On peut dire que, d'une certaine manière, on vit une époque privilégiée. Le monde change sous nos yeux, par des révolutions violentes ou pacifiques. Les appétits des puissances, de ce fait, se précisent. Cela se fait au nom d'un libéralisme à venir ou déjà installé. Quand certains dirigeants ambitionnent d'encadrer ce libéralisme pour en limiter les dégâts, cela fait rire les Américains. On commence à voir un peu clair concernant les ambitions américaines servies, apparemment, par le fatalisme ambiant. On savait déjà que la guerre froide n'était pas terminée. La Maison-Blanche exploite ce qu'elle considère comme une victoire sur l'URSS, incarnée par la Russie. Elle pousse son avantage en considérant le monde comme un marché qu'il faut stabiliser et contrôler. La tâche leur apparaît aisée, puisque les adversaires eux-mêmes veulent s'américaniser et se lancent à corps perdu dans le libéralisme mondialiste. La Maison-Blanche trouve une aide involontaire au Kremlin. Depuis son élection à la présidence de la Russie, Vladimir Poutine s'est consacré uniquement à la consolidation de son pouvoir, en muselant les médias et en éliminant les oligarchies de toutes sortes. D'autre part, son acharnement sur la petite Tchéchènie n'ayant suscité que de timides réactions dans le reste du monde, il en a déduit que son pays est une puissance mondiale intouchable, et ne s'est pas donné la peine d'observer l'évolution alentour, visible à l'œil nu. Tous les pays européens membres du Pacte de Varsovie, qui faisait contrepoids à l'OTAN, sont tombés dans l'escarcelle américaine avec l'aide du Vieux Continent qui se prend pour l'allié des Etats-Unis. Ce qui aurait dû inquiéter et alerté en premier lieu Vladimir Poutine, a été la chute brutale de Chevernadze, président de la Géorgie et dernier ministre des Affaires étrangères de l'URSS. Les choses ont évolué de telle sorte que le tour de l'Ukraine est arrivé récemment. Il faut dire que la Russie est née en Ukraine et a été christianisée à Kiev. La Russie a donc un attachement quasi charnel pour l'Ukraine. Et pourtant, c'est au tour actuellement du Kirghizistan, en Asie centrale, de faire dans la rue sa " révolution des tulipes " qui étaient en fait des jonquilles. Avec une facilité déconcertante et en deux jours, les manifestants ont investi tous les édifices publics et chassé le président, qui a été recueilli par Moscou. Pendant le déroulement de ces événements, l'intervention américaine était de plus en plus voyante et ne s'embarrassait d'aucune précaution. A quoi bon ? Le Kirghizistan accueille sur son sol une base militaire russe, mais aussi une plus imposante base américaine. En outre, tous les organismes d'opposition sont financés ouvertement par les Américains. La même méthode avait été utilisée en Ukraine, mais sans base militaire. Une ONG américaine encadrait les manifestants et leur fournissait en plein hiver tentes, chauffage et repas chauds. Jamais les Ukrainiens n'avaient été aussi bien traités. En face, le président russe proférait des menaces impuissantes. Mais pour montrer sa puissance, il a récemment fait assassiner le président tchétchène. Un modéré. Donc la méthode américaine est toujours la même, bien rodée, mais qui ne réussit pas toujours du premier coup. Il faut noter que le dernier rempart séparant la Russie des autres Républiques musulmanes ex-soviétiques est le Kazakhstan, qui abrite la base spatiale russe de Baïkonour. En Ouzbékistan, des manifestations n'ont pas eu de suite. Récemment, en Bélarus, les manifestants ont été mitraillés par les forces de l'ordre. Pour que l'encerclement de la Russie soit complet, il reste aux Américains à conquérir les petites républiques du Tadjikistan, Zurkménistan, Ouzbékistan, et l'immense Kazakhstan. Ces pays ont une frontière commune avec l'Afghanistan, déjà américanisé et surveillé par le Pakistan, qui va être bientôt doté de F16. Le Pakistan, démocratie exemplaire, est pour l'instant très utile aux Américains. Si l'encerclement de la Russie réussit, la Maison-Blanche s'attaquera directement au Kremlin, en usant des mêmes méthodes. Certes, les Russes n'aiment pas les Américains, mais ils suivront celui qui leur promettra un meilleur niveau de vie. On peut être certain que, malgré le FSB, d'innombrables agents américains se préparent à Moscou. Lorsqu'il était ministre de la Défense, Ariel Sharon avait déclaré : “notre aire de sécurité s'étend du Pakistan à l'Océan Atlantique”. La stratégie américaine semble traduire dans les faits cette déclaration. Coïncidence ? La situation étant ce qu'elle est, on ne sait comment finira par réagir Vladimir Poutine. Quand on sait que c'est un sanguin nourri au lait du KGB, et que, lors d'une prise d'otages, il a gazé même ses compatriotes, on peut imaginer que sa réaction tardive ne sera que violente.