Rabei Osman Sayed Encore un autre cerveau pour le 11 mars. L'Espagne est sur le point d'annoncer très officiellement qu'elle a mis la main sur le grand artificier des attentats. Si l'affaire de l'arrestation, dès le 7 juillet, de Rabei Osman Sayed, est vraie, l'historique que l'on veut prêter à cet Egyptien peut être sujet à des controverses et autres manipulations. Celui que l'on présente comme le cerveau des attentats tombe à point nommé pour sauver une commission aux abois. Son nom est Rabei Osman Sayed, dit Mohamed l'Egyptien. El “Egipto”, comme l'appelaient ses amis espagnols qui comptaient parmi eux les kamikazes de Leganès. Il serait, selon la police espagnole qui présente là son énième cerveau du 11 mars, le chef martial du groupe qui aurait commis matériellement les attentats. Il aurait séjourné en Espagne et aurait tout planifié plusieurs mois à l'avance. Cette information qui lie Rabei Osman aux accusés marocains morts dans l'appartement est relayée par la police italienne qui a procédé, sur son territoire, à son arrestation. L'extradition qui tarde Après son arrestation en juillet dernier, l'Egyptien a formulé son souhait de ne pas faire le voyage vers Madrid où il pourrait être cuisiné sur son implication dans les attentats du 11 mars. Un souhait qui peu à peu s'est transformé en réalité, vu que le suspect est encore aujourd'hui en Italie où il a fait appel suite à la décision de la justice italienne de le livrer aux Espagnols. Les autorités italiennes ont manifesté de bonnes dispositions pour apporter leur soutien à l'Espagne sauf qu'eux aussi avaient besoin de temps pour soutirer les informations les plus chaudes sur le terrorisme en Italie et notamment à Milan, considérée comme le berceau des salafistes. Même si l'Espagne semble tenir son cerveau, il s'avère que les preuves accumulées contre lui relèvent plus de la déduction que du tangible. Des coups de fil et quelques connaissances qu'on lui attribue mais qu'il refuse d'admettre. Comment alors écrouer un tel gabarit qui a sillonné l'Europe, qui a été à la base de plusieurs factions islamistes radicales, mais dans le passé de poseur de bombes n'est pas tout à fait vérifié. On ne lui connaît pas d'antécédents, mais on mise surtout sur ses liaisons avec les Marocains tels les frères Oulad Akcha et le Chinois, Jamal Ahmidan. Cela semble donc suffisant pour le juge Del Olmo qui voit en lui une tête pensante qui aurait encadré idéologiquement des jeunes aux abois, au passé de drogués et de dealers comme les suicidés de Leganès sauf le Tunisien Serhan Fakhet qui, lui, pourrait être le relais sur place de l'Egyptien. En gros, ce sont là les rares preuves que la justice espagnole détient sur le suspect qui n'a jamais non plus nié son séjour espagnol ni ses relations avec la jeunesse islamiste radicale de Madrid et d'autres régions de l'Espagne. Les Egyptiens du Nil Rabei Osman Sayed est né aux abords du Nil comme un certain Mohamed Atta. Dans l'ordre de détention qui a circulé en Europe, en Afrique et en Asie plus de deux mois après les événements de Madrid, le juge del Olmo précise que le mystérieux personnage “a résidé en Espagne” et qu'il a “réussi à prendre le leadership du groupe islamiste qui a perpétré le 11 mars”. A Madrid, ce jeune homme de 33 ans aurait également été vu, quelques temps avant la date fatidique, dans le lieu même où les explosifs ont été fabriqués, dans la fameuse maisonnette de la localité de Morata de Tajuna. A cette époque, il portait une barbichette et avait déjà sur le front la marque de la prière qui est un signe d'assiduité et d'ardeur spirituelle. Le 7 juillet, à Milan, peu après son arrestation, Rabei Osman Sayed aurait reconnu durant les interrogatoires corsés que lui ont fait subir les services de renseignement italiens, qu'il était le commanditaire et superviseur des attentats de Madrid, en même temps que le chef de cellule des sept ou huit hommes de Leganès. Cette information est reprise par les principaux services policiers des deux pays qui soutiennent maintenant avec beaucoup de conviction que l'Egyptien a organisé le massacre des trains. Pour argument, cette phrase, récoltée au détour d'une conversation téléphonique, après le 11 mars : “Les attentats de Madrid furent mon projet et ceux qui sont morts en martyrs sont mes amis fidèles et chéris”. Cette déclaration de Rabei Osman Sayed figure dans le réquisitoire du procureur italien qui inculpe l'accusé de terrorisme. Mohamed l'Egyptien se trouve actuellement à la prison Voghera, à quelques soixante kilomètres de Milan, en état d'isolement absolu. Quels liens avec la cellule espagnole ? La police avait détecté sa présence en France et en Espagne. Lors du coup de filet de Milan, quinze autres arabes étaient tombés avec lui, mais dans un autre pays qui est la Belgique. Ces quinze sympathisants de la cause radicale islamique, avaient été libérés quelques jours plus tard pour manque de preuve, sauf un de ses compagnons dont on ignore encore le nom et qui croupit en prison inconditionnelle à Bruxelles. Pendant l'enquête qui portait sur la bande européenne à Rabei Osman, les relaxations avaient libéré d'autres profils mais précisé des visages qui ont des liens forts avec les réseaux d'Al Qaïda. Aujourd'hui, ce qui importe le plus dans un dossier comme celui-ci où l'Espagne a besoin de se trouver une tête pensante, un leader des auteurs matériels des attentats de Madrid, est de savoir si oui ou non l'Egyptien avait des relations solides et avérées avec la cellule espagnole mère, celle qui a été dirigée par Imad Eddine Barakat Yarkas, dit Abou Dahdah. Car si les relations peuvent être démontrées, l'Egyptien pourrait de facto être l'homme de l'ombre, le remplaçant de luxe, le joker que la cellule tenait à l'écart et qui devait entrer en action une fois la cellule mère démantelée. Dans certains milieux policiers proches de l'enquête sur le 11mars en Espagne, c'est une thèse qui trouve beaucoup de crédit aux yeux des enquêteurs qui le placent déjà comme l'homme fort de la post-cellule de Madrid. Pour certains, il est évident que les passages des islamistes par l'Italie se faisaient en coordination avec l'Egyptien qui faisait office d'homme tampon diligenté par le même Abou Dahdah avec lequel il a eu des rapports à Madrid où ils ont été vus tous les deux à la mosquée M-30. Aujourd'hui, l'Espagne tient son poisson qui calme d'un côté l'opinion publique et résout le problème du vide dénoncé par certains membres du gouvernement sur la désignation d'un cerveau des attentats du 11 mars. “Madrid, c'était mon projet” Mourad: “Comment vas-tu, Cheikh Mohammed?” Mohammed : “Essaie d'aller à Paris pour rencontrer notre frère Mohammed. Donne-lui toute la “mappatura” [cartes ou plans...] nécessaire, tous les téléphones et les noms qui sont ici. Attention! les contrôles sont sévères. Fils de chien, nous trouverons un moyen.” Ecoutes de la conversation entre Mohammed l'Egyptien et son correspondant à Paris. “Prends les 145 euros qui sont prêts. Si Dieu le veut, gardes-en une partie et donne l'autre au “frère algérien”.” Le même jour, conversation captée dans l'appartement de Milan. L'Egyptien raconte son rôle dans les attentats de Madrid. Il dialogue avec un jeune homme, qu'il prépare à la guerre sainte. “Si quelqu'un veut se sacrifier au nom de Dieu, il doit être prêt. Nous, les jeunes, nous devons être les premiers à nous sacrifier. Il n'y a qu'une solution: entrer dans Al-Qaïda. Nous, ici, nous sommes des dormants et notre devoir est d'aller les premiers au jihad”, dit Mohammed à son disciple Yahia. “L'attentat de Madrid, c'était mon projet, et ceux qui sont morts étaient mes amis très chers. [...] Le fil de Madrid, c'est moi. Au moment des faits, je n'y étais pas, mais je te dis la vérité. Avant l'opération, le 4 [mars], j'ai eu des contacts avec eux.” “Moi, je bouge seul; eux travaillent en groupe. Cinq sont morts en martyrs et huit ont été arrêtés. Je voulais projeter quelque chose d'inoubliable. [...] Ce projet m'a coûté beaucoup d'étude et de patience.” “Tous mes amis sont en train de mourir l'un après l'autre, et il y a tant de personnes que je connais qui sont prêtes! Le premier groupe prêt au martyre part le 25, un autre le 20 pour l'Irak en passant par la Syrie; ils sont quatre et il y a des femmes parmi eux.” 29 mai 2004: écoutes téléphoniques entre Mourad, à Bruxelles, et Mohammed, à Paris. Mourad: “Parlons en utilisant des devinettes.” Mohammed: “La situation est en train de se préciser.” Mourad : “Je suis prêt. J'arriverai à Paris au plus vite.” “On a tout. Il ne nous manque qu'un téléphone.” Mohammed: “Tais-toi!”