des forces politiques, PJD y compris ?
La logique de la tension et les risques
de dérapage qu'elle recèle ne peuvent être sous estimés. Ceci au moment où Al Adl est de plus en plus en proie aux incertitudes de l'après-Yassine.
La montée de la tension provoquée en ce début d'été par les déclarations antimonarchistes de Nadia Yassine, la fille du chef et gourou de l'organisation islamiste Al Adl Wal Ihsane, suscite bien des interrogations.
Faisant suite à une intervention similaire en mai dernier à l'université américaine de Berkeley, ces propos livrés à l'hebdomadaire "Al Ousbouya al Jadida" ne sont, de toute évidence, pas fortuits ni dus au hasard.
La première déduction qui a été faite par nombre de politiques et d'observateurs est que Al Adl s'est enhardie à faire cette sortie en raison de la nouvelle attitude prêtée aux Américains d'établir le contact avec les organisations islamistes modérées. Celles-ci étant considérées comme des forces pouvant faire contrepoids à l'extrémisme terroriste, le département d'Etat à Washington serait plus disposé à en faire des interlocuteurs.
Le plaidoyer de Nadia Yassine en direction des médias occidentaux se veut des plus séduisants à cet égard. Aussi, le moment a-t-il été jugé propice de sortir Al Adl de l'ombre où elle était confinée depuis de longs mois et de revenir sur scène avec un coup d'éclat.
La manœuvre ne manque pas de ruse politique quoiqu'on chercherait en vain en quoi elle serait spécifiquement "islamique". Elle veut piéger le pouvoir sur le terrain des libertés sachant que c'est là où la transition démocratique affiche des progrès difficiles à nier.
En se revendiquant "républicaine " et en annonçant la chute prochaine du régime, Nadia Yassine a voulu pousser la provocation à outrance pour acculer le pouvoir à sévir contre elle ou à manifester sa "faiblesse". Dans les deux cas, la manœuvre serait gagnante pour Al Adl, car soit elle fait figure de victime du "despotisme" (démontrant ainsi l'existence de celui-ci), soit elle apparaît comme une force redoutable et intouchable.
Depuis le 28 novembre 2004 où cette organisation avait sonné le rappel de ses troupes lors d'une manifestation - prétexte de soutien à la Palestine et à l'Irak, Al Adl était à nouveau passée au second plan. Le profil bas qu'elle gardait depuis les attentats du 16 mai 2003 serait-il devenu insupportable ?
Opposition virulente
Cependant, avec quelle stratégie et quels moyens et dans quel rapport de forces réel ce désir de monter à nouveau au créneau pourrait-il se déployer ?
Tout en se qualifiant modérée et pacifique, Al Adl n'a cessé de miser sur l'image d'une opposition radicale et sur un populisme virulent se présentant comme seul défenseur des "moustad'afines" (déshérités). Avec l'auréole religieuse, cette posture se veut l'incarnation de la vertu dans une société dominée par la corruption et l'impiété.
Tout le capital d'Al Adl tient dans cette attitude. D'où en apparence son refus de participer au système politique et sa volonté de constituer une contre-société qui préfigure le modèle prôné par Abdeslam Yassine.
Ceci ne va pas sans contradictions et quelques incohérences. Al Adl se plaint souvent de ne pas bénéficier d'une pleine liberté d'action alors même que son dirigeant et ses disciples n'ont cessé de nier la légitimité non seulement du pouvoir mais aussi du régime. Cette négation a commencé par porter sur le statut d'Amir al Mouminine (Commandeur des croyants) puis plus ouvertement sur le principe monarchique.
Al Adl proteste donc contre le fait que la monarchie ne veut pas l'autoriser à travailler plus librement à sa suppression !
Cependant un enseignant qui, régulièrement, livre à la presse une version plus soft des attitudes et projets d'Al Adl plaide pour une lecture nuancée de ces derniers. A l'entendre, l'organisation de Yassine fait partie de "l'islamisme politique" opposé à "l'islamisme violent". Son objectif est d'instaurer un régime fondé sur la Charia et la "voie prophétique" et malgré son discours radical, elle manifeste en réalité une volonté de participer au débat politique. Selon cet observateur plutôt complaisant envers Al Adl, il ne faudrait pas s'en tenir seulement aux discours de celle-ci mais considérer aussi le fait qu'elle a créé une "instance politique" en son sein et faire en sorte de ne pas la pousser à se fermer.
Il y aurait donc ambiguïté, l'attitude dogmatique radicale d'Al Adl cachant un potentiel de souplesse pragmatique. En attendant on n'assiste qu'à des surenchères visant à obliger le pouvoir à desserrer son étau et à admettre la prépondérance d'Al Adl dans la sphère islamiste et le champ politique.
Ce qui laisse toutefois perplexe plus d'un, c'est cet appel d'Al Adl au dialogue alors qu'en même temps ses interlocuteurs virtuels sont traités de "suppôts du Makhzen" et voués aux gémonies. En quelque sorte, Al Adl, enfermée dans son univers et son imaginaire, se comporte comme si elle était déjà une puissance hégémonique qui ne laisse de choix à la monarchie et aux autres forces politiques et sociales que de se mettre à genoux et de prêter allégeance au modèle yassinien.
Accommodements possibles ?
C'est encore Nadia Yassine qui, avec sa façon de coutumière, s'était employée à décrire cette perspective comme un paradis démocratique. "Nous prônons une véritable démocratie, nous disons bienvenue aux laïques, pour qu'ils restent et fassent leurs propositions, même les incroyants pourront s'exprimer librement à condition qu'il y ait un choix clair de la démocratie… ".
Ce rêve éveillé où Nadia Yassine fait une offre aussi généreuse à ceux qui ont été déclarés apostats par son père et menacés des pires châtiments, impliquerait-il quelques accommodements idéologiques ? Faut-il y voir la possibilité pour ce mouvement d'opérer une évolution vers le réalisme politique ?
Pour l'instant, ceci paraît peu probable. " La référence à la démocratie tient plus de la manœuvre et de la ruse que d'une conviction enfin acquise " : ainsi ce credo de fraîche date suscite surtout du scepticisme. La démocratie est un moyen pour conquérir le pouvoir, elle n'a jamais été revendiquée comme un système de valeurs. Celui-ci implique le respect de la diversité, du pluralisme et en matière politique et sociale ne se réfère à aucun absolu dogmatique. Or l'organisation d'Al Adl est foncièrement basée sur l'uniformité, la soumission à un seul discours, celui du Cheikh et l'embrigadement.
Au sein des universités, les étudiants adlistes ont témoigné le plus souvent d'une intolérance violente et sont conditionnés pour ne pas penser par eux-mêmes, rejetant a priori comme impies tous écrit, discours ou activités qui ne relèvent pas de la vulgate intégriste ou de la mystique de choc professée par Yassine.
C'est dire l'écheveau des contradictions où Al Adl est enfermée. Figée dans un radicalisme de l'exclusion qui lui assure un statut singulier, elle cherche, même au prix de provocations risquées, à intégrer le jeu politique. Ceci au prix d'arrangements du discours où le lexique politique est plus banalisé sans recours excessif à la sanctification au nom de la religion. Avec les divers rôles qu'elle tient, Al Adl ne se trouve pas toujours en harmonie. Entre la zaouia vouée à la fusion avec le Cheikh, ses miracles et ses visions prophétiques d'une part, l'organisation hiérarchisée, monolithique, dogmatique et de type milicien d'autre part et enfin la structure politique qui veut offrir un profil plus moderne, démocratique, flirtant avec le libéralisme et dont Nadia Yassine est la "star" médiatique, où est la cohérence ?
Comment concilier démocratie et soulèvement (Qawma) prônés par les écrits de Yassine comme apogée de l'action d'investissement idéologico-éducatif de la société ? Comment concilier modération non violente et tendance à l'hégémonie au nom de la vérité absolue ?
Cette ambiguïté fait planer de sérieuses incertitudes sur l'évolution d'Al Adl car à vouloir jouer sur des registres aussi éloignés et peu conciliables, le risque est grand de ne pas pouvoir contrôler tous ses éléments ainsi que les dérapages probables.
Vers la confrontation ?
Al Adl va-t-elle maîtriser la tentation d'une confrontation avec le pouvoir ? Cela avait été jusqu'ici plutôt évité même si des moments de haute tension furent atteints lors de l'épisode de l'occupation des plages à la fin des années 90 ou de l'agitation dans les campus universitaires.
Cherchant à se distinguer pour imposer davantage sa visibilité dans l'arène politique, Al Adl peut-elle opérer autrement que par la provocation et la menace de faire descendre ses troupes dans la rue?
Al Adl manifeste ainsi une incapacité à proposer une alternative plus rationnelle. Est-ce en répétant que le régime s'apprête à tomber prochainement en se fondant sur des "visions" du chef et de ses proches que le mouvement compte peser sur le rapport des forces ? Ceci ne fait qu'aviver l'irritation du pouvoir et des partis politiques qui s'inscrivent dans la perspective de la transition démocratique. Celle-ci est niée en bloc par Al Adl qui en rajoute sur "l'absence de changement" sous le nouveau règne par rapport à l'ère de Hassan II.
Même le PJD qualifié de "makhzénien" n'est plus épargné et fait l'objet d'attaques et de sarcasmes sans voile. L'animosité entre les deux mouvements islamistes est montée de quelques degrés. Le Mouvement unité et réforme (MUR), association mère du PJD n'a pas hésité à prendre position sans ménagement contre les déclarations de Nadia Yassine. L'un des dirigeants du PJD, Mohamed Yatim s'est employé à souligner, documents à l'appui, la permanence des thèses de Yassine et la démarche erronée qui les a produites. L'idée yassinienne selon laquelle depuis le " coup d'Etat " des Omeyyades en l'an 41 de l'hégire (661 après J.C.), toute l'histoire du monde arabo-musulman n'est que celle du despotisme et de la déviation, est un échantillon de l'inconsistance de cette démarche, toute au service d'une idéologie sommaire. ”L'académisme” de Nadia Yassine est surtout de ce tonneau là. Mustapha Ramid, pourtant considéré comme un boutefeu du PJD, a critiqué, à son tour, les propos de Nadia Yassine "qui ne servent ni la religion ni la démocratie", tout en réitérant sa propre revendication d'une monarchie parlementaire. Le clivage entre le PJD et Al Adl semble ainsi devoir se creuser et la concurrence s'exacerber.
La perspective de l'après-Yassine n'est pas absente de ce regain d'agitation. S'agit-il du renforcement programmé de la position de la fille de Yassine appelée à garder un rôle de premier plan au sein de l'organisation ? On peut supposer qu'elle n'a pas les faveurs de tous ceux qui aspirent à conférer un rôle plus politique à Al Adl, à l'exemple du défunt Mohamed Bachiri, qui fut le second du Cheikh avant son exclusion en 1998 pour avoir traité Yassine de "soufi, extrémiste et affabulateur ayant transformé un mouvement militant en zaouia".
L'après-Yassine est préfiguré par la triple dimension d'Al Adl : zaouia charismatique vénérant le Cheikh, mouvement hiérarchisé et milicien, mouvement politique en recherche de pragmatisme. L'enjeu de la concurrence entre le PJD et Al Adl est plus palpable avec ces lignes de clivage possibles. Toutefois, le jeu de la provocation et de la tension ne ferait qu'isoler Al Adl et l'enfermer dans son univers clos. La logique d'un "soulèvement" fantasmatique ne peut vraisemblablement aboutir qu'à constituer une réaction de l'ensemble de l'échiquier politique en vue de l'endiguer et la combattre. Ceci sans parler de la réaction hostile des autres composantes du champ religieux, y compris la grande zaouia Boutchichya.La stratégie de l'araignée tissant sa toile dans les espaces laissés à l'abandon de la société a pu jusqu'ici aider à l'implantation d'Al Adl. Il n'est pas sûr qu'une stratégie de l'offensive lui soit plus profitable.


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