Spoliation des terrains des étrangers au Maroc C'est une affaire qui donnera certainement du fil à retordre aux magistrats de la Cour d'appel de Rabat. Une affaire de spoliation de terrains dont a été victime une famille française, du nom de Michel. Leurs terrains établis à Témara, Rabat et Kénitra leur ont été volés et vendus à autrui pour des sommes qui ont atteint 70 millions de Dh. Le conflit est porté devant la Justice et les coupables comparaîtront devant le parquet à partir du 6 janvier 2005. C'est une affaire dont on parle beaucoup, ces derniers jours, dans les milieux de la Justice à Rabat. Une grosse affaire de spoliation de terrains portant sur plus de 7 milliards de centimes dont a été victime la famille Michel, d'origine française, dans la région de Rabat. Les faits sont accablants et touchent, une fois encore, à l'expropriation illégale des biens des étrangers au Maroc. Tout a démarré quand Moura Michel, de nationalité française, de retour au Maroc, avait découvert que sa famille a été victime d'une grosse affaire de dépossession de leur héritage foncier. Un patrimoine immobilier assez important laissé par son défunt père, Marc Michel, et enregistré légalement dans l'administration cadastrale. En vérité, nous sommes devant un gros scandale foncier, sur fond de spoliation de plusieurs milliers d'hectares, aggravé d'une opération d'arnaque qui fait l'effet d'une tourmente. L'arnaque du siècle, pourrait-on dire. Une opération de haute voltige montée par une bande mafieuse bien organisée spécialisée dans ce genre d'affaires. Les faits : Marc Michel, décédé, a bâti un patrimoine foncier solide avant de quitter le Maroc en 1967 pour le France. Ses terres sont situées notamment à Rabat, Salé, Kénitra et Témara. Sûr de son bon droit, le promoteur français ne se fait pas trop de soucis. Ses biens sont dûment enregistrés et immatriculés dans les différentes conservations foncières du pays. Depuis qu'il a quitté le Maroc, Marc Michel, et ses ayants droit, n'ont plus donné signe de vie. Jusqu'au jour où son fils, Moura Michel, s'est rendu au Maroc, titres fonciers et procuration de ses frères et sœurs en main, pour s'enquérir de l'héritage que leur avait laissé son défunt père. A sa grande surprise, celui-ci a été informé, à son corps défendant, par les autorités concernées que leurs biens immobiliers ont été aliénés depuis belle lurette à des personnes physiques grâce à des procurations émises par son propre père. De vérification en vérification, Moura Michel, s'est vu éclater en pleine figure une vérité qu'il n'aurait jamais pensée. La victime va de surprise en surprise en découvrant que l'héritage a été vendu complètement à autrui. Spoliation abusive En fait, il s'est vu déposséder illégalement de tout son héritage, ainsi que celui de sa famille, sans aucun droit. Là, il a compris que l'auteur ou les auteurs de cette arnaque dont a été victime sa famille ont vraiment fait fort. Du jamais vu. En clair, une nébuleuse affaire où il s'est fait plumer comme un bleu. La ficelle est grosse et l'affaire est tellement complexe qu'il est difficile de la tirer au clair. Comment et pourquoi a-t-il été dépossédé illégalement de son héritage pourtant authentique et dûment enregistré dans l'administration des cadastres ? Qui peut autant lui en vouloir pour lui asséner un coup pareil et le spolier de sa succession ? S'agit-il d'une simple erreur ou est-il réellement victime d'embrouilles d'une mafia bien organisée ? Autant d'interrogations qui ont traversé l'esprit de Moura Michel avant qu'il ne porte son affaire devant la justice. A ce stade de puzzle complexe, Moura Michel ne sait ni comment ni par quels moyens il pourra recouvrer ses droits et entrer en possession de ses biens. Ce dont il est sûr par contre, c'est que sa famille a été victime d'une mafia qui a jeté son dévolu sur le foncier abandonné des autres, bénéficiant ainsi de complicités diverses dans différentes administrations publiques. Le réseau bien rodé pour ce genre d'opérations a réussi à leur exproprier plusieurs parcelles de terrains qu'il est parvenu, en toute impunité, à revendre légalement par la suite. Ce sont des lots non bâtis abandonnés depuis des années et extorqués à l'insu de leurs propriétaires résidant à l'étranger. Un nouveau litige foncier vient donc de naître. Une nébuleuse affaire de spoliation de terrains non bâtis abandonnés par des étrangers au Maroc vient de voir le jour. 13 plaintes sans suites Une plainte suivie d'une autre, puis d'une autre et Moura Michel ne voyait rien venir. A Kénitra, à Rabat et à Témara, les investigations policières n'ont mené à rien, où presque. Au total, ce sont 13 plaintes qui ont été déposées par la famille Michel auprès des autorités judiciaires des trois villes citées. L'affaire est suffisamment importante pour intéresser les médias locaux, dont un journaliste de la publication arabophone “Al Moulahid Siassi”, Abderrahmane Badraoui, incarcéré à présent dans la prison civile de Salé pour avoir tout simplement fait son travail journalistique ! Celui-ci commence à poser des questions, à enquêter et à démêler les fils de cette affaire foireuse. Les résultats sont plus que probants. Les implications des uns et des autres sont prouvées et quelques noms des auteurs de cette arnaque à grande échelle, surtout au niveau de la sûreté de Témara, commencent à tomber. La DGSN est saisie et, à son tour, dresse un rapport troublant. La famille Michel a été dépossédée abusivement de ses biens sans qu'aucune mesure répressive ne soit prise. L'affaire est une véritable bombe qui allait mettre les limiers de la DGSN sur la trace des coupables. Une bande bien organisée, composée d'intermédiaires dans l'immobilier, de notaires, de prête-noms, d'hommes d'affaires, et quelques protecteurs au niveau de la sûreté de la municipalité de Témara, agissait en toute impunité pour spolier les terrains abandonnés par la famille Michel au Maroc. L'affaire en question allait connaître un rebondissement surprenant avec l'arrestation d'Abderrahmane Badraoui près du ministère de la Justice à Rabat. Motifs retenus par le parquet de la ville de Rabat : non-dénonciation des faits, dissimulation de preuves et escroquerie. Le journaliste est auditionné par le Procureur général près la Cour d'appel de Rabat, le 28 novembre 2004, qui ordonne son incarcération à la prison civile de Salé. Selon sa défense, Abderrahmane Badraoui ne serait en fait quun bouc émissaire. Faute de le faire taire, ceux qui tirent les ficelles lui ont fait porter le chapeau. “Les fossoyeurs sont ailleurs et ils seront présentés à la justice le 6 janvier 2005 pour répondre de leurs actes”, déclare une source judiciaire à LGM. Le réseau, grâce à des complicités hautement placées et insoupçonnables, identifierait les propriétaires, la nature et les références du titre foncier, et procéderait à des ventes des terrains à des prête-noms, pour des sommes modiques, pour les reprendre après, et les revendre légalement à autrui. Et pour ce faire, le réseau simulerait les acquisitions au nom du véritable propriétaire, Marc Michel en l'occurrence, grâce à de vraies-fausses procurations de cession dûment légalisées chez un notaire établi en France. Par la suite, les procurations transitent chez un autre notaire marocain basé à Rabat, M.H, qui fignole le reste du travail pour valider les ventes des mêmes terrains à des prête-noms, ou mêmes à des noms fictifs. A la tête de ce réseau, on cite le nom d'un intermédiaire immobilier, Regragui Moussa, emprisonné à trois reprises pour des affaires similaires. Celui-ci aurait bénéficié de quelques complicités au niveau de la sûreté de Témara qui n'aura jamais déclenché de poursuites judiciaires à son encontre. De source digne de foi, on avance que l'éclatement de cette affaire aura lieu au début du mois de janvier 2005. Le temps qu'il faut pour achever l'instruction de l'affaire de Jeblia, où plusieurs responsables de la sûreté de la ville de Salé et de la gendarmerie royale sont impliqués. Affaire à suivre.