Justice Il est paradoxal de voir le CIH solliciter la liquidation d'une chaîne hôtelière alors qu'autrefois il se démenait pour les créer. L'hôtel Le Lido de Casablanca, fleuron de la chaîne Salam, est en liquidation judiciaire depuis le 24 décembre 2004. L'épilogue malheureux et imprévisible d'un feuilleton qui dure depuis 12 ans. Apparemment la thérapie du plan de redressement judiciaire par voie de continuation n'aura pas été efficace pour les unités de la chaîne Salam Hôtels. Après le placement tour à tour de six de ses neuf sous liquidation judiciaire par différents tribunaux commerciaux, c'est l'établissement phare du groupe qui vient d'être frappé par le même sort. Riad Salam de Casablanca (Lido) a été déclaré en liquidation judiciaire par le Tribunal de commerce de la même ville le 24 décembre 2004. Il faut dire que tous ces établissements l'ont été au fur et à mesure que leurs plans de redressement échouaient. Aujourd'hui, cette chaîne hôtelière, une des pionnières de l'industrie touristique nationale, risque de ne plus compter qu'un seul établissement en l'occurrence l'unité de Taroudant qui, elle, n'est pas surendettée contrairement aux autres. Sont concernés pour l'heure notamment par cette sanction, El Médina Palace et Club Salam à Agadir, Tichka Salam à Ouarzazate, Salam à Zagora, Tichka à Marrakech et Riad Salam à Casablanca. Depuis une année, en effet, date du déclenchement de cette opération de liquidation judiciaire de ces établissements par les tribunaux de commerce, les juges ont dessaisi les directions des unités et les ont astreintes à des liquidateurs assermentés qui ont repris la gestion des hôtels au fur et à mesure que ces derniers tombaient les uns après les autres. Au moment où nous mettions sous presse, le liquidateur n'avait pas encore pris la gestion de l'hôtel Riad Salam de Casablanca. Toujours est-il que l'appel de la chaîne Salam est attendu. Comment en est-on arrivé là ? Cette histoire aux allures de feuilleton, pleine de rebondissements, opposant le CIH à la chaîne Salam Hôtels aura duré pourtant près d'une douzaine d'années. À l'époque, un texte datant de 1967 donnait la possibilité au CIH de mettre des unités hôtelières sous sa coupe pour défaut de règlement. C'est ainsi que quatre unités de la chaîne Salam avaient été mises en possession entre mai et juin 1998. Après avoir obtenu la mise en possession, le CIH avait fait appel à l'époque à des sociétés de gestion (sociétés Kenzi, IBH et Sol Melia) pour assurer l'exploitation des établissements hôteliers avant de mettre fin de sa propre initiative à cette gestion "concédée" (seule Melia reste à Riad Salam-Casablanca). Ensuite, la banque désigne ses propres cadres pour assurer cette mission. Mais, les responsables de la chaîne Salam en profitent pour remettre en cause cette gestion. Ils mandatent un cabinet étranger (Serious Conseil) pour auditer la gestion de Riad Salam-Casablanca par le CIH et ce, pour la période allant de mai à novembre 1998. Les résultats de cette opération révèlent, selon le rapport d'audit, des excès dont l'impact sera négatif sur le futur de l'hôtel. Cette expertise avait été écartée par le CIH. Parallèlement, la justice avait ordonné des expertises de dettes concernant cinq hôtels du groupe (Riad Salam-Ouarzazte, El Madina Palace-Agadir, Tichka-Marrakech, Taroudant et Riad Salam-Casablanca). Enfin, la Cour d'Appel de Casablanca entérine la thèse, défendue par les responsables de la chaîne Salam, selon laquelle la mise en possession est incompatible avec la procédure de redressement judiciaire. Un syndic est nommé pour gérer l'établissement le plus médiatisé dans cette affaire. Ce syndic, selon son rapport, suggère un plan de continuation avec la chaîne. Cette dernière obtiendra, encore, le redressement judiciaire de son unité à Taroudant. En revanche, dans les autres affaires semblables dans les régions, les tribunaux avaient estimé que la mise en possession pouvait cohabiter avec le redressement judiciaire. Toutefois, le contentieux entre la chaîne Salam et le CIH va connaître un semblant d'accalmie. À l'origine de ce moment d'apaisement, la promulgation du code du commerce. Feu Mohamed Belghmi, président-fondateur de Salam Hôtels en avait en fait profité pour demander et obtenir le bénéfice d'un redressement judiciaire pour l'ensemble de ses établissements. Ainsi, il avait ouvert des discussions avec la banque publique qui aboutiront finalement à un accord basé sur la reconversion d'une partie de la dette en capital à hauteur de 60 %. Le CIH concède alors un plan de continuation sur dix ans et un protocole d'accord fut ainsi signé dans ce sens. Sur les deux établissements d'Agadir, le fameux protocole suivait même normalement son cours. Seulement, le décès du président-fondateur de la chaîne, en 2003, va amener le CIH à déterrer la hache de guerre, arguant la non-application du plan de continuation. Selon la direction juridique du CIH, "les héritiers n'ont pas voulu poursuivre l'exécution de ce protocole". Il faut dire que les problèmes de succession ont compliqué les choses pour la chaîne toute entière. Feu Mohamed Belghmi aurait légué l'essentiel de ses actions à son gendre. De plus, les démarches pour la reconversion d'une partie de la dette en capital à hauteur de 60 % n'étaient pas bouclées avant le décès du président-fondateur. Les différentes réunions dans ce sens n'avaient pas permis de régler la question à cause des interprétations différentes des deux parties. Conséquence : il n'y avait plus de suivi du plan de continuation et les différents tribunaux de commerce saisis par la banque qui a introduit une procédure de liquidation judiciaire n'ont pas hésité à ordonner la liquidation des hôtels. Ainsi, El Médina Palace et Club Salam à Agadir furent les premières unités à faire l'objet de sanctions, il y a une année. Tichka Salam à Ouarzazate suivra en octobre 2004, puis Tichka à Marrakech et Salam à Zagora, un mois plus tard.