Le juge d'instruction chargé de l'affaire Slimani-Laâfoura doit boucler son enquête avant février 2005, date à laquelle la détention provisoire des mis en cause prend définitivement fin. L'ex-gouverneur des préfectures de Ain Chock et de Ain Sebaâ-Hay Mohammadi, Abdelaziz Laâfoura, et l'ex-président de la Communauté Urbaine de Casablanca et de la commune urbaine des Roches noires, Abdelmoughit Slimani, sont toujours en détention préventive. En principe, le juge d'instruction près la cour d'appel de Casablanca, Me Sarhane, devrait boucler son enquête avant février 2005, c'est-à-dire un an après l'arrestation du tandem Slimani-Laâfoura. Si au bout de ce délai, le magistrat chargé de l'instruction se trouve dans l'incapacité d'achever son enquête, et partant d'engager des poursuites à l'encontre des mis en cause, ces derniers doivent automatiquement être mis en liberté provisoire. L'affaire Slimani-Laâfoura a bouleversé les milieux politiques, non seulement de la capitale économique du pays, mais de l'ensemble du pays. Et pour cause, ce sont les agissements de deux hommes étroitement liés au système Basri qui seront jugés par la Cour d'appel de Casablanca, après la dissolution de la Cour spéciale de justice. Leur arrestation a eu lieu après plusieurs mois d'enquêtes et d'interrogatoires diligentées par les éléments de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Tout a commencé par une plainte déposée par un homme d'affaires suisse, Jean-Victor Lovat. Celui-ci possède au moins deux sociétés au Maroc. Au début des années 90, il construit deux grands hôtels à Agadir, l'Oasis et le Tivoli. C'est l'ancien président de la communauté urbaine de Casablanca, Abdelmoghit Slimani, qui est le propriétaire du Tivoli. Mais certains se demandent même si ce dernier n'appartiendrait pas, en fait, à l'ancien ministre de l'Intérieur, Driss Basri, puisque Slimani n'est autre que le beau-frère de Basri. En tout cas, Lovat est devenu, au fil des mois, un intime du clan Basri. La coopération entre les deux parties va atteindre la grande ville de Casablanca. Il s'agit notamment du projet Hassan II de recasement de bidonvillois de Hay Mohammadi. C'est la société du Suisse Lovat qui devait se charger de sa construction. Le problème est que 90% des terrains alloués à ce projet furent détournés de leur destination d'origine. C'est l'un des principaux griefs retenus contre Slimani et Laâfoura. Même constat pour le don royal, un terrain destiné en principe à abriter un jardin public dans le quartier de Sidi Moumen. Mais aujourd'hui, ce sont des immeubles qui s'y trouvent. En tout, plusieurs milliards de centimes ont été purement et simplement détournés ou dilapidés. Dans toutes ces affaires, Lovat a été étroitement impliqué. Il se dit victime. Dans la foulée, le torchon a brûlé entre Lovat et ses associés. Il se considère comme un bouc-émissaire. Pour éviter que les gabegies de Slimani et Laâfoura ne soient dévoilées, Lovat écope de plusieurs mois de prison pour émission de chèques sans provision. Une fois en liberté, il jure de faire payer à ses ex-associés et amis le prix de leur forfait. Et il tient parole. En août 2003, après sa plainte, déposée contre une quinzaine de personnes, (dont Slimani, Laâfora, Demnati…), Lovat a ouvert une nouvelle page dans l'Histoire du Maroc. Un gouverneur et un président de la communauté urbaine seront traduits devant la justice et risquent de lourdes peines. C'est peut-être une première, mais certainement pas la dernière. Par ailleurs, la Cour des comptes a également effectué des enquêtes dans d'autres communes de la métropole casablancaise, comme celle de Hay Hassani. Cette commune, rappelons-le, était gérée par Mohamed Kemmou, un proche de Slimani. Aussi, Abderrazak Afilal a été auditionné en novembre dernier par le juge Sarhane. Le leader de l'UGTM a bien évidemment été interrogé dans le cadre de l'instruction de l'affaire Slimani-Laâfora. Afilal, qui a assuré à maintes reprises qu'il n'a absolument pas trempé dans les magouilles de Slimani et Laâfoura a en tout cas beaucoup de choses à dire au juge Sarhane puisqu'il était pendant plusieurs mandatures, président de la Commune d'Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi, circonscription qui a connu plusieurs cas d'abus et de malversations financières reprochés à son successeur Lahcen Haïrouf.